Capitaine d'aviation Maurice R. Hennigar

Mur de Service

Colonne
5

Rangée
25

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F/Lt Maurice R. Hennigar
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RCAF

Haut dans le ciel, 1940-1945

Je me suis libéré des emprises de la terre, pour danser dans le ciel, sur des ailes argentées d’un grand ris...

Ces lignes sont les deux premières d'un poème de John Magee, Jr., l'un des nombreux pilotes qui n'a pas survécu à la Seconde Guerre mondiale. Ce poème a pour les pilotes de l'Aviation royale canadienne l'importance que « In Flander's Fields – Au champ d’honneur » avait pour les militaires canadiens de la Première Guerre mondiale. John Magee s'est engagé peu de temps après avoir terminé l'école secondaire, fils de parents missionnaires en Chine, garçon très silencieux, réservé, qui n'avait pas vraiment la carrure militaire, avec sa constitution mince et son extrême jeunesse, si on considère la tâche formidable qui l'attendait. Nous avons servi sur la même base de l'Ontario au commencement de la guerre, d'où les observations personnelles.

Les impressions de John Magee sur le vol sont celles d'un pilote d'avion de chasse. Il semble vraisemblable que quiconque s'est élevé seul dans la solitude de l'espace a dû avoir les mêmes réactions mais à la plupart, il manquait l'esprit pour exprimer ces sensations et ces sentiments poétiques.

Cela me ramène en arrière, de plus de 50 ans même, au plaisir intense de mon premier vol solo dans un biplan Fleet Finch au Cap-de-la-Madeleine, au Québec, un après-midi d'hiver clair et glacial. Avec des vêtements épais et d'énormes moufles chaudes, impossible de se ronger les ongles. Mon consciencieux instructeur me regardant depuis la zone de régulation l'a probablement fait pour deux ! Le merveilleux professeur, Lloyd Allen, de Halifax, avait été pilote de brousse dans le nord canadien dans les années 30, comme la plupart des instructeurs civils de notre station en 1940-1941.

L'aérodrome du Cap était un champ spacieux sans piste désignée. La manche à air déterminait la direction des décollages et des atterrissages. La neige de l'hiver n'était pas enlevée, probablement en raison d'un manque d'équipement à l'époque. Elle était simplement tassée dans toutes les directions avec un lourd rouleau tiré par un tracteur. Ceci avait lieu la nuit ou quand les vols étaient annulés. La moitié de nos avions d'entraînement étaient équipés de skis pour que nous puissions atterrir à notre base ou sur tout champ ou lac dont la surface était plane et couverte de neige. Quand nous nous dirigions vers un stationnement, il fallait approcher le plus soigneusement possible car il n'y avait pas de freins sur les avions à skis.

Après avoir complété tous les éléments exigés dans les classes d'école de formation au sol et avoir réussi un vol test de chandelles, de piqués et de manœuvres d'acrobaties aériennes, nous étions prêts pour l'école de pilotage militaire. Un problème s'est présenté : ces écoles n'avaient pas de place pour notre classe d'as volants ! Que faire ? Nous avons été retenus et on nous a donné la possibilité d'accumuler 60 heures d'expérience de vols supplémentaires tout seuls. Nous devions vérifier auprès de nos anciens instructeurs qu'ils étaient d'accord, préparer un plan de vol, signer le registre pour prendre un avion et nous pouvions partir. Comme nous n'avions pas classe le dimanche, à de nombreuses reprises j'ai volé jusqu'à l'aéroport de Cartierville près de Montréal où je retrouvais Hattie, Carl, Carl Jr. et Ross, qui m'emmenaient chez eux au Mont Royal où nous mangions un repas délicieux. De retour à l'aéroport au milieu de l'après-midi et retour à la base. Quelle vie ! À une autre occasion, Lloyd Allen, mon instructeur, a accepté un voyage à Grey Rocks Inn, une station de ski au nord de Montréal, sur un lac, si je lui payais à déjeuner. Quelle gâterie !

A la fin de cette merveilleuse période de vol supplémentaire nous avons été postés à l'école de pilotage de Moncton au Nouveau-Brunswick juste au moment où la neige et la glace fondaient sur notre terrain d'aviation, moment où tout le reste du personnel se faisait transférer vers une autre base avec de vraies pistes où les roues avaient remplacé les skis.

À partir de Moncton, upper Kennetcook n'était pas très loin et on pouvait s'y rendre en vol d'exercice. À une occasion, les élèves de l'école locale ont eu une récréation inattendue l'après-midi quand un avion a tourné autour de leur bâtiment jusqu'à ce qu'il soit évacué. On a eu de la chance que la plupart du monde avait le sens de l'humour et n'a pas rapporté nos manœuvres stupides aux autorités.

Certains de nous, après la remise de nos insignes ailés, ont été postés à Charlottetown, à l’Île-du-Prince-Édouard, où nous avons passé l'été dans une école de navigation aérienne pour apprendre à être des pilotes-navigateurs au cas où le navigateur de l'équipage deviendrait incapable de tenir son rôle. Nous étions ainsi destinés à voler par-dessus l'eau salée.

L'Angleterre, l'Écosse, passionnante, les attaques aériennes, le théâtre de Londres, le froid, les black-out, le rationnement, les choux de Bruxelles, les salles de danse, les stations de métro comme chambres à coucher, des gens, des gens, des gens, des gens courageux et encore plus courageux...

Jusqu'à Ceylan en bateau, traversée de l'équateur, Freetown, Capetown côté bâbord, Durban, Bombay, Madras, Colombo, puis Koggala, Ceylan (maintenant le Sri Lanka). Nous étions à présent chasseurs de sous-marins et décollions d'un lac d'eau douce peuplé d'alligators. Les avions étaient des Catalinas canadiens. Appelés PBY aux USA, c’étaient des avions fiables et lents avec un équipage de sept personnes. Nous étions maintenant dans la zone de guerre où le Japon était l'ennemi numéro un. La station était juste au nord de l'équateur ; climat tropical avec humidité élevée le jour comme la nuit, où les bactéries prospéraient dans les égratignures, les coupures et les contusions. Notre équipage a passé un mois de service temporaire à décoller d'un lac près de Madras, en Inde, où notre rôle était d'escorter les bateaux de transport de troupes le long de la côte est vers la Birmanie pour apporter des renforts contre les Japonais. Pour le plus long de nos vols, il fallait dix-huit heures pour être au-dessus d'un convoi aux premières lueurs du jour, le survoler en tournant toute la journée, puis retourner à la base quand il faisait noir.

Après une période de service, j'ai pris un avion de ligne jusqu'à Bombay, puis un bateau jusqu'à Liverpool en Angleterre via le Canal de Suez.

Après un bref séjour près de Blackpool, je suis retourné au Canada sur le Queen Elizabeth via New York.

J'ai passé la dernière année de guerre sur les côtes de Colombie-Britannique où Anna et moi avons habité dans le luxe incroyable d'une chaumière d'une pièce et demie sans électricité ni plomberie, comme environ 200 autres couples de l'Armée de l'air qui étaient dans des conditions d'hébergement similaires. Encore une fois, les aéronefs étaient des modèles amphibies des Catalinas, des Cansos. À partir de l'ouest cette fois-ci, les Japonais étaient encore l'ennemi à combattre, sans compter les montagnes et les conditions de vol parmi les plus difficiles.

Avec l'imminence de la Victoire sur le Japon, le prix de l'immobilier sur notre base a baissé rapidement. Nous avons emballé nos biens et sommes partis à Montréal, moi à l'Université McGill pour faire des études et passer à l'étape suivante de nos vies.

L'expérience acquise pendant la guerre telle que la discipline, les voyages, la découverte des autres cultures, la camaraderie, les défis et l'exaltation, tout s'additionne et forme d’agréables réflexions tandis que nous voilà arrivés à ce que la société appelle le troisième âge, ce qui pour nous, dans nos têtes, n’est pas pour tout de suite. Pour finir, le poème de John Magee « Haut Vol » semble également approprié. En voici le texte :

Je me suis libéré des emprises de la terre, pour danser dans le ciel, sur des ailes argentées d’un grand ris. Je suis allé vers le soleil, j’ai rejoint les cascades chaotiques de nuages tranchés de lumière. Et là, j’ai vécu des moments dont vous n’avez jamais rêvé ! Voler, Planer, Balancer si haut dans le Silence solaire… Suspendu, j’ai pourchassé le vent hurlant, et lancé mon vaisseau au travers de fabuleuses cavernes, pleines d’un air raffiné. Haut, plus haut, au long d’un délire de Bleu brûlant, j’ai survolé les sommets balayés de vent, dans une sérénité que nul aigle, nulles alouettes, n’ont jamais vécu. Puis, alors que mon esprit silencieux s’élevait, au travers du sanctuaire inviolé de l’Espace … j’ai sorti une main… et caressé le visage de Dieu.