Mur d'honneur de Sobey
Colonne
32
Rangée
22
Mon voyage a commencé le 7 juillet 1952 à Berlin Ouest (dans le secteur américain). Je suis parti de Berlin en bus avec environ 50 à 60 autres hommes âgés de 18 à 25 ans. Le bus est allé sur la Autobahn (l’autoroute) et a traversé la zone russe (plus tard appelée Allemagne de l’Est ou DDR). Le point de contrôle russe était à Marienborne. Plus tard, nous sommes arrivés dans la zone britannique à Helmstedt. Le soir, nous sommes arrivés au camp Bremen Lesum qui était un camp de regroupement pour les immigrants et les personnes déplacées (que l’on appelle maintenant « réfugiés »), de là, on nous dirigeait finalement vers d’autres pays.
Le 11 juillet 1952 au matin, nous sommes montés à bord du train à destination de Bremerhaven. Au quai Columbus, nous sommes descendus et montés à bord du USN S General Harry Taylor qui transportait des troupes et qui faisait partie des Liberty Ship. Il y avait environ 600 à 800 hommes de divers métiers et professions choisis pour aller au Canada en tant qu’ouvriers agricoles. Il y avait aussi plus de 100 immigrants ou tributaires qui sont allés à New York, aux États-Unis, y compris des femmes et des enfants. Nous étions séparés de ce groupe et n’avions aucun contact avec eux. Ce n’était certainement pas un paquebot de luxe car nous étions cantonnés dans de larges quartiers, dans des couchettes à 5 étages, certaines n’étaient pas occupées. Ce voyage s’est déroulé sous les règles strictes de la Marine américaine. On a reçu entre 10 et 20 dollars Script (de l’argent militaire) que nous pouvions dépenser au magasin PX pour acheter des cigarettes, des chocolats et autres petits articles.
Après 2 ou 3 jours de voyage en mer, le service du mess diminuait de plus en plus à cause du mal de mer si bien qu’on n’avait pas à attendre longtemps pour faire la queue au moment des repas qui avaient lieu dans de grands réfectoires.
Tard le soir du 18 juillet 1952, nous sommes entrés dans le port de Halifax. On pouvait alors apprécier la première vue de la ville mais le navire devait rester à l’extérieur car il était trop tard pour procéder à l’immigration. Le 19 au matin, nous avons enfin débarqué sur la terre ferme au Quai 21. C’était vraiment différent comparé à ce que c’est maintenant. Tout le monde était content que le voyage soit fini et maintenant la réalité prenait place et on a tous pris conscience qu’on était dans un nouveau pays et qu’on parlait une langue différente, avec différentes coutumes, etc.
L’immigration a été effectuée plus tard. C’était une journée de juillet ensoleillée alors nous sommes partis faire une petite excursion touristique pour revenir plus tard au Quai 21 où nous sommes tous montés à bord du train CNR comme on l’appelle maintenant, l’un de ces wagons pour passagers qui se trouve toujours à l’extérieur du Quai 21. Le train CNR est parti ce soir-là voyageant le long de Gaspé. À Québec et Montréal, 40 ou 50 personnes, moi y compris, sont descendues du train à la gare CNR. De là, nous avons pris le train jusqu’à la Gare Union Station d’Ottawa. De l’entrée arrière de Union Station, OTC nous a emmenés en bus jusqu’à la court arrière du Centre d’Immigration et d’Emploi à Ottawa (rue Albert). Là, on est descendus du bus et restés debout dans la court où chaque fermier choisissait, en nous pointant du doigt, les différents immigrants qui allaient travailler dans sa ferme. Avec la barrière de la langue, ils ne pouvaient que pointer du doigt.
Le contrat avec le gouvernement stipulait que les nouveaux immigrants devaient rester au moins un an dans la ferme désignée, rembourser le prêt du gouvernement pour le transport en bateau jusqu’au Canada. Si on restait un an, alors on n’avait pas à payer pour le transport une fois au pays. Plus tard, il est devenu possible de payer d’avance le transport par bateau ainsi que le transport terrestre et on pouvait quitter la ferme désignée. On recevait un livre d’emploi du Bureau pour l’Emploi, ce qui vous donnait l’occasion de travailler où vous le souhaitiez. J’ai choisi de payer d’avance parce que les 3 premiers mois, j’ai changé trois fois de fermes à cause de conditions inacceptables.
Après 55 ans, je suis toujours ici au Canada, faisant face à toutes les difficultés et vicissitudes que j’ai rencontrées en tant que jeune homme arrivant dans un nouveau pays. Je suis citoyen canadien depuis plus de 50 ans. Je vis au Nouveau-Brunswick et chaque fois que je vais à Halifax, en Nouvelle-Écosse, j’ai toujours l’impression que c’est mon devoir d’aller au Quai 21. J’aimerais féliciter toutes les personnes qui, de près ou de loin, ont contribué à faire du Quai 21 un musée. J’aimerais aussi féliciter la gentillesse du personnel du Quai 21 qui m’accueille toujours très bien.
A mon 50ième anniversaire, j’ai eu un entretien avec des membres du personnel du Quai 21 et ils m’ont enregistré. J’ai aussi été interviewé par la CBC à ce moment-là.
S.A Mehlitz, Sr.