Helle, Tiia et Jaak Rakfeldt

Mur d'honneur de Sobey

Colonne
5

Rangée
18

First Line Inscription
Helle, Tiia ja Jaak Rakfeldt

Pays d'origine : Suède
Nom du navire : Aquitania
Date d'arrivée : 22 novembre 1949

Notre voyage au Canada, moi-même, (Arnold et Heli), Ilmar, et Miralda Rakfeldt et mes enfants, Helle, Tiia et Jaak Rakfeldt, a commencé le 14 novembre 1949 de Stockholm à Goteborg en Suède, puis il nous a amenés à Londres en Angleterre où nous sommes arrivés le 14 novembre 1949. Nous avons embarqué à Southampton le 15 novembre 1949 à bord de l’Aquitania et sommes arrivés à Halifax en Nouvelle-Écosse le 22 novembre 1949.

Je pense que les agents de l’immigration et des douanes sont montés à bord du navire un peu avant Halifax. Les passagers à qui on a permis de débarquer ont pu prendre un train dès la même nuit pour rejoindre leur nouvelle destination. Notre famille a dû encore faire face à un obstacle avant de pouvoir continuer le voyage. Nos passeports n’indiquaient aucun lieu de travail ou de résidence. Nous avons donc été placés en détention pour être interrogés.

La nuit était déjà bien avancée lorsque les femmes et les enfants ont été séparés des hommes et emmenés vers différentes pièces. Il y faisait au début assez froid et nous étions inquiets, tout comme beaucoup d’autres parmi nous. Je ne prenais pas la situation trop au sérieux et étais confiant quant au fait que je pourrais retrouver ma femme et mes enfants et que cet obstacle allait lui aussi se dissiper.

J’ai été frappé par la pensée étrange que pour la première fois de ma vie, j’étais dans une pièce avec des barreaux aux fenêtres et verrouillée de l’extérieur. La police politique russe avait essayé de m’arrêter et j’avais toujours réussi à m’y soustraire et je me trouvais pourtant enfermé ici. Nous étions 20 ou 30 hommes de différentes nationalités, séparés de nos familles et enfermés dans cette pièce. Certains vivaient très mal cette situation et lorsque de la vapeur a commencé à s’échapper des radiateurs froids, beaucoup ont eu la certitude de se trouver dans une chambre à gaz. Ils se sont mis à frapper violemment aux portes et à faire du bruit. Je ne me rappelle pas que quelqu’un soit venu les calmer. Nous-mêmes, deux Estoniens, avons tenté de les rassurer en expliquant que les radiateurs étaient tout simplement là pour chauffer la pièce.

Le matin suivant, on m’a autorisé à appeler mon frère qui vivait aux États-Unis à environ 45-50 km de Niagara Falls. Il a indiqué aux agents des douanes qu’une maison avait été louée pour notre famille à St. Catharines en Ontario. Après leur avoir montré des documents prouvant que je disposais de presque 4000 dollars sur un compte en banque à Toronto et avoir affirmé que j’étais certain de trouver du travail, ma famille et moi-même avons pu reprendre notre voyage en train vers St. Catharines.

Le train comportait à la fois des wagons de passagers et de marchandises et était assez lent. Nous avons changé de train à Toronto où nous nous souvenons avoir été impressionnés par les marbres et les magasins de la gare principale, bien que notre train soit en retard, nous avons fini par arriver à St. Catharines le 25-26 novembre 1949.

Notre motif pour quitter la Suède et venir au Canada était avant tout dû au fait que j’avais un frère qui vivait aux États-Unis depuis 1924 et que nous pouvions ainsi nous réunir en famille. Nous avions effectué des demandes de visa pour émigrer aux États-Unis depuis 1945, mais en Suède, nous étions obligés de demander un visa dans le cadre des quotas d’immigrants et non en tant que personnes déplacées : le quota d’Estoniens était de 116 personnes par an. Nous perdions espoir et craignions l’Union soviétique, notre perfide voisine, et avons donc demandé un visa pour le Canada. Nous voulions nous éloigner le plus possible de l’Union soviétique.

Notre séjour au Canada a été assez court. Nous avons obtenu des visas pour immigrer aux États-Unis en août 1950. Cette fois-ci, il nous a suffi de franchir une grande rivière. Nos filles Helle et Tiia ont commencé leur scolarité en novembre 1949 dans une école canadienne et, grâce à leur sociabilité et au soutien des enseignants et des autres élèves, elles ont pu s’adapter à cette nouvelle terre et à ce nouveau pays.

Moi-même et ma famille, ainsi que les dizaines et dizaines de milliers de personnes qui avaient comme nous quitté leur pays d’origine, souhaitons exprimer notre gratitude sincère à l’égard du Canada pour la tolérance et la souplesse de ses lois sur l’immigration.

La troisième rangée de noms inscrite sur le Mur d’honneur Sobey comporte ceux de mon frère aîné Arnold Rakfeldt et de sa femme Heli qui ont quitté l’Angleterre pour Kitchener en Ontario en 1951. Mon frère a déménagé pour Toronto où il a acheté une maison ainsi qu’un chalet à Consecon en Ontario. Ils avaient tous les deux la cinquantaine lorsqu’ils sont venus au Canada et malgré leur âge et l’obstacle de la langue, ils ont pu prospérer dans ce pays jusqu’à leur disparition respectivement à l’âge de 87 et 90 ans.

Carte d’identité de l’immigration appartenant à Jaak Rakfeldt.