Mur d'honneur de Sobey
Colonne
200
Rangée
27
Nos parents, Mary (Maria) Jacobs et Adrian (Adrianus) van Dongen se sont mariés en janvier 1951 à Rijen, Noord Brabant, Hollande et sont venus au Canada par bateau (le Volendam) arrivant au Quai 21, à Halifax, le 24 février.
Papa voulait cultiver la terre. Comme beaucoup d’autres en Hollande, sa famille n’avait pas assez de terres pour les répartir entre tous les enfants qui le souhaitaient et il était pratiquement impossible de trouver de nouvelles terres agricoles.
Lors d’un cours sur l’immigration, il s’est renseigné sur les possibilités offertes par le Canada, la Nouvelle-Zélande, l’Australie et le Brésil. Ils ont exclu le Brésil, où il n’est pas possible de posséder des terres à titre privé, ainsi que la Nouvelle-Zélande et l’Australie, qui exigeraient un voyage de six semaines par bateau. Ils connaissaient d’autres personnes qui avaient choisi le Canada et reconnaissaient les Canadiens comme leurs libérateurs pendant la guerre; ils avaient donc un grand respect pour eux. Le Canada n’exigeait qu’un voyage en bateau de dix jours. Et Papa a eu le mal de mer pendant les dix jours. Il a passé tout le voyage au lit.
De Halifax, ils se sont rendus à Cedar Springs, en Ontario, où ils ont rencontré leur parrain et ont commencé à travailler dans son exploitation fruitière. Leur première maison était un appartement situé au-dessus d’un garage dans cette ferme. Le matin, ils entendaient les tracteurs démarrer en dessous d’eux et sentaient les gaz d’échappement. Ils ne connaissaient que très peu l’anglais à leur arrivée, mais ils étaient reconnaissants à une Japonaise qui faisait le même travail que leur mère et qui les a aidés à apprendre la langue.
Papa gagnait soixante-dix dollars par mois, ce qui leur permettait de couvrir tous leurs frais de subsistance. Papa était un bon travailleur et l’agriculteur le savait. Finalement, son salaire est passé à quatre-vingt-dix dollars par mois, mais son contrat de travail se terminait au printemps suivant. En décembre, Maman est tombée enceinte de leur premier enfant. Papa a demandé une nouvelle augmentation. Mais à Noël, au lieu d’une augmentation, ils ont reçu une dinde et une carte de Noël leur annonçant qu’ils devaient quitter l’appartement en mars (le mois même où le bébé devait naître) Apparemment, ils avaient parrainé de nouveaux immigrants pour travailler à la ferme.
Papa a ensuite travaillé dans une exploitation laitière et porcine, puis a commencé à travailler pour différents agriculteurs. Pendant ce temps, ils économisaient autant d’argent qu’ils le pouvaient. Cinq ans après leur arrivée au Canada, ils ont acheté leur propre ferme près de Merlin, en Ontario, où ils ont élevé des porcs et pratiqué diverses cultures commerciales. Les premières années, Papa a également travaillé de nuit dans une usine à Chatham. En parlant de cela plus tard, Maman se souvient : « Nous n’avions pas beaucoup d’argent, mais nous étions heureux. » La terre de cette ferme était de l’argile dure, ce qui a beaucoup déçu Papa. Il aimait l’agriculture, mais il savait qu’il avait besoin de meilleures terres et de plus d’hectares pour réussir.
Maman et Papa étaient de fervents catholiques. En 1965, ils ont vu une ferme annoncée dans un magazine néerlandais par un prêtre néerlandais de l’église de Kenilworth, en Ontario, qui souhaitait que des familles néerlandaises s’installent dans la région. De nombreuses autres familles néerlandaises ont trouvé leur ferme grâce à ce même magazine. Lorsque Papa a vu la ferme, il l’a tout de suite voulue.
Nous y avons déménagé en 1965, avec sept enfants à charge; un huitième arrivera plus tard. C’est là que nous sommes devenus éleveurs de vaches laitières. Grâce à leur dévouement, à leur travail acharné et, en partie, à l’instauration du système des quotas laitiers, nos parents ont enfin réussi à se constituer un pécule pour une retraite confortable. Cela leur a même permis de retourner plusieurs fois rendre visite à la famille qu’ils avaient laissée derrière eux en Hollande il y a tant d’années, sans savoir s’ils se reverraient un jour.
La ferme près de Kenilworth appartient encore à la famille aujourd’hui et, pour nous les enfants, ce sera toujours l’endroit que nous appelons notre chez-nous. Cette année (2023), nous irons tous ensemble au Quai 21 pour commémorer nos parents, leur voyage et la décision courageuse qu’ils ont prise il y a 72 ans.