Mur d'honneur de Sobey
Colonne
65
Rangée
15
La famille Otto Froese
Mon fils Robert et sa femme Cindy ont assisté à une convention à Halifax en 2000. Pendant leur séjour, ils ont visité le Quai 21. J’ai dit à mon fils que c’était là que ma famille et moi avions débarqué en 1951. Le 15 mai 2001, mon mari Bernie Feddema et leur fils Justin ont pris l’avion jusqu’à Halifax et ont passé la journée au Quai 21. Ça faisait exactement 50 ans ce jour-là que nous étions arrivés au Canada. Mon mari et mes enfants m’ont complètement surprise en ajoutant le nom de mon père, Otto Froese, sur le Mur d’Honneur. C’était un jour si mémorable. Les expositions, le film, le train, tout était vraiment, vraiment exceptionnel. Votre personnel s’est montré si gentil avec moi que j’ai promis que je raconterais ce dont je me souvenais de notre voyage jusqu’au Canada.
Le 24 janvier 1945, nous avons dû quitter notre ferme à GrossMausdorf, un petit village à 20 km de Elbing, en Prusse-Occidentale (aujourd’hui la Pologne). Nous sommes partis à cheval et bogheis (une voiture à cheval) avec très peu d’affaires, notamment des édredons en plumes et un album de photos. Nous espérions revenir bientôt. Mon père avait 52 ans, ma mère 39, ma demi-sœur Ruth 20. Moi j’avais 7 ans, mes frères Peter (qui a eu 5 ans ce jour-là) et Dirk 2 ans, et ma petite sœur Ute avait 10 mois. Notre nounou Herta est aussi partie avec nous. Peu de temps après que nous soyons partis, nous avons retrouvé plus de membres de la famille, des tantes et des cousins.
Les années suivantes, nous sommes passés par des moments très difficiles. Ma demi-sœur Ruth a été emmenée par les Russes pour être détenue dans un camps de travaux forcés en Sibérie. Pour des raisons encore inconnues, ils ne sont jamais arrivés au camp et ils ont finis en prison à Graudenz. Après que la plupart d’entre eux soient morts, ils ont laissé partir les quelques survivants. Peu de temps après, Ruth est tombée gravement malade. Des gens très gentils ont pris soin d’elle. Par miracle, elle nous a retrouvés à Kublitz près de Stolp, Pommem. J’étais malade, à l’article de la mort à cause du typhus. Quand elle est arrivée, ma mère et Herta sont aussi tombées malades du typhus, alors Ruth a pris soin de nous les enfants. Nous avons enduré beaucoup, beaucoup d’épreuves : marcher des kilomètres et des kilomètres pour une bouteille de deux litres de lait, se faire tirer dessus et n’avoir jamais assez de nourriture, pour ne donner que quelques exemples.
Après quelques mois, nous avons voyagé jusqu’à Limbach, en Allemagne de l’Est, dans train de marchandises transportant du bétail. Il y avait 52 personnes tassées dans un wagon à bétail. Nous étions les derniers à entrer, alors Mère et Herta devaient garder un enfant sur leurs genoux. Mon père avait la mission de vider par la porte les deux pots de chambre que nous utilisions tous pendant le voyage. Avant d’arriver à notre destination finale, Ute a eu une pneumonie et a été transportée à l’hôpital à Lobau. Ma mère (qui était aussi infirmière) est restée avec elle et le reste de la famille a continué le voyage jusqu’à Limbach. Après quelque temps, Ute s’est rétablie et Mère et elle nous ont rejoints à Limbach. Sans la persévérance de ma mère pour rester au chevet de Ute, la nourrir et prendre soin d’elle, elle serait probablement morte.
A Limbach, nous avions un logement chaud au-dessus d’une usine possédée par les Wemers. Papa et Ruth ont travaillé dans l’usine. Tous les jours à midi, Papa recevait un seau de soupe de la soupe populaire. C’était délayé avec de l’eau mais c’était tout ce que nous avions
Grâce à Dieu, les parents de ma mère qui étaient à Westfalen, en Allemagne de l’Ouest, nous ont retrouvés. Son père Gustaf Andres est venu nous voir. Il est entré dans la cour où les enfants jouaient et leur a demandé de le conduire à leur mère. Quelles heureuses retrouvailles ! Nous avons partagé avec lui notre soupe quotidienne mais notre grand-père ne pouvait pas la manger. Une fois revenu chez lui, il nous a envoyé des paquets plein de nourriture, dont le pain de seigle de Westfalen. Quel délice ! Ils voulaient que nous les rejoignions en Allemagne de l’Ouest, mais ce n’était pas si facile.
En 1948, nous avons clandestinement passé la frontière de nuit et avons habité avec mes grands-parents, tante Charlotte, Oncle Hans et oncle Walter. Ils ont partagé leur petit espace de vie avec nous et notre famille a dû être partiellement séparée. Mon frère Peter est resté avec notre oncle Hans et tante Irmgard Dyck à Ritschbei Stade; mes deux plus jeunes frères sont restés avec notre oncle Horst et tante Christel Wiebein Oppenwehe ; Ruth, elle, a travaillé comme fermière. Je suis allée à l’école à Oppendorf. Après quelques temps, nous avons acheté un logement dans un petit village qui s’appelait Haldem, et nous sommes restés avec un fermier du nom de Wilhelm Piel. Il ne fallait faire qu’un court trajet à vélo pour arriver chez ma tante et mon oncle. On est allés à l’école et on s’est fait des amis. On allait aussi à l’église luthérienne. Mon père travaillait comme travailleur manuel ce qui était difficile pour lui parce qu’il n’était pas habitué à un tel travail physique. (Avant d’être expulsés de notre maison, Papa avait un certain nombre de fermiers dans la ferme, Maman travaillait à la cuisine, dans le jardin et il y avait une nounou pour les enfants.)
En 1949, Ruth a commencé l’école d’infirmière à Osnabrück. A différents moments pendant les vacances, on a envoyé mon frère Peter et moi pour deux semaines à un camp à Espelkamp parce que nous étions sous-alimentés. On nous a bien nourris et on s’est beaucoup reposés. J’ai pris sept livres!
Je me souviens quand ma famille a reçu des paquets pleins de bons produits à Haldem du C.C.M. (Comité Central Mennonite) aux États-Unis. Les paquets contenaient de la nourriture non périssable, des vêtements et des couvertures. Il y avait aussi une copie du Nouveau Testament en allemand et à l’intérieur un mot disait : « En guise de charité, un cadeau de Noël de vos amis en Amérique, au nom du Christ ». A ce jour, je possède encore cette bible.
En 1950, mon père a appris du C.F. Klassen du C.C.M. que nous pouvions immigrer en Uruguay. En 1951 le Canada a ouvert ses portes aux réfugiés de Prusse. Nous étions très heureux d’aller au Canada plutôt qu’en Uruguay. Nous sommes restés à Gronau pour quelques temps. Gronau était un camp pour immigrés très primitif dirigé par le C.C.M. C’est là qu’on nous a longuement auscultés avant de partir. Le Canada ne voulait pas d’immigrants malades.
Nous sommes partis de Bremerhafen le 5 mai 1951 avec quatre malles en bois conçues par un menuisier du village. J’avais alors 12 ans et j’ai inscrit sur la malle : c/o Halifax Mennonite Board of Colonization Saskatoon, Saskatchewan, Canada
Notre navire était le Anna Salen. Mon père avait alors 57 ans. Il a dit qu’il quittait l’Allemagne à cause de nous. Il voulait que ses enfants aient un avenir.
La durée du voyage en mer était de neuf jours. Je me rappelle que de gros tonneaux étaient placés un peu partout sur le pont pour les nombreuses personnes qui avaient le mal de mer. Le personnel s’est aussi assuré que tout le monde allaient sur le pont pour prendre l’air. Ma mère, ma sœur, mon cousin et moi partagions une cabine avec deux lits superposés. La sœur de Maman, Irmgard Dyck, avait la cabine à côté de la nôtre avec ses trois filles: Christine, Gisela et Susanne. Mon père et mes frères étaient dans une grande salle avec au moins 40 autres personnes. On n’avait pas de fruits et le Coca Cola était tout ce qu’on avait à boire. (Il m’a fallu de nombreuses années avant de pouvoir reboire du Coca). Ma sœur Ute se souvient qu’un des employés lui a donné une orange alors qu’elle jouait sur le pont. Elle est revenue voir la famille et a partagé son orange avec nous.
Un jour, alors que j’étais sur le pont, je me rappelle avoir entendu deux allemands qui parlaient du Anna Salen. Ils ont dit que le navire était trop étroit et long pour aller en mer et ils pensaient que sa structure pourrait se fissurer par mer houleuse. Cela m’a rendue très nerveuse jusqu’à ce qu’on arrive sains et saufs au Canada. Ce qui suit est le journal intime que ma mère tenait juste avant de quitter l’Allemagne et pendant que nous étions sur le navire. Je l’ai traduit :
JOURNAL DU VOYAGE EN BATEAU DE MARIELUISE FROESE
26 avril 1951- Fête d’adieu dans le Deldensall. Très festive et heureuse.
28 avril 1951- Départ de Gronau à Bremen au « Overseas Building ». M. Gerbrandt était à la gare.
30 avril 1951 – Magnifique sermon dans la salle de prière. Tante Ella Froese (la plus jeune sœur d’Otto Froese), est venue nous voir.
5 mai 1951- Voyage en autobus jusqu’à Bremen Neustadt. Voyage jusqu’à Bremerhafen très ennuyeux. Grand hall. Vérification des papiers nécessaires et transfert au bateau. Souper. N’ai même pas remarqué qu’on était partis. Deux remorqueurs ont tiré le fier Anna Salen hors du port. Le repas était fantastique.
7 mai 1951 - Il fait très beau. Encore des exercices d’évacuation. Nous voguons le long des Scottish Highlands entre les Orcades.
8 mai 1951 – Encore du soleil. Tout le monde sur le pont. Brises d’air frais. Je m’amuse bien ! J’ai bronzé. Tout le monde est content. Vent de nuit # 6.
9 mai 1951 - Brouillard. J’ai le mal de mer. Le paquebot tangue de six mètres vers le haut ou le bas.
10 mai 1951 - Vent # 8. Houles de 20 mètres de haut.
11 mai 1951 – Mer agitée. Nous sommes tous impatients que le voyage se finisse..
12 mai 1951 – Soleil. Les malades sont de bonne humeur. Dehors, je reprise les chaussettes. Un petit enfant a une obstruction des intestins. La famille Peters a été déposée à St. John’s, Terre-Neuve. Une ville magnifique et étincelante. Des falaises vertigineuses de chaque côté du port. Minuit.
13 mai 1951 - Brouillard, pluie, vagues.
14 mai 1951 - Soleil, nous apprécions le dernier jour de notre voyage en mer. Midi, Halifax est en vue. Panneau, "Bienvenue au Canada".
15 mai 1951 - Soleil, matin de printemps. Midi, notre train se met en route. Le port s’étire, baigné dans le soleil, comme dans un conte de fées..
Ci-dessous, la liste des Mennonites qui étaient sur le paquebot avec nous. Mes parents connaissaient la plupart d’entre eux de Prusse.
Bruno et Elfreide Penner, les enfants: Elfreide, Hannelore, Udo, Ursela (Manitoba)
Johannes et Irmgard Dyck (La soeur de ma mère), les enfants: Hans, Fredrich, Marieluise, Christine, Wilhelm, Gisela, Susanne (Coaldale, Alberta)
Erich et Mietze Classen, les enfants: Helmut, Manfred, Rosemary, Ingrid (Alberta)
Herbert et Annelise Schmiegelt [Classen] (Alberta)
Agneta Epp, les enfants: Heinz, Herta, Gerhard, Brigitte (Coaldale, Alberta)
Jasch et Hilde Neufeld (Alberta)
Klaus et Resi Driedger (Alberta)
Otto et Mariluise Froese, les enfants: Ruth, Gertrud, Peter, Dirk, Ute (Coaldale, Alberta)
Kurt et Kathe Wiebe, les enfants: Marianne, Horst, Helmut, Echardt, Karl Heinz (Coaldale, Alberta)
Amo et Herta Goertzke, les enfants: Ernst, Trude (Coaldale, Alberta)
Nous avons obtenu le cachet d’Immigrants Reçus, ensuite on nous a dit que nous irions à Coaldale, en Alberta, comme cultivateurs de betterave à sucre. C’était un vrai choc pour mes parents car ils savaient d’après leur expérience dans leur pays natal que c’était un travail difficile. Nous sommes montés immédiatement dans le train qui était stationné à l’extérieur du Quai 21 et nous avons passé les cinq jours suivants à traverser le Canada. Le dîner dans le wagon restaurant coûtait 5.00 $ par jour et par personne. Cela représentait un coût de 35.00 $ pour toute la famille. Après deux jours de voyage, nous avons reçu l’argent et nous nous sommes acheté de la nourriture ; c’était bien moins cher. Le train était une locomotive à vapeur alors nous étions toujours noirs à cause de la suie. Maman nous disait toujours de nous débarbouiller. Au début, il y avait beaucoup de choses à voir. Le train s’est arrêté à Winnipeg où nous nous sommes régalés de crème glacée. C’était absolument délicieux. Pendant notre traversée de la Saskatchewan, Maman nous a demandé de la réveiller quand nous verrions un arbre. On n’a pas eu besoin de le faire !
A notre arrivée à Coaldale un fermier Mennonite, M. Berg, était là pour venir nous prendre dans un camion d’une tonne. Il parlait allemand. Sa famille et lui avaient immigré au Canada en 1948. En roulant jusqu’à la cour de la ferme, il y avait là une petite maison en bois rehaussée. Elle allait devenir notre première maison au Canada. Pas d’électricité, pas de plomberie mais Maman était heureuse. Une petite maison rien que pour nous ! Il nous a procuré des sacs de farine, du sucre, des pommes de terre et du lait. Nous n’avions pas un sou. Notre voyage était payé par le C.C.M que nous allions rembourser.
Le dimanche, nous allions en voiture avec la famille Berg à l’Église mennonite de Coaldale. La messe était en allemand et la congrégation nous a chaleureusement accueillis. Peu de temps après, Maman jouait du piano dans l’église. Nous ne sommes pas allés à l’école avant septembre de cette année. Nous allions à l’école de Crystal Lake et Mme Jackson était ma maîtresse. En septembre 1951, j’ai aussi célébré mon treizième anniversaire. Je désirais un sac d’oranges et je l’ai eu ! Ma bouche était irritée à force de trop en manger.
Cultiver des betteraves à sucre était un rude travail. Il y avait énormément de moustiques et nous avons bien souffert. L’automne de 1951 était un des pires moments. Nous commencions à 7h du matin et travaillions jusqu’à 6h du soir. Ma petite sœur passait du temps avec nous dans les champs. Maman partait un peu plus tôt pour préparer le souper. A cause du travail, on manquait beaucoup l’école. Après avoir étudié trois livres sur la langue anglaise, on m’a mise en septième année. Ce n’était pas facile. On était souvent traités de tous les noms par les autres enfants de l’école, même si nous n’avions rien à faire avec la Seconde Guerre Mondiale.
Pendant les vacances d’été, quand nous ne travaillions pas dans les champs de betterave, nous cueillions des haricots pour les fermiers à deux centimes la livre. On nous emmenait à la ferme en bus d’école. Les bons jours, je ramassais 250 livres, 5.00 $ ! A la fin de la journée, les sacs de chacun (étiquetés avec le nom de chaque personne) étaient pesés et nous étions payés en liquide. C’était génial !
Une fois les betteraves récoltées, le fermier Berg nous a dit qu’il avait besoin d’une famille avec des enfants plus âgés. Nous avons donc dû trouver un autre endroit où travailler et vivre. Les courses que le fermier Berg a achetées pour nous ont été additionnées et déduites, à l’automne, du paiement de nos récoltes de betteraves. Quand il a reçu ses premiers paiements pour ses betteraves, il a acheté une voiture. Nous n’avons pas été payés mais il s’attendait quand même à ce que nous déménagions. Un fermier du nom de Pauls habitait dans la région. Il nous a laissés habiter dans une petite maison en bois qu’il avait sur sa propriété. L’année suivante, Ruth a travaillé à l’Hôpital Coaldale, et nous avons travaillé pour un autre fermier, Peter Langemann. Le fermier Langemann possédait environ 20 hectares de betterave à sucre, alors que M. Berg en possédait 30-40. Quand on travaillait pour Langemann, nous habitions avec les Pauls et ensuite chez les Toews. On se déplaçait à pied, à bicyclette ou en autostop. A l’extérieur de notre maison, il y avait un trou cimenté (d’environ 3-4 mètres de profondeur) recouvert d’une porte en bois et que nous utilisions pour nos réserves d’eau potable. L’eau était amenée par camion. Dans ce puits, il y avait un sceau accroché à une longue corde où nous gardions nos denrées périssables au frais.
Un jour d’hiver, Maman et nous les enfants triions dans une cave les pommes de terre et les navets pour un fermier. Au moment de rentrer à la maison, nous ne pouvions pas ouvrir la porte. Un gros amas de neige l’avait bloquée. A force de pousser, nous avons réussi à créer une petite ouverture pour que mon frère puisse se glisser. Je pensais qu’on allait devoir passer toute la nuit avant que quelqu’un ne s’aperçoive de notre absence. Mais, on avait des navets à manger!
La récolte de la betterave à sucre est saisonnière, alors mon père faisait tous les types de travail en ferme qu’il trouvait et il a aussi travaillé dans une usine de traitement de viande à Lethbridge, dans l’équipe supplémentaire CPR et sur un site de bois de construction au nord de l’Alberta.
La famille et la famille étendue sont très importantes. Noël, les anniversaires et les anniversaires spéciaux sont toujours des raisons de célébrer. Le 70ième anniversaire de ma grand-mère était en 1952. Mon oncle et sa famille sont venus en camion de la Saskatchewan avec un poulailler à l’arrière et un matelas par terre.
Nous avons passé pratiquement cinq années dans les champs de betterave à sucre, et avons pu rembourser notre voyage en mer jusqu’au Canada au C.C.M. Puisque nous avons travaillé deux ans sur la ferme, le gouvernement nous a payé notre voyage en train. Mon père a fait des travaux de construction à Calgary et en août 1955, la famille a emménagé à Calgary dans sa propre maison. C’était une maison à deux étages construite en 1912, qui coûtait 6000 $ et que l’on a achetée avec un apport de 2000 $. Quel luxe…De la plomberie, de l’électricité et un téléphone !
Les enfants plus âgés ont tous contribué au paiement de la maison. Ruth travaillait en tant qu’infirmière. Ma mère accueillait des pensionnaires et faisait des ménages. Ute et moi sommes aussi devenues infirmières. Mes deux frères sont devenus électriciens et plus tard Peter est retourné à l’école pour devenir professeur. Dirk a lancé sa propre entreprise électrique qui était prospère.
Papa a travaillé dans la construction jusqu’à l’âge de 70 ans. Il a apprécié sa retraite. Il est retourné en Allemagne plusieurs fois pour rendre visite à son frère et à ses sœurs. La mère de ma mère, ses trois sœurs, son frère et leur famille ont tous immigré au Canada.
Nous avons joint la Première Église Mennonite à Calgary, ce qui était une partie très importante de notre vie. Dieu a été très bon avec nous. Ruth a épousé un immigrant d’un milieu similaire au nôtre. Ils habitent à Kindersley, en Saskatchewan. Peter a épousé une fille de Nouvelle-Écosse et vit à Calgary. Dirk a épousé une fille de Saskatchewan et habite à Sundre, en Alberta. Ute a épousé un fermier qui a aussi immigré très jeune et qui était sur le même paquebot que le nôtre. Ils habitent à Rosemary, en Alberta.
Alors que je travaillais à l’Hôpital de l’Université d’Edmonton en 1962, j’ai rencontré mon futur mari. Il avait été transféré d’un hôpital à Yellowknife. Ca ne faisait pas longtemps qu’il était au Canada quand un vieil Indien ivre lui a tiré dans la jambe. Pendant son hospitalisation à Yellowknife, la blessure s’est infectée, alors il a été transféré à un hôpital à Edmonton où on devait lui amputer la jambe. Je travaillais dans cet hôpital et on m’a envoyée pour traduire. Henry a refusé de se faire amputer la jambe et a refusé de signer les formulaires. A l’origine, ils voulaient l’amputer au-dessus du genoux, puis en-dessous. Après un certain nombre d’opérations pour nettoyer la blessure, on l’a laissé partir en décembre 1962. Il peut marcher et il boite juste un peu quand il est fatigué.
Le gouvernement voulait le renvoyer en Allemagne et voulait même payer son voyage. Il a refusé. On lui a laissé de considérables factures d’hôpital et de médecin. Un avocat a étudié le cas pour déterminer si on pouvait demander à l’Indien qui lui avait tiré dessus de payer les frais médicaux. Mais l’avocat a dit : « Il ne faut pas vous attendre à des miracles. » Il était aussi trop vieux pour être envoyé derrière les barreaux pour son crime. Étant donné les circonstances, les frais médicaux ont été quelque peu réduits. Il a payé une somme fixe chaque mois jusqu’à ce que tout soit payé.
Malgré toutes les épreuves par lesquelles nous sommes passées, mes parents ne se sont jamais plaints. C’était de mieux en mieux chaque année. Le Canada est un pays formidable. Nous adorons tous notre nouveau pays, ses habitants et ses espaces ouverts. Mon père est décédé à l’âge de 90 ans. Ma mère est maintenant âgée de 95 ans et vit toute seule dans son appartement pour personnes âgées. Des sept personnes arrivées au Quai 21 le 15 mai 1951, nous sommes maintenant 57, fiers d’être canadiens. Merci le Canada !!!
Psaume 107-1: « Louez l’Eternel, car il est bon, car sa miséricorde demeure à toujours ».
(C’est la prière que nous faisons après chaque repas.)
Gertrude Froese (Friz)