Reinhard, Anna Lehmann

Mur d'honneur de Sobey

Colonne
129

Rangée
12

First Line Inscription
Reinhard, Anna Lehmann
Second line inscription
and Family

Je suis né en 1936, de parents d'origine germanique, en Volhynia (qui était à l'époque une province de la Pologne, mais qui fait aujourd'hui partie de l'ouest de l'Ukraine). Mes ancêtres ont émigrés en Volhynia en provenance du centre de la Pologne, où ils sont nés vers le milieu du dix-neuvième siècle. En 1939, après la partition de la Pologne par l'Allemagne et la Russie, nous avons été relocalisés au centre de la Pologne, pas très loin de l'endroit d'où venaient mes arrière-grands-parents. En 1945, avant que n'arrive l'armée russe, on nous a re-transférés vers l'ouest, en Allemagne, par carrioles à chevaux et, parfois, en train.

Nous avons vécu en Niedersachsen (Basse-Saxe) de 1945 à 1949 date à laquelle nous a immigré au Canada.

CE QUI SUIT EST UN EXTRAIT D’UN LIVRE ÉCRIT PAR EDMUND LEHMANN QUI RELATE L'EXPÉRIENCE DE SA FAMILLE AU CANADA :

Départ pour le Canada

En 1947, ou début 1948, le cousin de Papa qui vivait à Morris, au Manitoba, a trouvé notre adresse par la Croix-Rouge ; ou peut-être que c'est notre famille qui la lui a envoyée, en tout cas nous sommes entrés en correspondance avec lui. Rapidement, ma famille a pris la décision d'immigrer au Canada. Ceci s'est passé avant le boom économique des années 1950 en Allemagne. En 1946, notre monnaie (le Reich mark) a été dévaluée, et le puissant D-Mark a été introduit. Chaque personne a reçu cent DMark, ce qui avait essentiellement pour effet de placer tout le monde au même niveau, financièrement parlant, indépendamment de l'argent qu'ils avaient auparavant. C'était aussi l'époque où de nombreuses personnes déplacées, comme nous les appelions, ont cherché à améliorer leur condition de vie.

Certains ont déménagé dans la Ruhr ou la vallée du Rhin, où il y avait plus d'industries et des emplois mieux payés. D'autres ont émigré en Amérique du Nord ou en Amérique du Sud. Début 1949, nous avons fait nos valises et avons pris le train pour un camp de candidats à l'immigration situé à Muehlhausen près de Hanovre. C'est là que les fonctionnaires et les médecins canadiens des services d'immigration examinaient tous les candidats. Il suffisait qu'une seule personne d'une famille ne passe pas le test de l'examen médical pour que toute la famille soit refusée. Nous sommes restés dans ce camp pendant plusieurs semaines. Finalement, au début de février 1949, on nous a mis dans le train pour Bremerhaven et nous avons embarqué à bord ce qui nous a d'abord semblé être un énorme bateau. C'était le Beaverbrae. En fait, c'était un ancien cargo allemand de seulement 9000 tonnes qui avait servi dans la marine allemande comme navire de ravitaillement pendant la Seconde Guerre mondiale. La compagnie Canadien Pacifique l'avait acheté au gouvernement, puis l'avait retapé et remis en service pour servir au transport des immigrants vers le Canada qui empruntaient la route de l'Atlantique nord. Le Beaverbrae a fait 51 traversées de l'Atlantique entre Bremerhaven et le Canada dans les années 1948 à 1952. Il transportait entre 500 et 700 passagers par voyage, dont le cinquième était des enfants.

Ce n'était pas un bateau très grand ; il n'y avait pas de cabines, juste un grand dortoir pour les hommes et un pour les femmes. Nous avons embarqué dans la soirée. Tout le monde avait faim, puisque personne n'avait rien eu à manger dans le train entre Hanovre et Bremerhaven. Je n'oublierai jamais le premier souper à bord : c'était des saucisses et de la choucroute. Quand nous sommes entrés dans la Manche, la mer est devenue mauvaise et beaucoup de passagers, moi y-compris, ont eu le mal de mer. Je dirai seulement que j'en ai eu un tellement mauvais souvenir que je n'ai plus mangé de saucisses pendant 15 ans. Le voyage n'a pas été une bonne expérience pour moi. Sur les onze jours de traversée, j'ai été malade pendant dix jours, car l'Atlantique était particulièrement démonté à cette période de l'année.

Une nuit, vers le milieu du voyage, le bateau a apparemment rencontré une vague monstrueuse, qui l'a fait plonger brutalement dans un énorme creux. On a entendu un gros bang, presque comme une explosion, et plein d'objets qui n'étaient pas attachés se sont mis à voler partout dans le bateau. Le lendemain, des rumeurs disaient que le capitaine ne comprenait pas pourquoi le navire ne s'était pas cassé en deux sous l'impact. Je pense que Dieu avait un autre dessein et que les chantiers navals allemands avaient probablement fait un travail exceptionnel quand ils ont construit ce bateau. Apparemment, le soudeur du bateau a passé beaucoup de temps à réparer les fissures qui étaient apparues. Finalement, après onze jours de traversée difficile, nous avons enfin aperçu le port de Halifax. Quel soulagement.

Nous avons débarqué au Quai 21, sommes passés par les services d'immigration et on nous a mis à bord d'un train réservé aux immigrants, en direction de l'ouest. Nous nous sommes arrêtés à Truro, où la Croix-Rouge a distribué des sandwiches et du café sur le quai de la gare. Ce voyage à travers les paysages sauvages et hivernaux du Canada s'est passé sans rien de spécial à signaler.

Nous sommes arrivés à Winnipeg trois jours plus tard. Je me rappelle que quand j'ai vu le premier policier à Winnipeg, il m'a fait penser à un gros ours. En ce temps-là, pour rentrer dans la police, il fallait avoir une taille d'au moins 6 pieds et ils portaient des manteaux en fourrure de bison et un chapeau de castor qui les faisaient doubler de volume. Mon oncle (le cousin de Papa) avait engagé un homme qui avait une entreprise de location de voitures à Morris, et on est donc venu nous chercher dans une belle voiture à la gare du CPR. Les enfants les plus jeunes et Maman ont embarqué dans cette voiture parce qu'elle avait du chauffage. Papa, mon frère et les bagages sont allés dans la voiture de mon Oncle, qui n'était pas chauffée. Pas besoin de préciser qu'ils se sont pratiquement gelés pendant le voyage de 40 miles jusqu'à Morris. Nous avons pris la Pembina Highway qui tourne sur la Highway 75, qui était une route de graviers à l'époque. Les bancs de neige sur le bord de la route me semblaient énormes.

Nous sommes arrivés dans la ferme de mon oncle où nous avons été chaleureusement accueillis. Comme les bâtiments de ferme où nous étions censés aller étaient à un mile de la maison de mon oncle, et que la route était in-empruntable l'hiver, nous sommes restés chez mon oncle jusqu'à l'arrivée du printemps début mai. Leur maison était très petite, comparée à la norme aujourd'hui ; environ 600 pieds carrés. En comptant tout le monde dans nos deux familles, nous y logions à onze. Ma tante était une personne très gaie et très généreuse. Elle faisait très bien le pain, était bonne cuisinière et adorait raconter les histoires du temps où elle était encore une petite fille en Russie, et parler des expériences qu'elle avait eues depuis qu'elle était au Canada. J'ai beaucoup apprécié rester chez eux, et plus tard, je leur ai souvent rendu visite.

Dès le premier jour où j'ai entendu parler d'un grand pays qui s'appelait le Canada, et que nous irions peut-être un jour y vivre, dans une ferme, j'ai littéralement prié pour que cela arrive. Et voilà que maintenant, nous étions au Canada, dans une ferme ; mes prières avaient été exaucées. En mai, nous avons déménagé dans le « vieux bâtiment ». C'était une ferme dans laquelle mon oncle et ma tante avaient habité pendant un certain nombre d'années, avant et pendant la Seconde Guerre mondiale. Les bâtiments étaient assez vieux, n'avaient jamais reçu une seule couche de peinture, avaient besoin de pas mal de réparations et d'un bon coup de nettoyage. Il n'y avait pas d'électricité et l'eau devait être puisée dans un étang dans la cour. La seule façon de garder du lait ou autre chose au frais pendant l'été, c'était de les suspendre dans un puits qui avait été creusé près de l'étang.

Papa a trouvé du travail dans un camp d'exploitation forestière, à Sandilands forest, à environ 40 miles de distance. Mon frère a passé l'été à travailler dans la ferme de mon oncle, si bien que Maman était toute seule avec nous, les trois enfants les plus jeunes, sans autre moyen de transport que nos jambes.

L'école était à 4 miles. Vers la fin mars ou au début d'avril, ma soeur et moi avons commencé à aller à l'école. Nous fréquentions l' « armour school », qui était située à 3 miles à l'ouest de la ferme de mon oncle. Il n'y avait qu'une seule pièce dans l'école et il y avait une cour de deux acres. Il y avait une remise à glace, où on stockait la glace de la rivière pour boire de l'eau en été, deux toilettes extérieures que l'on pouvait utiliser en été, et une petite étable pour accueillir les chevaux que certains enfants montaient pour se rendre à l'école. Le nom de notre maîtresse était Miss Johnson ; une dame très jolie avec une chevelure rousse. C'était bien sûr la première fois que j'allais dans une école où les élèves de la première à la huitième année étaient tous mélangés dans une seule salle de classe. Je n'avais aucune connaissance de la langue anglaise. J'ai commencé à l'apprendre avec les cahiers de lecture et d'exercices en première année. En Allemagne, j'avais été jusqu'en sixième année. À l'époque, le cahier de lecture de première année était « Dick and Jane ». Je me rappelle m'être senti bête d'être dans une classe où personne ne comprenait l'allemand. Il y avait une fille, un peu plus âgée que moi, dont je suis tombé amoureux, mais je pense qu'elle ne m'a jamais remarqué. Les mois des vacances d'été ont défilé à toute allure, mais à la rentrée, je pouvais lire « Dick and Jane » sans problème mais je n'avais aucune idée de quoi il s'agissait. Ce premier été a passé très rapidement, entre l'apprentissage de l'anglais et toutes sortes d'expériences nouvelles comme cueillir des 'saskatoons' (les fruits de l'amélanchier), conduire le tracteur ou aider aux moissons.

Au printemps 1949, la congrégation religieuse s'est rassemblée et a organisé une fête de soutien pour notre famille. C'était quelque chose de complètement inhabituel pour nous. En plus d'articles de ménage, de vêtements, de meubles et de nourriture, nous avons reçu une vache ; en gros, tout ce dont on peut avoir besoin pour commencer une nouvelle vie. J'ai trouvé cela très généreux de la part de gens qui ne nous connaissaient absolument pas et nous leur en avons été très reconnaissants. Parmi les articles que nous avons reçus, il y avait une paire de chaussures en caoutchouc. Comme je n'avais pas de chaussures de travail, je les ai portées tout l'été, et le résultat a été que je me suis tellement brûlé les pieds que j'ai souffert de mycose des pieds pendant des années.

En 1955, je suis passé en WP6. J'ai commencé à travailler comme ouvrier dans les ateliers CPR Weston. Au bout de sept ans, j'ai quitté le CPR après avoir pris des cours du soir et des cours par correspondance pour devenir ingénieur électricien de troisième classe. En 1996, j'ai pris ma retraite de mon poste d'ingénieur en chef au Health Sciences Centre, après 41 ans passés dans ce service. Un de mes fils habite aujourd'hui à Halifax et travaille pour la municipalité.

Edmund Lehmann