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Note de la rédaction : Le document qui suit est basé sur une entrevue faite par Elinor Maher et Beverly MacLellan pour le musée et les archives de la société historique de Colchester dans le cadre de la recherche pour l'exposition du musée en 2006 pendant l'année consacrée aux épouses de guerre. La société du Quai 21 tient à remercier Mme Maher, Mme MacLellan et les épouses de guerre qui ont contribué à cette collection en racontant leur vie pendant la guerre et leurs impressions de leurs premiers jours au Canada.
Nom : Audrey Pratt (née Smith)
Parents : Dorothy (née Robinson) et Samuel Smith
Résidence : Eastleigh, Angleterre, à environ 60 milles de Londres, 5 milles de Southampton
Date de naissance : 24 septembre 1926
Souvenirs de la guerre :
Audrey avait seulement 13 ans quand la guerre a commencé. En 1940, à l'âge de 15 ans, elle a commencé à travailler dans le bureau des contrats avec l'étranger à l'usine General Cable. Pirelli était le principal employeur à Eastleigh. Les parents d'Audrey servaient au club social de la compagnie lors d'événements spéciaux. Audrey avait besoin d'avoir une carte d'identité nationale, un masque à gaz et une carte d'identité de la compagnie pour être admise à son lieu de travail.
Les bombardements allemands étaient terribles dans cette partie de l'Angleterre. « Nous entendions les avions d'aussi loin que les falaises blanches de Dover. Je pouvais même dire, en entendant le bruit des moteurs, qu'il s'agissait d'avions ennemis. Leur vrombissement était différent. Vous pouviez voir les yeux des soldats dans le poste de pilotage tellement ils volaient bas. Nous devions nous rendre dans les abris comme nous le pouvions, là où il y en avait un. Une fois, nous avons été bombardés à l'usine. »
Une maison près de celle des Smith a été bombardée et deux de leurs voisins ont été tués. La bombe a fait voler en éclats les vitres de leur maison. La plupart des gens avaient une sorte d'abri dans leur maison ou leur jardin.
Audrey se souvient avoir été ennuyée d'avoir à se rendre dans l'abri presque tous les soirs. Sa mère réveillait tous les membres de la famille pour les envoyer dans l'abri au fond du jardin. Le gouvernement avait fourni une sorte de hutte en tôle ondulée (un abri Anderson) et son père l'avait installée de telle façon que les trois-quarts étaient sous terre au fond du jardin et il l'avait recouverte de terre pour plus de protection. Il y avait des marches pour y descendre et une porte pour entrer. M. Smith avait construit trois lits superposés pour les enfants. Sa femme et lui couchaient sur des matelas installés sur le sol. Six personnes pouvaient coucher dans l'abri. Tout le monde devait rester à l'intérieur et attendre la sirène qui signalait la fin des bombardements.
Ils avaient l'électricité et une bouilloire dans l'abri. Pendant un certain temps, les bombardements étaient tellement réguliers que la famille a dormi dans l'abri pendant trois mois. Ce type d'abri offrait une protection contre tout sauf s'il était touché de plein fouet. Plus tard, l'abri des Smith a été converti en remise à charbon.
Les Smith regardent le bombardement de Portsmouth et de Southampton.
Les Britanniques recevaient 66 coupons par année pour acheter tous leurs vêtements, sous-vêtements, bas et chaussures. Une robe coûtait 11 coupons, les sous-vêtements, 3 coupons chacun, les manteaux et les vestons, 13 coupons chacun. Les coupons étaient rapidement utilisés. Il était alors difficile de se procurer de nouveaux vêtements. Le tissu et le fil à tricoter étaient rationnés eux aussi.
Mari :
Leland M. Pratt de Belmont, est parti du Quai 21 à Halifax en mai 1941 à l'âge de 17 ans. À bord du navire, Lee était chargé de deux fusils lance-grenades. Quand Audrey l'a rencontré, il était dans le Corps canadien de la prévôté (service de police). Auparavant, Lee avait servi au sein des Highlanders de la Nouvelle-Écosse, dans l'artillerie et dans le Corps de la prévôté. Le jour du débarquement en France, il était dans l'une des premières barges à atteindre la plage.
Comment avez-vous rencontré votre mari ?
Lee et sa femme ont chacun leur manière de raconter comment ils se sont rencontrés, mais ils s'entendent sur le fait que c'était lors d'une danse dans le vieil hôtel de ville d'Eastleighs. Audrey avait ressenti une antipathie soudaine envers Lee. Plus tard, quand ce dernier l'avait invitée à sortir avec lui, Audrey lui avait répondu qu'elle devait travailler. Elle s'était sentie mal quand elle l'avait alors croisé dans la rue. Audrey a dit : « Il passait son temps à me tourner autour. La suite est de l'histoire ancienne. »
Lee l'a demandée en mariage la veille de son départ pour les plages de Normandie en juin 1944. Parce qu'il n'était pas majeur, il a dû obtenir la permission de sa mère pour se marier et lui demander d'envoyer une bague de fiançailles du Canada parce qu'il ne pouvait pas acheter une bague de diamant en Angleterre.
Mariage: 28 mars, 1945
Quels sont vos souvenirs de votre mariage et des jours qui ont suivi ?
Audrey avait 18 ans quand elle s'est mariée. En mars 1945, Lee a obtenu un congé de 12 jours pour se marier. Audrey travaillait et préparait le grand jour. Elle conservait ses coupons pour avoir du tissu pour ses robes et recueillait des coupons pour les rations alimentaires. Elle en recevait même en cadeau de mariage. La famille a pu tenir la réception au club social Pirelli avec un repas complet servi à table. Au menu : langue de bœuf et légumes. Audrey a conservé le reçu du repas qui avait coûté £819p pour 45 personnes. Deux serveuses avaient apporté la nourriture en taxi.
La mère d'Audrey a fait les robes des trois filles. Les demoiselles d'honneur portaient des robes roses et tenaient des bouquets d'iris. Audrey avait un bouquet composé d'œillets roses. Elle avait emprunté le voile de son amie Violet, dont le tissu comportait des séries de points et de tirets qui épelaient V en morse [le symbole de la victoire].
Lee avait encore quelques jours de congé avant de retourner en France après son mariage. Deux jours avant le jour de la Victoire en Europe, Lee et sa troupe ont été faits prisonniers de guerre. Une fois relâché, Lee a été posté à Utrecht, aux Pays-Bas, mais il a eu quelques congés pour aller voir Audrey avant de rentrer au Canada en janvier 1946.
« Pendant ce temps-là, dit Audrey, je passais les tests sanguins et les examens médicaux, j'obtenais mon passeport et tous mes papiers pour mon départ d'Angleterre à destination du Canada. J'avais toujours été fascinée par le Canada et je l'avais étudié passablement à l'école. Alors, j'étais très excitée. »
Quelle avait été la réaction de votre famille à l'annonce que vous épousiez un Canadien ?
Les parents d'Audrey n'ont pas réellement eu la chance de connaître Lee parce que ses fonctions dans l'armée l'envoyaient souvent au loin. Sa mère lui a dit : « Comme on fait son lit, on se couche ».
Je vous dis qu'il y a eu beaucoup de larmes et de vacarme le jour où nous sommes parties. C'est parmi les pleurs et les « au revoir » que nous sommes montées à bord du NCSM Lady Nelson.
Quels souvenirs avez-vous du voyage jusqu'au Canada ?
Audrey a voyagé sur le Lady Nelson et la traversée a pris neuf jours. Le navire avait servi de navire-hôpital durant la guerre. Il y avait à bord 300 épouses de guerre et quelques aviateurs.
J'ai été très malade pendant les trois premiers jours. La première chose que j'ai mangée a été un petit pain blanc. Si vous posez la question à n'importe quelle épouse de guerre, elle vous parlera des petits pains blancs sur le navire. C'était tellement différent du pain gris que nous avions en Angleterre.
Audrey se souvient qu'elle était sur le deuxième pont mais près des toilettes. Elle partageait sa cabine avec quelques femmes enceintes. L'homme qui s'occupait d'elles les appelait ses filles.
Quand êtes vous arrivée et de quoi vous souvenez-vous ?
Le 19 août 1946
Quand le navire est entré dans le havre de Halifax et que tout le monde était sur le pont en se demandant ce qui nous attendait. Quand nous sommes descendues à Halifax et que j'ai regardé les collines, tout ce que je voyais était des arbres de Noël [des conifères].
.... nous sommes arrivés à Halifax le 19 août, par un temps dégagé et ensoleillé. J'ai immédiatement été envoyée dans un grand hangar sur le quai pour attendre mon mari. L'une de nos compagnes s'est fait dire à son arrivée qu'on « ne voulait pas d'elle » et qu'elle repartirait sur le prochain navire. À mesure que les minutes passaient, nous étions nombreuses à nous demander ce qui allait nous arriver.
Lee avait envoyé un télégramme pour dire qu'il serait là pour l'accueillir mais il est arrivé avec une heure de retard parce qu'il avait eu des problèmes avec l'automobile.
Vous avez eu des enfants ?
Audrey et Lee ont eu un fils qui est né en Angleterre mais qui est mort peu après sa naissance. Ils ont eu deux enfants au Canada : David, né en 1949, et Darlene, née en 1951. Darlene s'est montrée intéressée à mettre sur pied une société pour les filles des épouses de guerre pour garder leur histoire vivante.
Quelles ont été vos premières impressions du Canada ?
Quand nous sommes arrivés à Crowes Mills, nous nous sommes arrêtés à la scierie (où travaillait Leland) et je me suis dit : « Mon Dieu ! Je m'en vais dans le bois » parce qu'il n'y avait que six maisons. « Mon deuxième repas au Canada a été de la morue salée en sauce et des pommes de terre bouillies avec la pelure. Je n'ai pas aimé ça à ce moment-là. Cependant, j'ai découvert depuis que c'est très bon. J'ai découvert beaucoup d'autres plats canadiens au cours des années, mais je n'ai jamais développé un goût pour la mélasse, les canneberges et le beurre d'arachide. »
Audrey se souvient que les gens étaient bons pour elles. Ils ne les traitaient pas comme des exilées. »
Où avez-vous vécu après votre arrivée au Canada ?
Lee et Audrey se sont construit une petite maison à Belmont sur un terrain d'un acre qu'ils ont payé 200 $. Le premier hiver, ils sont presque morts de froid. Ils se lavaient devant le poêle dans une petite baignoire ronde et s'ils se penchaient du mauvais côté, ils risquaient de se brûler. Audrey a eu de la difficulté à s'habituer au climat, au poêle à bois et à la toilette à l'extérieur. Le couple n'a pas eu l'électricité pendant un certain temps et devait utiliser une pompe manuelle pour avoir de l'eau.
Adaptation à la vie au Canada :
Audrey se souvient d'avoir pu compter non seulement sur son mari mais aussi sur le soutien des autres épouses de guerre. Ces dernières se sont réunies pour former une association des épouses de guerre. « Ça m'a aidée de pouvoir faire appel à ma belle-sœur, Winnie MacLeod. »
Au début, j'ai eu un peu de difficulté à calculer la valeur du dollar, mais la chose la plus difficile était de dire aux gens ce que je voulais. Une fois au magasin général, j'ai demandé au propriétaire une boîte de sel et il m'a demandé d'écrire ce que je voulais parce qu'il ne pouvait pas comprendre ce que je voulais à cause de mon accent.
Quels sont vos souvenirs des différences entre vos Noëls en Angleterre et votre premier Noël au Canada ?
« Nous nous réunissions tous chez maman pour le dîner de Noël et dans les premières années, nous n'avions pas de sapin de Noël. Un jour papa a apporté un arbre à la Charlie Brown qu'il a planté dans le jardin pour d'autres Noëls. Ici, nous avons toujours eu un arbre naturel tous les ans. »
Êtes-vous retournée en Angleterre ?
Une année, la mère d'Audrey lui a payé son passage pour qu’elle aille lui rendre visite en Angleterre. En 1953, Audrey a amené ses enfants qui étaient âgés de deux et quatre ans. Elle a fait d'autres voyages au cours des ans avec sa famille.
Est-ce que votre famille vous a rendu visite au Canada ?
En 1948, la mère d'Audrey a envoyé sa sœur Olive voir comment ça se passait pour elle.
Lors d'un Noël, sa mère est venue par bateau pour une visite surprise. Juste avant Noël, Darlene, la fille d'Audrey, est entrée à la maison et a dit : « Il y a un cadeau pour toi et il est trop gros pour le garder dans ma maison. » Audrey a eu un choc en voyant sa mère. Elle est retournée avec elle en avion parce que Mme Smith n'était pas bien. Le père d'Audrey est mort le 3 décembre 1973, juste avant de célébrer son 50e anniversaire de mariage.
Est-ce que vous ou vos enfants avez eu de la difficulté à obtenir la citoyenneté canadienne ?
Audrey se souvient très clairement qu'on lui avait dit qu'ils deviendraient automatiquement des citoyens canadiens. En 1982, Audrey a demandé un passeport canadien et a découvert qu'elle n'était pas citoyenne canadienne. C'est à ce moment-là qu'elle a fait une demande de citoyenneté et qu'elle est devenue canadienne.
Avec le recul :
Je dois être honnête et admettre que la vie au Canada a vraiment été difficile au début. La famille de mon mari a été très encourageante et a fait de son mieux pour que je me sente la bienvenue. J'ai vite appris à m'adapter. J'ai été très chanceuse de pouvoir retourner en Angleterre à de nombreuses reprises et que ma famille puisse venir d'Angleterre me rendre visite. Je me sens très chanceuse d'être citoyenne de deux pays aussi bons.
Audrey a conclu en disant : « Je ne changerais rien. Le Canada est mon chez-moi et celui de ma famille. »