La famille Fokke Homiena van der Veen

Mur d'honneur de Sobey

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76

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20

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Fokke, Homiena van der Veen Family

Mes parents, Fokke (Frank) et Homiena van der Veen, sont arrivés au Canada le 23 octobre 1953 sur le Groote Beer au Quai 21 en provenance des Pays-Bas.

Ils sont venus avec leur 5 enfants, Grietje (Margaret) qui avait 12 ans, presque 13, Jan qui avait 11 ans, presque 12, Hans 7 ans et les jumeaux Arnold et Ina qui avaient presque 2 ans. Contrairement à de nombreux immigrants, mes parents ont décidé de venir au Canada non pas pour des raisons économiques mais parce que mon père voulait une ferme et en tant que propriétaire d’une épicerie à Laren dans la province de Gelderland, il n’aurait jamais pu réaliser son rêve. Depuis la fin de la guerre, il avait rêvé d’émigration. Il voulait vraiment beaucoup partir pour les États-Unis surtout que plusieurs membres de sa famille d’une génération précédente étaient partis dans la région de Denver en passant par Ellis Island ; mais il n’avait personne pour le parrainer aux États-Unis. Il a pensé aussi partir en Nouvelle-Zélande et en Australie mais ma mère était catégorique : elle ne déménagerait pas aussi loin et le Canada était donc un bon compromis. Il a fallu beaucoup de temps pour la convaincre car elle était une fille de la ville qui avait toujours travaillé dans des magasins et qui trouvait l’idée même d’une ferme répugnante. Mon père avait une sœur qui avait immigré un an ou deux auparavant dans le sud de l’Ontario et c’est donc ainsi que St Thomas a été choisi pour notre destination..

Finalement, ma mère a accepté à contre cœur de déménager et les plans ont alors été mis à exécution. La traversée a été réservée pour le mois d’août 1953 sur le Queen Mary puisque ma mère ne voulait pas voyager à bord d’un « navire d’immigrants », mais au final, mon frère jumeau a eu une grave crise d’eczéma et on lui a refusé l’entrée pendant 6 semaines, ce qui ne leur a laissé comme option que de voyager sur le Groote Beer quand la situation avait été résolue 6 semaines plus tard. D’où la traversée en octobre sur un « bateau d’immigrants » après tout. En tant que passagers « payants », ils ont eu droit à de meilleures cabines et de la meilleure nourriture mais se sont peu mêlés avec ceux des ponts inférieurs (ce n’était pas que la nourriture aidait beaucoup puisque nous étions tous, à l’exception de Hans, mon petit frère de 7 ans, terriblement malades). Tant et si bien que ma mère ne voyagera jamais plus sur un bateau.

Je peux seulement imaginer l’horreur de cette traversée pour ma mère : elle était terriblement inquiète de quitter sa famille qu’elle croyait ne jamais plus revoir, de quitter une vie de confort avec un emploi dans une entreprise qu’elle aimait pour déménager dans un nouveau pays où aucun d’eux ne parlait la langue et avec 5 enfants. Pour mon père, c’était le début d’une grande aventure et d’une nouvelle vie, mais pour ma mère, il s’agissait d’une nouvelle vie qu’elle ne souhaitait pas. Comme le gouvernement néerlandais n’autorisait qu’un certain montant d’argent avec chaque émigrant (autrement ça aurait été trop dur sur l’économie), mes parents s’étaient très bien préparés pour l’avenir.

Deux énormes conteneurs en bois les accompagnaient (chacun était aussi grand qu’un petit garage, rempli de meubles neufs, de casseroles et de poêles, de vaisselle et assez de vêtement pour tous les enfants pour les deux années suivantes). Ainsi, l’interdiction de sortir de l’argent du pays était moins difficile à suivre. Une petite remarque : même si ma mère avait prévu si bien les choses côté vêtements, un problème a été soulevé une fois que mes frères et sœurs aînés ont été inscrits à l’école à St Thomas en Ontario. Leurs tenues « hollandaises » étaient si « différentes » qu’ils détestaient les porter et c’est ainsi, avec beaucoup de réticence, que ma mère a permis à mes deux frères aînés de porter des jeans pour faire comme les autres garçons de leur école, même si elle pensait que ces tenues n’étaient pas convenables.

Nous avons survécu au cauchemar d’une traversée à la fin de l’automne et de l’arrivée au Quai 21, nous sommes immédiatement montés à bord du train pour St Thomas : des boites étaient posées par terre entre les sièges pour que mes frères et ma sœur puissent s’allonger et dormir avec un peu de confort pendant que mes parents regardaient défiler le paysage. Ce n’était pas une scène de bonne augure puisqu’on était en octobre et que tout à l’extérieur semblait mort, la terre jusqu’à Montréal ne semblait pas très fertile et les fermes étaient rabougries avec des champs jonchés de roches et une maison de temps en temps. Ils sont arrivés à St Thomas et après quelques jours ils ont emménagé avec la sœur de mon père dans une maison à louer. Mon père a trouvé du travail presque immédiatement dans la construction qui a duré quelques mois jusqu’à ce qu’il trouve un emploi permanent à l’hôpital psychiatrique de St Thomas en tant que gardien : le plan était que cela apporterait un revenu stable pour faire face aux caprices d’être propriétaire d’une ferme, une profession dont mon père ne connaissait quasiment rien. Ils ont acheté une ferme à New Sarum en Ontario, un hameau entre St Thomas et Aylmer en Ontario, dès la première année. Le gouvernement néerlandais autorisait bien des transferts d’argent si un émigrant achetait une propriété dans son nouveau pays. Ils y sont restés 5 ans et ont ensuite acheté une autre ferme où mon père a eu un troupeau de pures vaches laitières Holstein Friesian pendant un certain nombre d’années avec mes frères qui étaient à la maison pour l’aider. Il est toujours resté travailler à l’hôpital jusqu’à la retraite à 65 ans et ainsi la ferme n’a été qu’un emploi à mi-temps mais un amour à temps plein.

Ma mère a progressivement accepté le Canada mais a trouvé difficile de s’ajuster même si mes parents ont tous les deux très bien appris la langue. Ils ont trouvé la culture « immigrante » d’une certaine façon difficile à supporter : nombreux parmi ceux qui avaient quitté les Pays-Bas étaient pauvres et très conservateurs dans leurs idées, particulièrement en ce qui concernait la religion, ce qui a perduré et perdure encore dans certaines régions et qui font que ces « Hollandais » s’accrochent à une culture et s’isolent dans des mœurs sociales et religieuses de plus de 50 ans. Mes parents trouvaient ces idées difficiles à accepter et ils sont alors devenus membres de l’Église presbytérienne. Ma mère est aussi devenue membre de groupes plus « canadiens » tels que l’Institut des femmes (Womens Institute) qu’elle appréciait particulièrement et où elle se sentait à l’aise. Tous les enfants, nous nous sentons canadiens aujourd’hui : nous avons été éduqués au Canada et certains d’entre nous ont des diplômes universitaires. Je suis la seule qui vive pour le moment aux États-Unis même si je m’attends à ce que mon mari (qui a émigré depuis l’Écosse pour aller au Canada après son doctorat et travailler à l’Université McMaster) et moi retournions au Canada une fois à la retraite. Mon père est décédé en novembre dernier (2002) et ma mère vit toujours à St Thomas.

Mère, père et les enfants sur le pont du navire
Document bancaire ancienne
Ancienne copie de la liste des passagers du navire