Mur d'honneur de Sobey
Colonne
11
Rangée
26
MANCINI, Antonio (1923-1999) (Mon père)
En octobre 1948, parce qu'il n'y avait, à l'époque, aucun travail en Italie, Antonio a laissé derrière lui une jeune épouse (Lina) et sa très jeune fille (Bettina), pour aller à Bruxelles, en Belgique, pour travailler dans les mines de charbon. Alors qu'il y était encore, quelques années plus tard, le Canada a fait un appel à l'immigration. Le pays avait besoin de travailleurs agricoles dans l'Ouest du Canada, alors Antonio a fait envoyer une demande d'immigration pour lui seul.
Ayant été accepté par l'Immigration canadienne, au même titre qu'un de ses amis (Enzo Piccone, lui aussi italien et mineur de charbon), Antonio a laissé ma mère et moi en Italie pour se rendre au Canada avec son ami. Ils ont quitté Bruxelles le 10 avril 1951 à bord du « Georgic » (ID 4029). Le navire transportait 1 561 passagers et est arrivé à Halifax le 27 avril 1951. Il a ensuite pris le train à Montréal, puis est allé jusqu'au Manitoba, où il a rencontré le fermier pour lequel il allait travailler.
Après environ une semaine, n'étant pas très impressionné par la vie dans l'Ouest canadien, il a demandé l'aide d'un prêtre local pour persuader le fermier de le libérer de son obligation de travail pour qu'il puisse aller vivre avec son beau-frère (Mario Angeloni, le mari de sa sœur aînée) à Cooksville, en Ontario. Celui-ci avait déjà immigré en 1949. (Cooksville, à l'époque une municipalité de Toronto et aujourd'hui une partie de la grande ville de Mississauga, a la distinction d'être la capitale vinicole du Canada, selon les affiches dans la région de Cooksville.)
Les règles d'immigration à l'époque exigeaient que, si le gouvernement avait payé le passage de l'immigrant au Canada, ce dernier devait travailler à destination pendant une période donnée. Parce qu'il avait payé lui-même son voyage au Canada, et parce que le fermier (qui devait être son employeur) l'a aidé à remplir les documents nécessaires pour lui permettre d'aller en Ontario rejoindre sa famille, Antonio n'a pas eu à réaliser ces obligations d'emploi. Il a ensuite pris le train jusqu'à Cooksville, où il a rejoint son beau-frère et a trouvé un emploi à la Cooksville Brick Company (la briqueterie). Il y a travaillé, avec beaucoup d'autres immigrants (y compris beaucoup de paesani), pendant les 15 ans qui ont suivi.
Ensemble, les beaux-frères ont acheté une maison. Maintenant qu'il travaillait et qu'il s'était installé, il a demandé à faire immigrer ma mère et moi. Nous sommes arrivées en décembre 1952. Quelques ans plus tard, en 1955, à quelques maisons de celle qu'il avait achetée, Antonio a acheté une nouvelle maison. Une nouvelle fille, Cesarina, est née la même année. À ce jour, sa femme de 95 ans, Lina, habite encore dans cette même maison. Il y a habité jusqu'à son décès le 16 septembre 1999.
MANCINI (née Gualtieri) Lina & LEARDI (née Mancini) Bettina
Le 22 novembre 1952, Lina et une fille de 4 ans, Bettina, ont quitté leur village natal italien d'Aielli Alto, dans la province d'Aquila dans les Abruzzes. Elles ont commencé leur voyage, avec des proches, pour rejoindre Antonio au Canada.
Le 23 novembre, elles sont montées à bord du « Homeland » (ID 4444; 393 passagers) au port de Naples. À environ 11 h 30, elles ont quitté l'Italie avec la sœur aînée d'Antonio, Salvatric, et ses quatre enfants : Maria, Floriana, Luigia et Fernando. Ces derniers immigraient aussi pour rejoindre Mario Angeloni (le beau-frère) à Cooksville. Elles étaient accompagnées de Lino Gualtieri, le fils d'un proche de leur village. Il avait 14 ans et habiterait avec eux au Canada. Un jour, il allait incidemment épouser Luigia et fonder une famille avec elle dans cette nouvelle terre.
Lors du voyage de Naples à Gênes, Lina et Salvatrice ont toutes deux eu le mal de mer. Après l'arrivée à Gênes, tous les passagers ont débarqué pour une demi-journée avant de continuer leur chemin vers Gibraltar. Elles ont été chanceuses de mieux se porter pendant la deuxième partie du voyage.
Lina raconte qu'à l'arrivée à Gibraltar, le navire s'est ancré dans l'eau et non au port. Des vendeurs en petits bateaux se sont approchés du navire pour vendre leurs biens aux passagers. Lina et Salvatrice ont acheté des foulards de tête, qui ont été placés dans un panier au bout d'une corde, qui a ensuite été levé jusqu'à elles. À leur tour, elles ont pris leurs achats et ont placé leur argent dans le panier, qui a été abaissé jusqu'au vendeur.
Après Gibraltar, le navire s'est rendu directement jusqu'à Halifax. Notre groupe familial a vécu le mal de mer. Les seuls qui y ont échappé étaient les deux plus jeunes, Bettina et Fernando, qui étaient heureux de jouer sur le pont près de leurs mères! Lina raconte que les jours suivaient une routine. Ils se levaient à 5 h du matin, puis restaient sur le pont jusqu'à la tombée de la nuit pour calmer leurs estomacs, parce que le mal de mer les empêchait de manger beaucoup, et elles ne pouvaient pas rester confinées dans leurs cabines. Seuls les plus jeunes du groupe ont été assez chanceux pour visiter la salle à manger et la cafétéria pour y manger.
Nous avons rencontré d'autres Italiens à bord du navire. Ils immigraient au Canada, dans la même région de Cooksville, comme nous, aussi pour rejoindre leurs proches. Gemma Della Costa et ses deux enfants, Romana et Diana, sont quelques années plus tard, en 1955, devenues nos voisins (séparés par une seule maison) sur la rue Orchard (aujourd'hui la rue Rugby). Diana et I avons aussi été camarades de classe à la même école primaire, St-Catherine-of-Siena, jusqu'en huitième année.
À environ 7 h du matin le 6 décembre 1952, nous sommes arrivés à Halifax. Pendant notre voyage vers Cooksville, ma mère se souvient d'avoir acheté du pain tranché blanc (que nous appelons encore à ce jour du pain « anglais »). Elles ne l'ont pas aimé parce qu'il n'avait rien à voir avec le pain auquel elles étaient habituées en Italie. À son arrivée, ma mère se souvient de ne pas avoir vu grand-chose de notre nouveau pays. Nous avons embarqué directement dans le train, et elle se souvient que le train avait des banquettes en bois très inconfortables. Nous avons pris le train jusqu'à Montréal, où nous avons passé à un train plus confortable pour la dernière partie du voyage vers Toronto. Environ 24 heures après notre arrivée à Halifax, nous sommes arrivés à l'Union Station de Toronto, au milieu de la nuit. Nous avons pris un taxi jusqu'à Cooksville. En approchant du centre du village, ma mère se souvient d'avoir regardé un côté de la rue Dundas et d'y avoir vu une route en gravier à 2 voies marquée de lumières de rue des deux côtés (Franze Drive). Plusieurs années plus tard, des proches de son mari y habiteraient.
À l'arrivée à Cooksville, ma mère se souvient qu'il s'agissait principalement des 4 coins (intersection des autoroutes 5 et 10, ou les rues Dundas et Hurontario) comme centre-ville. Il y avait plusieurs bâtiments dans ce coin-là, beaucoup de fermes et de terres agricoles, et, bien sûr, la briqueterie (Cooksville Brick Company), qui employait la majorité des immigrants de la région. À un moment donné, cette entreprise (qui a fermé ses portes en 1970) a été la plus grande fabrique de briques au Canada.
Ma mère se souvient d'être arrivée dans notre nouvelle demeure canadienne (une maison achetée conjointement pour les deux familles par mon père et le mari de sa sœur) et de l'avoir trouvée pleine de « pensionnaires », 10 hommes en tout, la majorité des cousins de Papa, qui avaient tous aussi récemment immigré au Canada. En y ajoutant toutes les femmes et enfants qui venaient d'arriver, une vingtaine de personnes ont partagé la maison pendant les deux ans qui ont suivi, jusqu'à ce que d'autres demeures soient achetées à l'arrivée d'autres membres de leurs familles. À ce jour, ma mère n'a jamais regretté son déménagement vers une nouvelle terre inconnue.
Pour marquer le cinquantième anniversaire de notre arrivée au Canada, en octobre 2002, nous avons revisité le Quai 21. Avec ma mère Lina et mes cousines Floriana et Luigia (toutes du groupe original) et quelques autres membres de la famille qui sont nés au Canada, notamment ma sœur Cesarina (Rina), son fils Marc, et la fille de ma cousine Luigia, Liana, nous avons fait le voyage vers Halifax. En entrant dans la partie principale du bâtiment, ma mère et mes cousines ont immédiatement reconnu la pièce. Elles ont commencé à raconter au reste du groupe ce dont elles se souvenaient de leur expérience, 50 ans plus tôt. Elles se souvenaient du « grand hangar » où elles sont restées avant d'être acheminées dans le train avec les sièges en bois qu'elles avaient trouvés si inconfortables. Malheureusement, étant très jeune, à 4 ans, je n'avais pas de souvenirs dont je pouvais me rappeler. Mais j'ai néanmoins trouvé l'expérience de la visite du Quai 21 très émouvante, sachant que j'y étais déjà passée.
GUALTIERI, Clemente (1929 – 2002) (mon oncle)
À l'âge de 24 ans, Clemente a quitté Naples, en Italie, le 1er décembre 1953, en bateau. Il est arrivé à Halifax le 13 décembre 1953. Il a voyagé jusqu'à Cooksville pour rejoindre sa sœur Lina et sa famille. Son frère cadet de 19 ans, Antonio, avait émigré au Canada plus tôt cette année-là, en septembre, atterrissant à l'aéroport de Toronto, aujourd'hui Lester B. Pearson.
Sa sœur Lina avait demandé que ses deux frères la rejoignent au Canada. Ils devaient arriver par avion en septembre, mais seul Antonio est venu, car Clemente devait rester en Italie, pour clore les affaires agricoles de la famille. Il a donc reporté son départ de quelques mois. Arrivant seulement avec les vêtements qu'il portait, Clemente a décidé qu'il aimait beaucoup la vie au Canada. Les deux frères ont tant aimé la vie au Canada qu'en 1962, ils ont pris le risque de commencer une entreprise de construction. Celle-ci a grandi en d'autres entreprises qu'il a possédée pendant 40 ans, jusqu'à son décès en 2002.
GUALTIERI, Cesare (1896 – 1976) & GUALTIERI (née Polla) Maddalena (1897 – 1977) (mes grands-parents maternels)
Cesare, qui avait 62 ans, et Maddalena, qui avait 61 ans, ont voyagé de Naples, en Italie, pour rejoindre trois de leurs quatre enfants : ma mère Lina, Clemente et Antonio, qui vivaient tous dans le même quartier de Cooksville. Ils sont arrivés à Halifax le 28 juillet 1958, puis ont pris le train jusqu'à Toronto. La sœur aînée, Angela, est restée en Italie jusqu'à l'été 1971 lorsqu'elle a émigré au Canada avec son mari Tommaso Marinucci.
Sans savoir ce qu'ils trouveraient dans cette nouvelle terre, Maddalena a apporté avec elles des articles qu'elle croyait essentiels, tous faits à la main. J'en ai encore quelques-uns dans ma maison aujourd'hui. Un chauffe-lit en cuivre (scalla-letto), c'est-à-dire un contenant avec une longue poignée et des trous dans le couvercle, qui contenait des charbons ardents et qu'on plaçait entre les draps, un grand égouttoir à pâtes en cuivre, une bêche de jardin (zappa) et une scie manuelle pour deux personnes.Ce n'était pas la première fois que Cesare se rendait au Canada. Il l'avait déjà visité, et les États-Unis, pendant cinq ans, de 1923 à 1928. À cette époque, trois des frères de Maddalena, Lorenzo, Giuseppe et Domenico Polla, qui habitaient à Auburn, dans l'État de New York, n'avaient pas réussi à lui conférer la citoyenneté américaine. Une de leurs connaissances qui habitait au Canada a donc rempli la documentation nécessaire pour l'émigration de Cesare au Canada.
Lorsqu'il est arrivé, il n'y avait pas de travail pour lui, et il n'avait pas les documents nécessaires pour voyager aux États-Unis. Il est donc entré aux États-Unis clandestinement et a commencé à y travailler. Après un certain temps, pour faire venir sa famille, il est rentré au Canada pour parler à la connaissance qui l'avait d'abord aidé à immigrer au Canada, puis est revenu aux États-Unis (clandestinement, encore une fois) mais a été découvert par les autorités américaines. Il a passé environ un mois dans une prison américaine. Parce qu'il s'y est bien comporté, il a été libéré après un paiement de 500 $ versé par ses frères. Le montant leur a été rendu après la déportation de Cesare en Italie, car il n'était pas citoyen canadien à l'époque. Son rêve était de revenir au Canada, mais c'était difficile avec une famille qui s'agrandissait.
Maddalena l'a souvent raconté... Lorsque Cesare était au Canada dans les années 1920, il a écrit et raconté qu'il mangeait assez souvent du poulet. Lorsqu'elle a émigré et qu'elle a vu l'abondance de viande qui était disponible, elle a remarqué : « C'est pourquoi il ne renvoyait pas beaucoup d'argent... il dépensait sa paye sur la viande, qu'il mangeait souvent. » (La viande était une gâterie rare pour eux en Italie, car elle manquait à l'époque.)
MANCINI, Giovanni (1886 – 1967) (Mon grand-père paternel)
Veuf depuis 1944, il a émigré au Canada à l'âge de 72 ans pour rejoindre cinq de ses six enfants (ses filles Salvatrice Angeloni, Giuseppina Iacobucci et Maria Giamberardino, et ses fils Antonio et Alfredo) qui vivaient tous dans le même quartier de Cooksville. Voyageant seul à partir de Naples, il est arrivé à Halifax le 18 décembre 1958.
Une fois qu'il a débarqué, il a été coincé à Halifax en raison d'une incompréhension entre l'agent de voyage en Italie et son fils aîné Angelo, avec qui il habitait là-bas; Angelo est le seul des six enfants qui n'a jamais émigré au Canada (il est décédé en 1992). Mon grand-père n'avait donc pas payé son billet de train pour le reste du voyage vers Toronto. Son plus jeune fils, Alfredo, a donc voyagé jusqu'à Halifax pour l'accompagner jusqu'à sa nouvelle demeure à Cooksville.
Il a habité au Canada avec ses enfants jusqu'à son décès le 14 mai 1967.