Vice-Admiral Douglas S. Boyle

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19

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Vice-Admiral Douglas S. Boyle
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Royal Canadian Navy

 

L’histoire de mon père

Notre père, Douglas Seaman Boyle, est né le 29 novembre 1923, dans la ville de Revelstoke, enclavée dans les montagnes Rocheuses de la Colombie-Britannique. Son deuxième prénom, prémonitoire s’il en est un, était le nom de famille de sa mère. Ses parents, Ann Dorothy Susan et Allan Douglas Boyle, ont immigré au Canada en provenance d’Angleterre et se sont installés à Revelstoke, juste après la Première Guerre mondiale. Ses parents et sa sœur aînée, Irene, semblent avoir adoré le jeune et brillant Doug, qui avant même l’âge de 12 ans se passionnait pour la mer, à travers la lecture. L’Amiral Nelson était son héros préféré. Cela le conduit, à l’insu de ses parents, à s’inscrire auprès de la Marine canadienne naissante afin de lui demander de devenir marin. Bien sûr, en raison de son âge, ses parents ont été avisés et ont finalement accepté à contrecœur qu’il poursuive son rêve de carrière dans la marine. Par contre, ils ont insisté pour qu’il soit qualifié pour la formation d’officier, à ce moment seulement disponible en Angleterre. Ses professeurs de Revelstoke l’ont aidé à relever le défi de se qualifier pour la formation de l’école préparatoire d’officier, la HMS Conway, basée dans la baie de North Wales & Liverpool. En 1939, malgré la Grande Dépression, sa famille a réussi à l’envoyer débuter sa formation navale, à l'âge de 15 ans. Alors qu’il était à la HMS Conway, il m’a raconté qu’il était tellement déterminé à réussir et conscient des énormes sacrifices de sa famille qu’il passait beaucoup trop de son temps à étudier et à se préparer à entrer au Dartmouth Naval College et plusieurs fois, ses enseignants et ses agents de formation l’ont sommé de « lâcher les livres, sortir, faire du sport et socialiser ! »

En 1941, il commence sa formation au Royal Navy’s College à Dartmouth et agit rapidement comme aspirant à bord de navires britanniques dans le sud de la mer du Nord et la Manche. En 1943, il devient sous-lieutenant et en novembre de la même année, il est transféré sur son premier navire canadien, le NCSM Chaudière, et entre en service sur la mer du Nord, au large de Scapa Flow, et sur des convois de l’Atlantique Nord. En 1944, comme lieutenant, il reçoit la « Citation militaire britannique » avec la mention « Pour bon service lors de la destruction d’un sous-marin ennemi. » Cela avait à voir avec le fait que papa avait lancé de petits bateaux dans une mer très agitée pour aller chercher des survivants allemands. (Fait intéressant, papa a rencontré l’un de ces survivants des années plus tard, alors qu’il servait dans la Force navale permanente de réaction de l’OTAN.)

En 1942, le navire sur lequel il se trouve jette les amarres dans le Firth of Forth, au large d’Édimbourg, lorsqu'il subit une attaque soudaine d’appendicite et est déplacé à terre à l’hôpital de Bangour. (Le Bangour Hospital était un hôpital psychiatrique qui avait été réquisitionné par le War Office et qui est ensuite devenu le Scottish Emergency Medical Hospital au cours de la Deuxième Guerre mondiale). Une certaine Janet Thomson, âgée de 20 ans et originaire de la ville minière voisine de Bathgate, s’y trouvait justement pour y compléter sa formation d’infirmière. Selon papa, il a eu le « coup de foudre » mais a toujours prétendu en plaisantant que c’est maman qui lui avait fait la cour ! Après qu’il soit sorti de l’hôpital et retourné sur son navire, notre grand-père Thomson l’invitait régulièrement, lui et les autres jeunes hommes en service, à sa maison pour le dîner du dimanche. C’est à ce moment que la relation de Doug et Jan s’est épanouie et le 30 avril 1943, ils se sont mariés à l’église presbytérienne St. David de Bathgate, dans le West Lothian. Doug était en service sur un convoi lorsqu’un an plus tard sa première fille, Beth, est née à Édimbourg. À la fin de 1944, Janet et Beth, âgée de 6 mois, ont été envoyées en toute sécurité vers le Canada et la famille Boyle, à Revelstoke.

À la fin de la guerre, Doug a étudié la navigation sur le HMS Dryad et a servi comme officier de navigation sur le NCSM Ontario, dans le Pacifique en 1947-48. En 1951, il fut promu capitaine de corvette et servit comme officier des opérations, de la formation et de la navigation sur le porte-avions NCSM Magnificent jusqu’en 1952.  Après deux ans en Angleterre (1952-54) à titre d’agent de liaison pour l’état-major canadien à Londres et après avoir complété le cours d’état-major de la Marine royale à Greenwich, il fut promu commandant et revint à Ottawa comme directeur adjoint de l’instruction navale.

Entre 1947 et 1959, quatre autres filles sont nées et Jan a déplacé la famille en Angleterre et un peu partout au Canada, au gré de la carrière de Doug.

Durant les années 1957 à 1964, Doug est retourné en mer, basé à Esquimalt, en Colombie-Britannique, où il a commandé le NCSM Athabaskan et le NCSM Saguenay avant d’être promu capitaine pour prendre les commandes des sept navires de la quatrième escadrille canadienne d’escortes et de la formation navale des officiers junior en mer. Puis, il est retourné à Ottawa comme directeur principal des nominations navales et adjoint au conseiller principal naval du ministre de la défense. En 1966, il fut promu comme directeur général des affectations et carrières au service du Commodore et des nominations. C’est durant cette période qu’il a été très impliqué dans la mise en œuvre du livre blanc de 1964 qui a été à l’origine de l’unification des trois branches des Forces armées canadiennes. J’ai toujours eu le sentiment que papa voyait effectivement un certain mérite dans la théorie d’unification, particulièrement dans une période de ressources financières limitées au ministère de la Défense nationale, mais qu’il a souvent été frustré par certaines décisions, telles que la création de « l’uniforme vert » et l’adoption des grades de l’armée, voyant dans de tels changements relativement mineurs des effets négatifs sur le moral des officiers et des hommes qui servaient dans les diverses divisions des Forces. Mais pendant un certain temps, mon père fut général de brigade plutôt que commodore !

En 1969, il est de retour en Angleterre au Imperial Defence College jusqu’en 1970, lorsqu’il devient le premier Canadien à commander la Force navale permanente de l’Atlantique de l’OTAN. Cela devait être son dernier poste de commande en mer.

De retour au quartier général du MDN à Ottawa, en 1971-1972, il est nommé directeur général des besoins et des politiques en personnel. Après sa promotion au grade de contre-amiral en 1972, il devient chef du Personnel des Forces armées canadiennes, responsable des questions relatives aux membres militaires et civils du département de la défense. Pendant cette période de compressions des dépenses militaires, papa se fait une réputation de dire ce qu’il pense. Tout en usant de son meilleur jugement pour apporter les modifications nécessaires au personnel militaire, il ne retient pas sa critique envers les priorités politiques concernant les Forces canadiennes.

En 1973, il est nommé commandant du Commandement maritime d’Halifax – il quitte Ottawa et est de retour en mer. Il entre en fonction avec la mission d’apporter des changements. Sous sa direction, le Commandement a pris vie. Il a rapidement rassemblé une équipe pour l’aider à élaborer un plan stratégique pour l’avenir des opérations militaires au Canada. Ceci comprend une réorganisation sans précédent de la structure de commandement, jetant les bases à un nouveau programme aérien et naval et à des plans de réaménagement de l’arsenal des côtes est et ouest en vue de soutenir le futur de cette nouvelle opération militaire. À mesure que le plan se dessinait, papa est devenu de plus en plus verbal concernant les besoins militaires du Canada et critique envers le manque d’engagement politique. Bien que son franc-parler causât un certain embarras à Ottawa, il était respecté pour son engagement envers la cause et l’expression rationnelle de ses idées. En 1975, il a été promu vice-amiral et a été reçu Commandeur de l’Ordre du mérite militaire En 1977, il a été nommé membre de l’Ordre militaire et hospitalier de Saint-Lazare de Jérusalem. En plus de ces récompenses, notre famille conserve les dix médailles militaires qu’il a obtenues tout au long de sa longue carrière dans la marine.

En 1977, avec un nouveau chef de l’état-major en place, le changement était dans l’air et les visions arrêtées de papa ne seraient plus tolérées. On lui a offert un poste de recherche au quartier général qu’il savait être en réalité un stratagème pour le couper du contact direct avec le service et les hommes auxquels il croyait– et ainsi faire taire ses attaques ouvertes sur la négligence d’Ottawa envers les Forces armées. C’est donc avec une immense tristesse, après une vie de service envers son pays, qu’il a remis sa démission officielle à 54 ans et s’est retiré. Bien que sa carrière ait pris fin, sa passion pour le personnel militaire et le Canada ne s’est jamais effritée.

Il a continué à faire ce qu’il pouvait en tant que civil pour aider les militaires qui faisait appel à lui et de présenter son point de vue honnête sur les militaires et les affaires publiques lorsque sollicité par les médias et comme conférencier.

Après des années de dur travail et de journées aux longues heures, les premières années de la retraite n’ont pas été faciles pour papa, mais lui et maman ont entamé avec enthousiasme la rénovation d’une jolie mais plutôt négligée ferme de plus de 200 ans située dans la communauté de Mill Village, en Nouvelle-Écosse. Papa s’est aussi consacré à la collecte de fonds pour l’hôpital pour enfants Isaak Walton Killam d’Halifax. À l’automne 1980, ils ont déménagé à Ottawa, de retour dans le secteur de Bells Corner et la communauté qu’ils avaient aimée dans les années 1960. C’est là que se sont succédé quinze années à recevoir les petits-enfants et à célébrer les 40e et 50 e anniversaires de mariage, avant que Janet ne décède, en 1995. Papa n’a jamais vraiment surmonté cette perte, mais a pu, enfin, partager la maison avec un autre chien Saint-Bernard - il en avait eu un à Revelstoke, alors qu’il était un jeune garçon et avait toujours dit qu’il aimerait en avoir un autre, mais maman était moins enthousiaste à l’idée, avec leurs cinq filles et tous ces déménagements !

Papa est mort en 2001 après une autre grande bataille, cette fois combattant le mésothéliome, un cancer qu’il croyait avoir contracté au cours des années à bord de bateaux dont les tuyaux étaient isolés avec de l’amiante. (Ironie du sort, il avait contribué à l’élimination de cette substance dangereuse des navires durant son séjour au Commandement maritime.)

C’était un homme de passion et d’engagement, non seulement dans sa carrière, mais aussi envers sa famille. Ces traits de caractère continuent de vivre dans nos mémoires.

(L’histoire de mon père a été écrite par sa fille aînée Elizabeth, avec la contribution de ses quatre autres filles, Isobel, Heather, Margaret et Patricia.)

Doug, en route vers l’Angleterre, en 1939
Doug, en route vers l’Angleterre, en 1939
Le vice-amiral Douglas Seaman Boyle, CMM, CD
Le vice-amiral Douglas Seaman Boyle, CMM, CD