Dirk et Hedwig van Laren

Mur d'honneur de Sobey

Colonne
78

Rangée
24

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Dirk and Hedwig van Laren

La traversée à bord du GROOTE BEER

Du 20 au 28 octobre 1953

Le mardi 20 octobre, le jour du départ est enfin arrivé. Ma fiancée avait la voiture de son père à sa disposition pour le voyage jusqu’à Rotterdam et papa, maman et ma sœur sont venus avec nous pour la « cérémonie des au revoir ». Les derniers au revoir ont dû être faits dans le hall de départ juste avant que je passe les douanes et que je m’enregistre. Papa pensait qu’il s’agissait là d’un dernier adieu et était assez déprimé. Je n’avais pas du tout ces impressions là et je lui ai dit quelque chose du genre qu’on allait se revoir dans trois ans. Les proches étaient autorisés sur une certaine section du quai et ils m’ont fait signe au revoir de là. La conversation n’était vraiment pas possible. À 4 heures de l’après-midi, le MS Groote Beer a largué les amarres et nous étions en route.

La première halte a eu lieu au Havre où nous sommes arrivés le matin suivant pour prendre quelques passagers en plus, ce qui faisait un total de 839 (selon la liste des passagers). À bord, il y avait un grand nombre de fermiers de la province de Zeeland qui partaient prendre un nouveau départ au Canada après les inondations de février. La plupart ne parlait pas un mot d’anglais et avait des familles nombreuses avec eux ; tout un défi mais sans aucun doute ils s’en sont tous très bien sortis. L’hébergement ressemblait à celui d’un navire transporteur de troupes, ce qu’il était d’ailleurs, avec des dortoirs pour les hommes et pour les femmes, des cabines pour les familles qui pouvaient se le permettre. Mon quartier se trouvait dans la proue du navire et avait 2 tiers des lits superposés. C’est là que le tangage du navire était le plus fort et les estomacs sensibles ont connu des moments difficiles. Heureusement, cela ne m’a pas dérangé. Dans le fumoir de l’avant, il y avait un bar avec quelques tables et quelques chaises : un endroit qui n’était pas désagréable et qui était peu fréquenté par la plupart. C’était aussi le lieu où l’équipage organisait les divertissements le soir auxquels participaient des comédiens et autres musiciens qui pouvaient se trouver parmi les passagers. Ces derniers étaient souvent les meilleurs : l’un des comédiens était un missionnaire de retour d’Afrique, en route pour Québec. C’était un sacré numéro et il avait un répertoire sans fin de blagues, de mimiques, d’histoires drôles et de chansons. Le temps a passé vite.

ARRIVÉE À HALIFAX – le 28 octobre 1953

C’est la première chose que nous avons vue du Canada ce matin-là, la ville de Halifax et son port. Le Groote Beer s’est amarré au Quai 21, un vaste hangar pour l’immigration, aujourd’hui un musée, où tous les immigrants qui arrivaient par bateau devaient passer pour que leurs papiers soient traités et visés. (Le Quai 21 est situé juste à gauche de la cheminée sur la photo). 524 passagers ont débarqué à Halifax, les 315 autres sont allés à New York. Quand on entrait sous le hangar, on était accueillis par un certain nombre de personnes et nombreuses étaient celles qui faisaient partie de l’ordre des « Sisters of Service » (les Sœurs du service) dans leur habit gris qui nous demandaient si on avait besoin de traduction ou d’aide pour quoi que ce soit et elles nous guidaient vers la bonne zone de douanes. Comme j’étais célibataire et que je me débrouillais en anglais, je suis passé rapidement au travers de ces formalités. D’autres étaient assis sur de longs bancs en rang et attendaient leur tour. Puis j’ai dû récupérer ma malle et confirmer les arrangements pour me rendre à Toronto. À midi, j’étais devenu un immigrant reçu.

Le train affrété spécialement pour les immigrants allait à Montréal et à Toronto et n’allait pas partir avant quelques heures et donc certains d’entre nous, nous sommes allés en ville à pied et sommes montés en haut de la Citadelle de Halifax qui offrait à cette époque une vue magnifique de la ville et du port. Le temps était beau et ensoleillé mais il faisait déjà frais. Nous sommes finalement montés à bord du train pour un trajet de 2 jours vers l’Ontario. Le train tiré par une locomotive à vapeur comprenait un certain nombre de vieilles voitures de 2nd classe et une ou deux voitures restaurants ou voiture-bar. Il y avait une section désigné pour l’Ontario et une autre pour l’ouest canadien qui allait être aiguillée à Montréal. Il a fait bientôt nuit et il n’y avait pas grand-chose à voir, sauf quand le train passait par une petite ville. Typique de l’époque : les voies ferrées passaient souvent le long des rues principales. Ça me rappelait des scènes dans de vieux films sur la ruée vers l’Ouest (Wild West), ce qui n’était pas exactement ce à quoi je m’attendais d’après les brochures ; un choc culturel en quelque sorte. Le voyage s’est poursuivi et a passé Rimouski en longeant la rive du St Laurent jusqu’à la ville de Québec. Dans les premières heures bien fraiches du 29 octobre, nous avons admiré ce magnifique paysage. À Levis, sur l’autre rive en face de la ville de Québec, il y avait une longue file d’attente et nous avons donc pu en profiter dans le soleil du matin. La ville de Québec n’avait pas de d’édifices élevés à cette époque et l’hôtel du Château Frontenac et la Citadelle se dressaient dans toute leur splendeur.

(Note : les voies du CN le long de la côte ont été enlevées depuis et VIA rail suit aujourd’hui l’autoroute 20, ce qui ne permet qu’un aperçu de la ville dans le lointain).

Le trajet jusqu’à Montréal a été très lent avec des arrêts fréquents sur des voies de garage pour laisser passer les trains réguliers de marchandises et de passagers. Puis une nouvelle longue attente à Montréal afin de laisser passer les trains pour l’ouest d’être aiguillés et finalement nous étions en route vers Toronto pour arriver à la gare Union Station presqu’à minuit. Mon ami Ted qui était arrivé quelques mois plus tôt était là et m’attendait. Il avait pris des arrangements pour une chambre au 50 Avenue Asquith (près de Bloor et de Yonge) dans une maison qui offrait des chambres à louer, typique à cette époque. Je louais ma chambre au troisième étage pour 10 $ par semaine, ce qui comprenait les services d’entretien ménager.

Nous avons fait le nécessaire à la gare pour que ma grosse malle soit livrée plus tard et nous étions partis en tramway le long de la rue Yonge (un autre choc culturel). Ces tramways étaient les plus vieux de tout Toronto et dataient des années 1920. Même s’ils fonctionnaient électriquement, le chauffage, lui, provenait d’un poêle à charbon qui se trouvait au milieu de chaque voiture et que le conducteur devait garder allumé avec un tisonnier. Je n’en croyais pas mes yeux et ne comprends toujours pas aujourd’hui la logique qu’il y avait dessous ! Ted m’a expliqué que le métro de la rue Yonge, qui était alors en construction, allait remplacer ces vieilles choses dès 1954 et il promettait de meilleures voitures de tramways pour les autres lignes de Toronto.

Le matin suivant, le vendredi 30 octobre, je me suis présenté à ACME Electric où on m’avait promis un emploi. Je suis devenu un membre actif de cette société et ai gagné 1 $ de l’heure.

Laren 4 septembre 2003

L'homme appuyé contre balustrade du navire.
A bord du Groote Beer 1953
L'homme assis sur une chaise de pont de navire.
A bord du Groote Beer 1953
Port de Halifax, comme on le voit à partir du navire.
Halifax Waterfront 1953
Un homme marchant bretelle de sortie du navire.
Nouvellement arrivé au Quai 21
Documents de voyage anciens.
Passeport et carte d'identité
Vieille photo de la voiture de tramway sur la rue à Toronto.
Bloor et Yonge 1953