Carmine, Antonietta Perri et leur famille

Mur d'honneur de Sobey

Colonne
102

Rangée
9

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Carmine, Antonietta Perri
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and Family

J'avais neuf ans quand j'ai immigré au Canada en mai 1957 avec ma mère Antonietta Tomaino Perri (42 ans), mes frères Achille (14 ans), Silvio (12 ans) et Egidio (7 ans). Nous étions venus rejoindre mon père, Carmine Perri, et mon grand frère, Giuseppe, à Sault Ste. Marie. Mon père avait immigré en 1948 en passant par Montréal. J'étais tout petit et ma mère était enceinte de mon plus jeune frère lorsque mon père était parti. Nous étions restés derrière pour que ma mère puisse s'occuper de mes grands-parents paternels qui étaient trop vieux et trop malades pour voyager.

Nous venions d'une petite ville idyllique appelée Decollatura dans les montagnes du sud de la Calabre. Je me souviens me sentir anxieux et triste de quitter mes amis et les membres de la famille, particulièrement ma grand-mère maternelle Maria et mon chien Fido. Je me rappelle demander à ma mère si j'avais suffisamment dans ma tirelire pour emmener Fido. Je pensais être compensé de mon départ par la richesse et le luxe de notre vie en Amérique. Je me voyais dans une jolie maison pleine de fleurs et de lilas dont l'idée venait d'une chanson populaire de l'époque, « Casetta in Canada » (petite maison au Canada).

Mon frère Giuseppe (Joe) a quitté l'Italie par Naples sur le navire Conte Biancamano le 23 juin 1956 et est arrivé à Halifax le 3 juillet 1956. Il est venu avec un accompagnateur, un homme de notre ville natale, car il n'avait que quinze ans et était mineur.

Le reste de la famille est parti par Naples sur le Vulcania le 6 mai 1957. Nous avons fait escale à Palerme, en Sicile et à Lisbonne, au Portugal.

La traversée de l'océan atlantique paraissait très longue. Comme mon plus jeune frère Egidio (Ed) et moi avions le mal de mer, nous avons passé la plus grande partie de nos journées au lit. Résultat, jusqu'à ce jour j'ai refusé de faire une croisière. Mes frères Giuseppe (Joe), Achille, et Silvio s'en sont beaucoup mieux tirés. Le voyage leur a plutôt laissé le souvenir d'une aventure. Ils ont exploré le pont supérieur, ont vu des dauphins et se sont régalés de cinéma gratuit. Ma mère s'est liée d'amitié avec une jeune femme et son frère qui voyageaient seuls et se rendaient à Vancouver. Cette jeune femme était tellement attachée à ma mère que les gens pensaient qu'elle était sa fille.

Nous sommes arrivés au Quai 21 le 16 mai 1957. Je me souviens que les douanes étaient dans un grand hall et que les plus jeunes enfants avaient une pièce à part pour jouer. Je me souviens qu'ils étaient très gentils avec nous puisque j'ai reçu en cadeau une poupée et Egidio un petit train. Je me souviens vaguement des flashs des appareils photo tandis qu'avec Egidio nous nous levions pour chanter (sans doute Santa Lucia). Ma mère était très inquiète quand les douanes ont ouvert sa valise. Elle avait caché un « capicollo » (jambon cru) donné par un ami qui avait insisté pour qu'elle le prenne et le partage avec mon père et le reste de la famille au Canada. Elle avait aussi trois bouteilles d'alcool.

Les douanes en permettaient deux, mais quand elle a expliqué en faisant des gestes de la main que nous étions une famille de cinq, ils lui ont permis la bouteille supplémentaire et ils n'ont pas vu le « capicollo ». Ma mère se rappelle que tous n'ont pas eu sa chance. Il y avait des contenants d'huile cachés dans un matelas. Comme l'officier des douanes perçait le matelas, l'huile d'olive s'était répandue sur le sol. Elle se souvient de l'angoisse sur les visages de la femme et de tous les autres dont les biens se faisaient confisquer. Ma mère avait aussi trois salamis cachés dans son sac à main. Le jeune homme qui voyageait avec sa sœur lui avait fait signe de les lui passer et il les avait cachés dans la poche de sa veste. Nous en avons profité plus tard dans le train quand nous n'avions plus rien à manger.

Un homme qui retournait au Canada et venait d'Italie a conseillé à ma mère d'acheter des viandes froides et du pain avant de monter dans le train. Nous n'avons pas aimé le pain qui était mou et sucré, à la différence du pain croustillant dont nous avions l'habitude. Mon plus jeune frère a même demandé si c'était vraiment du pain. Quand nous avons commencé à manquer de provisions et à avoir faim, ma mère a promis d'en acheter au prochain arrêt. Nous avons traversé des milles de nature sauvage. Grande était notre ignorance de l'immensité du pays et des distances entre les villes. La seule chose qu'on pouvait acheter dans le train, c'était des chocolats, alors nous avons mangé les salamis illégaux et beaucoup de chocolats pendant tout le reste du voyage. Le trajet de Halifax à Montréal était long et inconfortable et il faisait chaud. Nous étions assis sur des bancs de bois. Ma mère et mes frères aînés se souviennent à quel point le trajet en train avait été inhumain. Ils disaient même que le train était fait pour transporter du bétail et non pas une cargaison humaine. Le souvenir le plus vif de mon frère Achille est d'avoir une fois ouvert une fenêtre pour laisser entrer de l'air frais. Les autres passagers lui ont crié de la refermer car tout le monde était couvert de suie et de poussière à cause du charbon.

Nous sommes arrivés à Sault Ste. Marie le 18 mai 1957. Nous étions surpris de voir de la neige au mois de mai et choqués de voir une gare si petite qu'elle ressemblait à une cabane. Nous avons été accueillis par mon père Carmine et mon frère aîné Joe, mon oncle Saverio (Sam), ma tante Rosina et mes cousins Giuseppe et Angelo Perri. Mon oncle Sam avait environ 15 ans quand il avait émigré vers 1914 ou 1915 (par les États-Unis). Il avait parrainé mon père en 1948 et ma tante Rosina et sa famille en 1949. Je me souviens d'être arrivé à la maison et d'avoir mangé ma première banane. Ce n'était pas une demeure de luxe et j'ai vite réalisé qu'on était loin d'être riche.

Mes parents ont travaillé dur et ont fait beaucoup de sacrifices pour que nous puissions avoir une vie meilleure au Canada. Nous avons fini par nous ajuster aux longs hivers froids de Sault Ste. Marie. Nous avons conservé notre riche culture italienne et avons appris à aimer tout ce qui était canadien, comme l'émission « Hockey Night in Canada » les samedis soirs, les belles couleurs de l'automne, la tarte aux pommes et les sandwichs au beurre d'arachide et à la confiture.

La génération suivante de la famille Perri a prospéré au Canada. Il y a des professeurs, des ingénieurs, des diplômés M.B.A., des fonctionnaires et certains sont dans le marketing ou la presse. « Teresa Perri »

Teresa Perri

Femme assise à une table et quatre garçons d’âges variés.
Page d’un vieux passeport italien montrant la photographie d’Achille Perri.
Page d’un vieux passeport italien montrant la photographie de Giuseppe Perri.
Portrait de famille montrant une femme entourée par deux petits garçons et une fille.
Femme entre deux hommes, se tenant devant un immeuble.
Six membres de la famille dans une grande salle décorée de ballons.