Lunshof, Geert et Geesje

Mur d'honneur de Sobey

Colonne
197

Rangée
25

First Line Inscription
Lunshof, Geert and Geesje
Second line inscription
Family

GEERT (GEORGE) AND GEESJE (GE) WESTERHUIS - FAMILLE LUNSHOF
Avril 2022

Le 23 février 1951, Geert et Geesje Lunshof, ainsi que leurs 6 enfants, sont arrivés au Quai 21 d’Halifax, en Nouvelle-Écosse. Ils avaient quitté Beilen, leur village des Pays-Bas, et étaient restés à Meppel chez les parents de Geesje, nos grands-parents, pour y passer une dernière nuit avant de monter à bord d’un autobus rempli d’autres immigrants en route vers Rotterdam afin d’embarquer à bord du S. S. VOLENDAM. Le départ fut tumultueux, car nos grands-parents étaient très contrariés par notre départ. Ma mère venait d’une famille unie pour qui l’immigration était une notion étrangère. Notre famille se composait de huit personnes : Papa et Maman, Grietje (Margaret 1940), Albert (1941), Roelofje (Ruth 1942), Marchiena Elisabeth (Mary 1944), Hendrikus (Henry 1947) et Jentina Roeliena (Ina 1950).

Le S. S. Volendam avait servi de transporteur de troupes pendant la Seconde Guerre mondiale et n’était pas un paquebot de luxe. Les femmes et les filles dormaient dans des quartiers séparés de ceux des hommes et des garçons. Nous étions logés dans la cale du navire et nous avions des hamacs à fond souple installés comme des lits superposés. Nous avions accès à tous les espaces communs pendant la journée. Ce navire transportait des immigrants de tout le continent européen. Notre destination était la ville d’Hamilton, en Ontario, où Papa était commandité par un fermier nommé Donald Shaver qui possédait une ferme à Carluke, à environ 5 miles d’Hamilton.

Papa a décidé qu’Albert et lui iraient à Halifax pour acheter de la nourriture pour toute la famille en prévision de notre voyage en train qui nous conduirait d’Halifax jusqu’à Hamilton. Il a fait sensation auprès des piétons et des conducteurs d’Halifax, car il cherchait une épicerie à pied avec ses chaussures de bois (taille 13). Il est revenu avec deux miches de pain et un énorme pot de confiture. C’était la première fois que nous voyions ou goûtions du pain blanc. Nous avons trouvé ça délicieux! C’était l’hiver au Canada et, alors que le train cheminait à travers les Maritimes, on ne peut pas vraiment dire que c’était Shangri-La. Nous étions Néerlandais et nous avions vécu dans un village douillet. Nous n’étions pas habitués aux grands espaces vides de population et nous n’avions jamais vu autant de neige.

Tout ce que nous pouvions voir, c’était de la neige et encore de la neige et, de temps en temps, nous apercevions une lumière au loin, une ferme isolée. Papa faisait des bruits d’inquiétude et je me suis demandé dans quoi nous nous étions embarqués. Le train s’est arrêté à Québec, puis a poursuivi sa route. Nous sommes enfin arrivés à Hamilton et sur le quai se trouvait notre oncle Halbe, un frère célibataire de notre père qui avait immigré vers 1947. Notre commanditaire, Don Shaver, est venu nous chercher et nous a emmenés à la ferme qu’il possédait à Carluke, une colonie écossaise située juste à l’extérieur d’Hamilton, en Ontario. Nous avons pu vivre dans une maison située sur la ferme de M. Shaver. Nos meubles devaient arriver dans une grande caisse de bois au cours de l’été et nous étions en février. Nous avons donc dormi sur des matelas à même le sol et je crois qu’il y avait quelques meubles temporaires dans la maison, ainsi que des sacs de flocons d’avoine et d’autres produits alimentaires. Tout cela était très étrange, car nous n’étions pas habitués à acheter de la nourriture dans des sacs aussi grands. Nous avions cependant un toit sur nos têtes et nous étions ensemble. Nous avons tiré le meilleur parti de notre situation. Le lendemain matin, nous, les quatre enfants les plus âgés, avons été conduits à l’école publique de Carluke afin de commencer notre vie de Canadiens. Don Shaver et notre père nous ont amenés dans une camionnette fermée. Nous ne savions pas où l’on nous conduisait, seulement qu’il s’agissait d’une école. Aucun de nous ne parlait un mot d’anglais et nous étions des étrangers dans un pays étrange. Dans cette classe se trouvaient d’autres enfants d’immigrants néerlandais récemment arrivés et on nous a plus tard dit que notre enseignante, Vivian McBay, venait tout juste d’être diplômée de l’école normale et que, dans cette école à classe unique, elle avait huit classes dont près de la moitié des enfants ne parlaient pas anglais. Je l’ai rencontrée des années plus tard et lui ai demandé comment elle a fait pour s’en sortir. Elle m’a répondu que même les administrateurs lui avaient posé cette question. Elle a immédiatement commencé à angliciser nos noms (nous avons plus tard changé à nouveau certains de nos noms, car nous n’avions pas aimé la première tentative de Mme McBay). Je me souviens d’avoir été très impressionnée par sa générosité en ce qui concerne les crayons, les stylos, les règles et les cahiers. Nous étions des enfants de l’après-guerre et les Pays-Bas étaient encore aux prises avec toutes sortes de problèmes d’approvisionnement.

Après notre première journée, nous sommes tous les quatre retournés à la maison à pied, sur une route de comté, dans la neige. Nous n’étions pas vraiment habillés pour faire face à un hiver canadien et, à un moment donné, j’ai menacé de m’asseoir dans la neige et d’abandonner. Nous sommes arrivés à une intersection et Albert et moi n’étions pas d’accord sur la route à prendre. Devions-nous aller à droite ou à gauche? Aucun d’entre nous ne savait comment rentrer à la maison, alors nous avons décidé de tourner à gauche. Nous avons marché et marché et il faisait nuit quand nous avons finalement vu une lumière au loin. Il s’agissait d’une ferme de campagne située sur un long chemin. Frigorifiés, fatigués, confus et affamés, nous avons péniblement parcouru ce long chemin et nous avons frappé à une porte. Une dame âgée a ouvert la porte et nous a immédiatement permis d’entrer. J’ai eu l’impression qu’elle nous attendait, puis je l’ai regardée avec fascination se diriger vers un instrument accroché au mur et commencer à parler. Je n’avais jamais vu de téléphone. Elle appelait quelqu’un qui savait que quatre enfants néerlandais n’étaient pas rentrés de l’école. Nos parents ont averti le fermier que les enfants n’étaient pas rentrés de l’école, puis ont tous deux réalisé que cette camionnette fermée nous avait empêchés de voir où nous allions et que, puisque nous n’étions pas rentrés, nous étions probablement perdus. La communauté de Carluke était passée à l’action. Peu de temps après être arrivés à la ferme, Albert, qui était sorti pour voir si quelqu’un nous cherchait, a vu les phares de la camionnette dans laquelle se trouvaient Don Shaver et notre père. Je n’avais jamais vu Papa pleurer, mais lorsqu’il est entré dans la maison de ferme, nous pleurions et nous nous sommes serrés les uns contre les autres. Tout cela s’est déroulé au cours des premiers jours que nous avons passés dans notre nouvelle maison, au Canada.

Geert et Geesje ont eu un autre enfant au Canada en 1955. Ils l’ont nommé George et il est né en 1955. Bien que Papa ait été fils de fermier, il était boucher de métier. Comme les agriculteurs de la région n’avaient besoin d’un ouvrier agricole qu’au printemps et à l’été, Papa a rapidement trouvé un emploi permanent de boucher chez Fearmans, à Hamilton. La vie fut difficile jusqu’à ce que les enfants aînés soient en âge de travailler, puis Papa a enfin pu réaliser son rêve, c’est-à-dire posséder sa propre ferme à Alberton, en Ontario. Comme il s’agissait d’une ferme de petite taille, il ajoutait à ses revenus en faisant d’autres travaux.

Papa et Maman aimaient le climat canadien et les grands espaces. C’est pourquoi ils sont aujourd’hui enterrés parmi les Écossais, dans un cimetière qui borde les champs de maïs de Carluke. Leurs descendants comptent maintenant 151 personnes. Ils ont eu sept enfants, et au moment où j’écris ces lignes (avril 2022), 25 petits-enfants, 72 arrière-petits-enfants et 47 arrière-arrière-petits-enfants de Geert et Geesje ont trouvé leur place dans ce beau pays aux nombreux lacs, aux rivières puissantes, aux montagnes majestueuses et aux vastes prairies. Malheureusement, deux de mes frères et sœurs sont décédés : Ruth en 1989 et Albert en 2016.

Nos parents n’ont jamais regretté leur décision d’avoir risqué leur avenir et le nôtre en venant au Canada. Les expériences qu’ils ont vécues pendant la Deuxième Guerre mondiale, lorsque la première Armée canadienne nous a libérés, leur ont donné un aperçu limité de la générosité, de l’humanité et de la culture aisée des Canadiens et des Canadiennes. Ils avaient confiance que Dieu les soutiendrait et les bénirait, ce qu’il a fait.

Écrit par Margaret Lunshof Buma
Avril 2022