Aviatrice-chef Grace Shewan

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WAAF and War Bride

Réflexions d’une opératrice de radar

On m’a demandé de vous raconter ce que j’ai fait lors de la Seconde guerre mondiale. Lorsque j’avais 19 ans, on m’a informée, tout comme les autres jeunes de mon âge habitant en Angleterre, de me présenter à un entretien afin de déterminer quelle serait ma tâche pour l’effort de guerre. Il y avait différentes options qui s’offraient à nous : travailler dans les usines, effectuer des travaux dans les bureaux du gouvernement, être militaire dans l’armée de terre ou la milice et plus encore. J’ai décidé de me joindre à la Royal Air Force puis, après quelques essais, on m’a demandé si j’aimerais être opératrice de radar. J’ai demandé : « Qu’est-ce que c’est », comme l’ont probablement fait la plupart des autres, puisque le mot « radar » n’existait pas dans notre vocabulaire et était totalement secret ! On ne m’a donné aucune explication, excepté qu’on m’a dit que je trouverais cela très intéressant, ce qui fut le cas. On m’a envoyée suivre une formation de 6 semaines pour en apprendre davantage. Un des désavantages est qu’il n’était pas possible de réviser nos notes le soir ou d’étudier pour un examen, puisque nous n’étions pas autorisés à apporter les documents ou nos notes de cours à l’extérieur du bâtiment où la formation était donnée – c’était fermé à double tour – car toutes ces informations étaient top secrètes.

J’ai ensuite été assignée à une petite station radar sur la côte est écossaise, dans un petit village de pêche. La base aérienne était située au somment de la colline, avec une antenne qui fonctionnait jour et nuit, dans le plus grand secret, et dans le village, il y avait plusieurs rumeurs qui couraient au sujet de ce qui pouvait se passer là-haut ! L’antenne transmettait son signal jusqu’à la mer, et lorsque la force du signal faiblissait, la transmission d’une autre station, dans le bas de la côte prenait la relève, faisait la même chose et couvrait sa région de la côte. Ces stations étaient situées autour des côtes de l’Angleterre, de l’Écosse, du Pays de Galles et de l’Irlande, afin que tout le littoral des îles britanniques puisse transmettre ces signaux vers la mer du Nord, la Manche, la mer d’Irlande et l’océan Atlantique. Lorsqu’un ou plusieurs avions entraient dans la zone du signal, nous, les radaristes, voyions immédiatement sa position sur la grille à notre écran, la lisions dans notre micro afin que l’information soit entendue dans le local technique. Lorsque les avions étaient identifiés comme des avions ennemis, le local technique informait immédiatement l’escadron de chasseurs, et ceux-ci se mettaient en vol très rapidement. Lorsque les Allemands ont commencé les bombardements, les stations situées dans le sud-est de la côte étaient très occupées.

Les chasseurs étaient envoyés pour les intercepter, et ils ont réussi à arrêter quelques-uns des bombardiers, mais ils n’étaient pas en nombre suffisant, alors certains bombardiers réussissaient tout de même à se frayer un chemin. Ce système de défense tout autour de la côte constituait une partie cruciale de l’effort de guerre, mais n’a évidemment été reconnu qu’une fois la guerre terminée. Même à cette époque, les vétérans radaristes devaient demeurer dans le secret, et ce, pendant 50 ans.

Pouvez-vous imaginer, à cette époque et à cet âge, devoir garder le secret à propos de quelque chose qui impliquait autant de personnes ?!! Le Musée « Les secrets du radar » (Secrets of Radar), situé dans notre ville de London, en Ontario, a beaucoup de choses à nous faire découvrir. Il y avait une certaine connexion canadienne, puisque près de 5000 aviateurs canadiens furent formés, à la demande du gouvernement britannique, à devenir des techniciens de radars (mon mari, Arnold Shewan, était l’un d’entre eux). Une fois en Grande-Bretagne, ils étaient basés au RAF, puis envoyés dans les stations côtières.

Après avoir passé un an en Écosse, j’ai été transférée dans une autre station radar. Celle-ci était très différente, puisqu’il s’agissait des radars du côté offensif. Ce radar s’appelait Oboe. Notre équipement était connecté par radio aux chasseurs Mosquito, qui volaient au-devant des bombardiers Lancaster. Lorsque les Mosquitos étaient à une certaine portée de la cible, ils utilisaient leur équipement spécial et entendaient une note (semblable à celle d’un Oboe), et cette note changeait s’il s’éloignait de sa trajectoire. C’est à ce moment que nous devenions très occupés, dans la salle des Opérations, à déterminer à quel moment il atteindrait la cible, en prenant en considération la vitesse de l’avion, la vélocité du vent, etc. Je dois mentionner ici que tout cela se faisait à l’aide d’une règle à calcul, un outil inconnu de nos jours. Imaginez à quel point il aurait été beaucoup plus facile de faire ce travail à l’aide d’une calculatrice moderne ! J’ai encore une règle à calcul à la maison, mais je ne me rappelle plus du tout comment l’utiliser ! Au moment précis où l’avion se situait au-dessus de la cible, nous le lui faisions savoir en coupant le son ou la tonalité, afin qu’ils laissent tomber leurs fusées éclairantes. Il s’agissait d’un type de fusée éclairante très particulier, car elles ne pouvaient être répliquées par les Nazis. Les Nazis avaient préparé de fausses fusées éclairantes afin de tromper nos pilotes de bombardiers. Toutefois, puisque les bombardiers étaient bombardés par des fusils et des chasseurs, les fusées éclairantes leur facilitaient la tâche, leur permettant ainsi de faire des bombardements précis. Il a d’ailleurs été mentionné qu’Oboe était le système de bombardement le plus précis utilisé lors de cette guerre.

Mon dernier souvenir de la connexion Oboe date du début de l’année 1945. Les gens des Pays-Bas étaient encerclés par l’armée allemande depuis plusieurs mois, et la nourriture ne pouvait franchir cette barrière. Ils se nourrissaient de betteraves crues, de bulbes de tulipes, et j’ai même entendu dire que des chiens et des chats avaient disparu. Puisque le gouvernement néerlandais était en exil, le gouvernement britannique et la Croix-Rouge souhaitaient à tout prix pouvoir faire parvenir de la nourriture à ces habitants, et ont tenté de négocier avec les Allemands afin de signer un traité permettant de laisser les avions apporter des vivres. Ce traité n’avait pas encore été signé lorsqu’un Lancaster a été envoyé, volant à très basse altitude afin de larguer des lots de nourriture et voir si les Allemands allaient tirer. Ils n’ont pas tiré, puis plusieurs avions ont suivi. Le traité a été signé dans les quelques jours qui ont suivi.

Je finirai avec deux citations tirées de journaux :

La première date du mois d’avril 1945 et est tirée du London England. Le titre se lisait comme suit : « La RAF "bombarde" la Hollande de tonnes de nourriture ».

Nous, les radaristes, avions la responsabilité de dire (citation) : « Les Pathfinders (sont sur le point de larguer) leurs marqueurs de couleur dans les zones cibles, puis les Lancasters, volant à moins de 500 pieds d’altitude, suivaient avec de la nourriture ». (non cité) L’article poursuivait ainsi : « Chaque Lancaster était équipé de lots spéciaux contenant des sacs de nourriture … certains en transportaient suffisamment pour nourrir 3000 personnes pour une journée. » Cela a duré plusieurs jours et, bien que les radaristes ne jouaient qu’un petit rôle dans tout cela, c’était un sentiment fabuleux que d’avoir l’impression de pouvoir aider.

Le deuxième article date du 30 avril 1998 et est tiré du London Free Press :

On y voit une photo d’un dîner organisé pour « réunir » les membres de la première équipe de bombardiers Lancaster à avoir largué de la nourriture en Hollande dans le cadre de « l’Opération Manna ». Ce vol était le premier test. Et je cite : « Un jeune garçon de 15 ans, affamé, voit l’avion et, craignant qu’il ne largue des bombes, se précipite dans une tranchée. Il relève la tête et observe l’avion, alors que celui-ci largue non pas des bombes, mais plutôt de la nourriture. L’avion est si près qu’il peut voir un membre de l’équipage lui envoyer la main… Ce garçon, qui habite désormais au Canada, a organisé un dîner à London, en Ontario, pour honorer les cinq membres de l’équipage de cet avion. »

Un des membres de l’équipage a dit, dans cet article : « Tous les membres de l’équipage étaient soulagés d’avoir fait quelque chose pour aider les Hollandais. C’est un de mes plus beaux souvenirs de la guerre. » Chacun des membres de l’équipage était âgé entre 18 et 21 ans – un âge très semblable aux nombreux vétérans dont nous soulignons la mémoire en ce jour du Souvenir.

Grace Shewan : JOUR DU SOUVENIR, 10 novembre 2013

Une jeune femme en uniforme militaire est assise entre deux personnes.
Grace - 1943
Vieille photo d’une jeune femme aux cheveux bruns courts, elle porte un médaillon.
Grace - 1944
La photo de mariage de Grace et Arnold, avec leurs amis et leur famille debout avec eux.
1944- Le mariage de Grace et Arnold
Un homme et une femme debout sur les marches d’une église en vêtements de mariage.
1944- Le mariage de Grace et Arnold
Trois femmes sont représentées, une assise et deux debout derrière elle. Elles portent toutes des chemises blanches et des cravates sombres.
Trois femmes se tiennent devant une haie, elles portent toutes des uniformes militaires.
Deux femmes souriantes en tenue militaire sont assises sur un mur de briques.
Un groupe de jeunes hommes et de jeunes femmes portant des uniformes militaires pose pour la caméra.