Armas Vaino Laurila

Mur d'honneur de Sobey

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Armas Vaino Laurila

Sisukas Suomalainen

Le mot finlandais « sisu » est fréquemment utilisé pour décrire le tempérament finlandais. C'est un mot qui n'a pas d'équivalent en anglais mais qui combine certaines caractéristiques comme l'entêtement, la persévérance, l'obstination et un acharnement à ne pas renoncer même dans les conditions les plus défavorables. C'est sans aucun doute grâce au « sisu » que les Finlandais ont pu survivre, prospérer et endurer les conditions politiques et économiques néfastes que leur petit pays a traversées au cours des quelques derniers siècles. Mon père, Armas Vaino Laurila, avait l'esprit et la robustesse que possèdent tant de Finlandais et il était sans équivoque un « Sisukas Suomalainen ».

Mon père, ou « Pa » comme je l'appellerai, était le troisième de 6 enfants de Wilhelmina et Karl Laurila. Il est né à Helsinki, en Finlande, le 5 septembre 1906. Tous ses frères et sœurs, sauf un, sont morts avant d'atteindre l'âge adulte. Le héros de Pa, comme tous les petits garçons qui grandissait en Finlande, c'était son père. Ce dernier était policier et dans les yeux de Pa il était l'homme le plus honnête, le plus fiable, le plus travailleur et respecté qui soit. En 1918, alors que Pa n’avait que 12 ans, il a fait face à la pire tragédie de sa vie. En pleine guerre civile finlandaise, survenue quand la Finlande a gagné son indépendance de la Russie, son père a été fait prisonnier. Son seul crime était d'être policier. Pa l'a appris alors qu'il était à l'école et il est rentré en courant à la maison. En route, il a rencontré son père et les autres prisonniers de guerre qu'on emmenait par la ville. Il se rappelle comment il a couru à côté de son père en pleurant et en suppliant qu'on le relâche. Son père a finalement échoué dans un camp de prisonniers à Suomenlinna, une île au large de Helsinki. C’est là où il est mort quelques mois plus tard. Pa se souvient combien sa sœur et sa mère ont pleuré quand elles ont appris la nouvelle mais lui était très en colère et il maudissait les responsables. Il n'oubliera jamais cette tragédie qui lui a enlevé son père à un si jeune âge. Sa vie ne serait jamais plus la même.

Par conséquence, sa scolarisation formelle s'est terminée à l'âge de 12 ans et il est devenu le soutien de la famille. Il a d'abord été employé comme garçon de courses mais il gardait toujours l'œil ouvert pour trouver un autre emploi qui pourrait lui offrir un meilleur avenir et une meilleure rémunération pour subvenir aux besoins de sa famille. C'est difficile d'imaginer qu'il n’avait que 12 ans ! Il a rapidement appris à conduire un taxi, il est devenu mécanicien de tramway et, finalement, il a appris le métier de machiniste dans lequel il allait faire carrière. Il a passé 2 ans dans l'armée finlandaise où il y a excellé comme joueur de football. La vie en Finlande après la guerre civile était difficile, mais grâce à son « sisu » finlandais, il a toujours eu du travail et a réussi à soutenir financièrement sa mère et ses sœurs.

En 1929, sous l'insistance de sa mère qui avait émigré au Canada l'année précédente, il a décidé de quitter la Finlande à la recherche d'une meilleure vie. À 22 ans, il est parti de Helsinki pour Copenhague où il est monté sur le S.S. Estonia en route pour New York City avec une halte à Halifax. Il a passé son 23e anniversaire à bord du bateau et il s'est certainement demandé ce qui l'attendait dans ce nouveau monde. Le 8 septembre 1929, le S.S. Estonia a accosté au Quai 21 à Halifax, en Nouvelle-Écosse et Pa a marché sur le sol canadien pour la première fois. Il s'est acquitté des formalités d'immigration et est monté dans un train en route pour Montréal. À Montréal, il y avait une jolie blonde qui trois ans plus tard allait devenir sa femme et avec qui il allait partager 55 ans de sa vie. Pa a relevé le défi qui consistait à vivre dans un pays étranger dont il ne parlait même pas la langue avec la même détermination que celle qui lui avait permis de survivre durant les années de guerre en Finlande. Il a accepté tous les emplois qui se présentaient, tels qu’aider à réparer la gare, construire des routes, être bûcheron et finalement machiniste. Il excellait dans ce métier et il est devenu rapidement contremaître à la fois chez Rubenstein Brothers Machine Shop et Canadair Aircraft, compagnie où il est resté jusqu'à son départ pour les États-Unis en 1953.

Pendant les 24 ans que Pa a passé à Montréal, beaucoup de ses rêves se sont réalisés. À partir de ses débuts très maigres, il a pu, à force de travail assidu et de persévérance, acheter une maison, accumuler les économies qui permettraient à sa fille d'aller à l'université et pourvoir aux besoins de sa famille à un niveau confortable. Il est fièrement devenu citoyen canadien et a participé à l'effort de défense civile lors de la Seconde Guerre mondiale. L'équipe de hockey des Canadiens de Montréal, la chasse et la pêche étaient les amours de sa vie pendant toutes ces années passées au Canada. En 1953, la famille a déménagé aux États-Unis puisque Ma caressait le rêve de voir Hollywood. Pa est mort en 1993 à l'âge de 86 ans. Il n'a jamais oublié ses racines finlandaises et son amour du Canada était profond et sincère. Depuis ce jour de septembre 1929 où il a marché sur le sol canadien pour la première fois au Quai 21, avec 25 dollars en poche et le cœur empli de rêves et d'espoirs, le Canada l'a accueilli et un monde riche de possibilités s'est ouvert à lui, contrairement à tout ce qu'il avait pu voir auparavant. Pa, comme tant d'autres jeunes immigrants, s'est battu pour bâtir une vie pour lui et pour sa famille et en le faisant, il a contribué à faire du Canada le grand pays qu’il est devenu aujourd'hui. Je ne peux même pas imaginer à quel point cela a dû être difficile. Il était bien un « Sisukas Suomalainen » - un Finlandais avec des tripes !