La quarantaine magique de Noël 1951

Christine Schlechta était une jeune immigrante allemande de 10 ans lorsque s’est déroulé ce qu’elle appelle la quarantaine magique de Noël.

Christine se souvient que : « C’était la veille de Noël 1951 lorsque nous sommes arrivés au Quai 21 d’Halifax. « Nous avons été conduits dans une grande salle de rassemblement bordée de bancs où nous avons dû attendre que l’on nous appelle par nos noms. Nous avons ensuite été traités et nos documents ont été estampés avec la désignation d’immigrant reçu.

« Malheureusement, ou plutôt heureusement, il se trouve que Hans est tombé malade quelques heures avant notre arrivée. Cela signifiait qu’il devait être mis en quarantaine, et comme il était tombé malade à bord du navire, la compagnie maritime a dû payer tous les frais. Cela signifiait aussi que nous avions un endroit où passer Noël. Je ne sais pas ce que nous aurions fait sinon. Hans a été emmené dans une chambre d’hôpital et le reste d’entre nous avons été conduits dans une chambre contenant plusieurs lits superposés en métal. Nous avions la chambre pour nous seuls et cet endroit est devenu notre demeure pendant plusieurs jours. »

La prison des uns est la maison du temps des Fêtes des autres. Pour Christine et son frère Hans, le meilleur était encore à venir.

« Pendant la nuit, la pluie s’est transformée en neige et nous nous sommes réveillés dans un pays de merveilles hivernales, explique Christine. Une énorme quantité de neige était tombée. Plusieurs immigrants italiens ont obtenu leur premier emploi canadien lorsqu’ils ont pris des pelles et commencé à dégager la neige qui s’était accumulée sur les rails, pour que les trains puissent circuler.

« C’était le matin de Noël dans un pays étrange et froid.

« Nous avons été bien nourris pendant notre séjour à Halifax, tout particulièrement le jour de Noël. Pour le déjeuner, j’ai reçu un bol rempli de quelque chose d’étrange, des flocons de maïs. Nous avons aussi reçu des œufs cuits durs, très durs. On nous a aussi donné des tasses de thé fort avec du lait et du sucre, ce qui était également étrange. En Allemagne, le thé est servi avec du citron, jamais avec du lait.

« Le personnel de l’auberge m’a donné un livre de coloriage et des crayons de cire. Je n’avais jamais vu de crayons de cire auparavant. J’étais habituée aux crayons de couleur en bois. J’ai trouvé qu’il était difficile de colorier avec ces crayons sans dépasser les lignes, mais le livre de coloriage m’a occupée pendant plusieurs jours. Ce soir-là, nous avons eu notre tout premier repas de dinde avec de la farce, de la purée de pommes de terre, de la sauce aux canneberges et de la sauce brune. »

Ce n’est pas moi qui me fais des idées, pas vrai? Lorsque des personnes en bonne santé sont mises en quarantaine, elles deviennent obsédées par la nourriture. Le simple fait de lire ceci me donne envie de manger un poulet entier, mais je ne le ferai pas... Enfin, pas avant que Christine ne termine son histoire.

Après un certain temps, Christine et ses frères et sœurs en bonne santé ont été autorisés à sortir et à explorer Halifax.

« Une chose dont je me souviens et qui m’a fascinée, ce sont les lumières de la marquise d’une salle de cinéma. Elles clignotaient et bougeaient sans arrêt. C’était la première fois que je voyais des lumières bouger. »

Il s’agissait du cinéma Orpheus sur Barrington Street. Je n’ai jamais visité cet endroit, mais il prend une place centrale dans de nombreuses histoires d’immigrants et d’anciens combattants, ce qui me donne un sentiment de nostalgie à son égard. Les cinémas indépendants ont presque tous disparu et il est difficile de dire quand nous pourrons une fois de plus bonder les cinémas commerciaux, si cela arrive. Perdre cette expérience commune aura un impact profond, mais comme Christine, nous devons rester positifs et trouver de la joie dans chaque bouchée de nourriture et chaque lumière scintillante.

Mise à jour : Lorsque j’ai communiqué avec Christine pour partager ce blogue, elle a été frappée par l’ironie du moment.

« ... Votre blogue est arrivé alors que mon mari et moi sommes en pleine quarantaine de 14 jours à cause de la COVID-19, m’a-t-elle écrit. Nous étions à bord du bateau de croisière Zaandam, qui faisait le tour de l’Amérique du Sud. Une croisière de 2 semaines qui s’est transformée en un cauchemar de 4 semaines, car aucun pays ne nous permettait d’accoster. Nous avons finalement accosté à Ft. Lauderdale, le 3 avril, après que les gouvernements de nombreux pays, dont le Canada et les États-Unis, aient supplié le gouverneur de la Floride de nous permettre de débarquer et de prendre l’avion pour rentrer chez nous. »

Christine et son mari sont maintenant sortis de leur quarantaine et se portent très bien.

Musée canadien de l’immigration du Quai 21. (S2012.2316.1)

Une famille de quatre personnes debout, l’air reposé. Ils sont dans un parc et forment une rangée devant des arbres.
Les membres de la famille Schlechta faisant leur premier pique-nique à Niagara-on-the-Lake, Ontario, août 1952.
Musée canadien de l’immigration du Quai 21 (DI2014.393.10)
Author(s)

Carrie-Ann Smith

Carrie-Ann Smith est la Vice-présidente, responsable de la mobilisation du public du Musée canadien de l’immigration du Quai 21. Elle a joint la Société du Quai 21 durant l’été 1998 et a vu l’organisation se développer à partir d’une idée pour devenir d’abord un centre d’interprétation puis, un musée national. Bien qu’elle ait occupé plusieurs postes au Musée, la collecte et le partage d’histoires ont toujours été ce qu’elle aime le plus. Et c’est toujours vrai !