Heidi L. Grundke

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Heidi L. Grundke

C’est en 1951 que les Allemands ont pu pour la première fois émigrer au Canada. La guerre n’était finie que depuis six ans et la situation en Allemagne était toujours instable. Il ne semblait pas y avoir d’avenir après toutes les destructions et la ruine économique. C’est pourquoi beaucoup d’Allemands ont tenté d’émigrer et de trouver autre part une nouvelle vie meilleure.

Nous étions parmi les premières familles allemandes à nous installer à Halifax. Nous sommes arrivés ici le 25 juin 1951, à bord d’un navire, avec deux enfants âgés de six et trois ans. Cela a donc été difficile au début. Voici les premières impressions de Halifax, extraites de lettres qui ont été traduites :

Nous avons commencé par partir à la recherche un refuge et du travail, alors que nous avions le mal du pays à la suite du voyage, que nous étions fatigués par le changement de climat, déprimés par de mauvaises nouvelles et troublés par tant de nouvelles impressions qui nous étaient inconnues. Nous avons eu quelques déceptions lors de ces excursions ! Halifax est une petite ville sans industrie, qui dépend uniquement de petites sociétés et de bureaux administratifs. La ville est très étendue car la plupart des immeubles n’ont pas plus d’un étage. Les maisons, situées sur une péninsule, sont rassemblées autour d’une citadelle délabrée. Nous avons trouvé quelques noms de rue allemands, comme Gottingen, Berlin, Dresden, Brunswick et Coburg et ce sont des rues plutôt propres, alors que Market Street (la rue du marché) est le centre des bas quartiers. Nous y sommes allés car nous avions vu une annonce dans le journal pour un appartement. Nous sommes passés près de petites maisons en mauvais état, entourées de tas d’ordures et où les habitants, assis devant leur porte, fumaient et mâchaient du chewing-gum. (Ça a bien changé depuis).

Après deux semaines et demie très éprouvantes passées à Halifax, les gens de l’immigration nous ont trouvé du travail et un logement dans une ferme. Nous y avons passé un merveilleux été ! Mais à la mi-septembre 1951, nous avons quitté de la ferme pour un logement en sous-sol rue Barrington à Halifax, où nous étions concierges dans un immeuble de bureaux. Toujours extrait d’une lettre :

Nous y avons hérité d’un lit. Nos prédécesseurs nous ont aussi laissé beaucoup de saletés et des bêtes indésirables telles que des puces, des souris et des rats. Après avoir inondé le sous-sol à plusieurs reprises, être allés à la chasse aux bestioles, avoir trouvé un chat et utilisé des produits chimiques, nous avons commencé à vivre dans une certaine propreté. Depuis, nous gagnons notre vie principalement en nettoyant et en chauffant la maison (un immeuble de bureaux), une tâche qui nous prend environ six heures par jour, et nous le faisons aussi pour une petite banque toute proche : deux ou trois heures en plus. Nous passons le reste du temps à faire du travail orthopédique (pour les patients privés d’un docteur). Notre travail n’est ni agréable, ni facile, mais personne n’a pitié de nous. Tous les nouveaux arrivants doivent commencer de façon modeste et être prêts à travailler dur. Pour nous, ce travail n’est que le point de départ vers de meilleures conditions de vie.

Une partie d’une autre lettre montre notre première impression des Canadiens, ou mieux, des habitants de la Nouvelle-Écosse.

La gentillesse et la volonté d’aider sont deux des caractéristiques les plus frappantes des Canadiens. On nous a dit que les habitants de la Nouvelle-Écosse le sont tout particulièrement.

Les gens ne nous demandent pas notre nationalité lorsqu’ils entendent que nous sommes immigrants, mais d’abord ils nous appellent des « nouveaux arrivants », puis ils nous demandent si nous nous plaisons ici et ils nous posent des questions sur notre emploi et notre logement. Nous trouvons que l’expression « nouvel arrivant » implique que tout le monde ici, parents ou grands-parents, a été à un moment donné immigrant lui-même. Les gens déclarent souvent que leurs ancêtres étaient allemands. Ils nous posent des questions sur notre expérience de la guerre, ils disent aussi qu’ils rejettent l’idée des bombardements et de la guerre en général.

Pendant ces années-là, beaucoup d’Européens sont arrivés à Halifax : ils sont presque tous allés en Ontario ou plus à l’ouest. Ils sont arrivés par la mer puis ils ont pris le train ici, et ces trains ressemblaient à des « transports de troupes » avec tous ces jeunes hommes qui étaient aux fenêtres – en faisant le chemin inverse à celui qu’avait pris Halifax pendant la guerre.

Puis suit une déclaration générale sur l’émigration.

Quiconque songe à l’émigration devrait se rendre compte qu’il laisse tout derrière lui, vraiment tout ce sur quoi il a travaillé et tout ce qu’il a acquis au fil du temps. Les quelques biens personnels que vous pouvez prendre avec vous dans quelques boites sont très peu de choses lorsque vous commencez une nouvelle vie ici. Beaucoup de choses, surtout les habitudes culturelles, les liens d’amitié, etc., ne peuvent pas être mis dans une valise. Nombreux sont ceux qui ne peuvent pas affronter la séparation. Douze familles allemandes viennent tout récemment de reprendre un bateau pour repartir en Allemagne !

Pour finir sur une note positive : après deux ans et demi de conditions de vie et de travail difficiles, nous avons énormément progressé ! Mon mari a obtenu le travail promis à l’hôpital ; nous avons déménagé dans une maison que nous avons achetée, et nous avons fait l’acquisition d’une VW deux ans plus tard. Notre vie s’est améliorée petit à petit. Nous avons surmonté la barrière de la langue grâce à nos nouveaux emplois ; nous nous sommes fait des amis canadiens et nous avons intégré la communauté. Nous sommes devenus des citoyens canadiens en 1957. La ville de Halifax a également changé depuis le début des années 1950 et je crois que les immigrants européens y ont largement contribué !

Heidi Grunke

Proue du bateau Homeland, prise à partir du quai.
Mère avec deux enfants sur les genoux, assise sur le pont du navire.
Mère avec petit enfant sur le banc, bébé assis dans le buggy.
Mère et bébé assis dans un fauteuil de pont, entourés par d’autres passagers.