Mur d'honneur de Sobey
Colonne
128
Rangée
17
Giuseppe Orsini
Mon père, Giuseppe Orsini, est né à Gubbio, en Italie, dans la province de Perouge, le 11 juin 1910. Il n'a jamais été sûr du mois exact de sa naissance étant donné qu'à l'époque on ne fêtait pas les anniversaires comme aujourd'hui, il n'y avait tout simplement pas assez d'argent pour ça.
Il n'a pas eu la vie facile quand il était jeune et il n'a pu aller à l'école de S. Martino, dans la région de Colle, que jusqu'au grade 3. À treize ans, il a commencé à travailler dans plusieurs fermes des environs. Tout le monde l'aimait bien et il a presque été adopté par une des familles de San Martino di Colle.
Quand il a grandi, le travail était de plus en plus difficile à trouver et il est parti travailler à l'étranger, en France, au Luxembourg et en Allemagne. A partir des années 1930 et jusqu'en 1945, il travaillait à l'étranger. Avant la guerre il a travaillé en Allemagne dans les mines, puis il a été transféré dans un camp de travail en Allemagne. C'est une période qu'il appelle sa “Guerre de 1942”, et il a failli mourir de faim pendant son internement dans le camp de travail (il cachait sous son lit un sac de glands qu'on utilisait normalement pour engraisser les porcs, mais heureusement, il n'a jamais eu à les manger).
Mon père savait très bien comment raconter les histoires et, en tant qu'enfant, je l'écoutais et imaginais toutes ces places mythiques quand il me parlait des aventures de toutes ces années passées. Jamais il ne montrait d'animosité envers les Allemands. Il disait qu'ils étaient "corrects" ; qu'avec les Allemands, si on gagnait un dollar, on était sûr de l'avoir, mais qu'avec les Italiens, on n'en avait aucune garantie.
Quand il est revenu en Italie, il s'est rendu compte que son village avait très peu à offrir à quelqu'un qui, comme lui, était parti loin, avait quitté son village bien-aimé, et les vignes de San Martino di Colle. Le désespoir était partout, le chômage très élevé et on ne pouvait pas trouver d'emploi.
Mon père voulait se marier et quand il a approché la quarantaine, il est allé voir une entremetteuse très connue à San Martino qui lui a suggéré le nom de ma mère, Argenide Monacelli.
Il a saisi l'occasion et a épousé ma merveilleuse mère, Argenide Monacelli, qui était une des filles du voisinage encore célibataire a 29 ans. Mon père en avait 40. Il l'a demandée en mariage et l'a épousée le 20 novembre, puis il est parti pour le Canada le 29 novembre 1950.
Leur lune de miel a été de courte durée, puisque mon père devait partir pour Rome. Il a quitté Rome pour une nouvelle aventure. Il est parti le 29 novembre 1950. Il était accompagné par neuf autres hommes de Gubbio, qui étaient :
Columbo Fronduti (mon parrain)
Giuseppe Piccotti (mon oncle, le cousin de mon père)
Sergio Belardi
Santino Morelli
Francesco Marchigianni
Alfo Ceccarelli
Enzo Foffi
Elio Spgarelli
Angelo Rosetti
Tous étaient en partance pour le Canada, pas par bateau, mais par avion. Est-ce que vous pouvez vous imaginer cela ? C'était des avions probablement utilisés pendant la guerre et il nous a dit qu'il devait se mettre du coton dans les oreilles tellement le bruit était assourdissant et qu'ils avaient mis des planches sur le sol de l'appareil.
Le voyage en avion a duré 21 heures de Rome à Gander, au Labrador. 3 heures de Rome à Paris, 3 heures de Paris à Shannon (en Irlande) et 11 heures de Shannon à Montréal. Ensuite ils sont allés de Montréal à Timmins en train.
Dix des hommes participant à ce voyage au Canada devaient travailler dans les mines. Deux d'entre eux n'y sont jamais allés : Santino Morelli et Alfio Ceccarelli.
Le 30 novembre ils ont quitté Timmins et sont arrivés le 31 novembre au sud de Porcupine (près de Timmins). Le voyage leur avait pris 24 heures.
Ils ont travaillé dans une mine d'or. Le travail était correct. La paie était de 93 sous de l’heure et est montée à 1 $ de l'heure. C'était une bonne paie et de bonnes conditions de travail.
Le logement et la nourriture étaient fournis par la Mine. La nourriture était canadienne ; ils avaient très faim et mangeait tout ce qu'on leur donnait. Il y avait beaucoup de nourriture. Ils avaient de la dinde et même des cuisses (et des œufs) d'autruche.
La vie à Timmins était simple : pas de TV ou de radio. A Noël, il y avait une émission produite par un Polonais et ils ont entendu les vœux de New York, d'un journaliste du nom de Ruggero Orlando. Ils chantaient beaucoup, "molto Allegria" (avec beaucoup de joie) et ils étaient jeunes.
Mon père a quitté Timmins en 1951 pour Toronto avec mon parrain, Columbo Fronduti. Mon père souffrait déjà d'asthme et ne pouvait plus travailler dans les mines. Plus tard, vers ses soixante-dix ans, il a développé un emphysème.
Giuseppe Picotti a quitté Timmins en 1961. Cela signifie qu'il a travaillé dans les mines pendant 21 ans.
Mon père a obtenu son premier emploi chez Pre-Con Murray ou il était responsable de la finition du ciment. Papa était maçon, mais il avait plein d'autres cordes à son arc. Il se débrouillait en plomberie, en charpenterie, etc. Les autres hommes de Gubbio ont aussi travaillé pour Pre-Con Murray and Associates. Sergio, Dante, Dario, Ottavio et Mario ont travaillé pour Pre-Con.
En 1966, Piccotti a vu mon père, Giuseppe Orsini, sur Queen St., alors que Piccotti attendait le tramway. Le travail était dur à trouver et Piccotti faisait du travail de Terrazzo, c'est-à-dire qu'il travaillait sur des chantiers de construction de routes. Papa lui a demandé "Parente dove vai?" Piccotti a répondu qu'il construisait des routes et mon père lui a dit "Santolo mio, cambia lavoro", c'est-à-dire qu’il lui a dit de changer de métier, qu’il n'y avait rien de pire.
En 1967, mon père se trouvait à la commission de l'indemnisation des accidentés du travail et il a rencontré Piccotti. Papa s'était cassé la jambe et était en convalescence. "Che fai que?", "Qu'est-ce que tu fais ici ?" et le dimanche suivant Piccotti est venu déjeuner chez nous.
En 1967 ma famille a déménagé du centre-ville (39 Humbert St. à Livingstone Ave.).
Mon père a travaillé dur et a pris sa retraite de Pre-Con Murray à 65 ans. Il était toujours en forme et très actif jusqu'à soixante-dix ans passés. Puis il a été atteint d'une forme de démence et est décédé en mai 1988 ; ma mère lui manquait aussi car elle était décédée en janvier 1987.
Argenide Monacelli Orsini
Ma mère est née le 14 avril 1921 à San Martino di Colle. C'était la troisième fille de Piero et Filomena Monacelli. Elle a grandi dans cette grande famille avec ses deux frères et ses deux sœurs. Tout se passait bien jusqu'à ce que la guerre éclate. Alors la vie est devenue plus difficile et ma mère se rappelle qu'elle ne pouvait plus aller aux fêtes pour danser. Mon oncle Abramo jouait du violon et parfois elle avait l'occasion de l'accompagner et de danser avec de jeunes gars.
Nous voici de retour en 1950, elle avait connu mon père toute sa vie et avait quelques réserves vus les tempéraments plutôt pittoresques de la famille, à commencer par ma grand-mère, Clorinda, qui ne détestait pas les potins. Elle s'arrêtait chez tout le monde et bavardait quand ils descendaient de la montagne pour aller à Gubbio. Mon grand-père, Ubaldo, n'avait pas très bon caractère et il était plutôt rude.
Puis, à 29 ans, maman a décidé d'épouser mon père, en espérant que cela serait pour le meilleur. Ils se sont mariés le 5 novembre 1950. Un tout petit peu plus tard, mon père est parti pour le Canada. Ma mère l'a rejoint en 1953 et elle a fait le voyage par bateau. En route, elle était accompagnée par une femme de Gubbio du nom de Virginia Bellucci.
Ma mère et Virginia avaient des billets de troisième classe pour Halifax et elles sont parties de Naples. Je me rappelle que ma mère m'a raconté des histoires incroyables. Elle que son éducation avait habituée à la propreté et à l'ordre a trouvé la vie loin de Gubbio plutôt choquante.
Ma mère est partie sur le Saturnia en janvier/février 1953. Elle avait une couchette de troisième classe dans le Saturnia et a n'a pas du tout apprécié d'être avec d'autres immigrants italiens qui mélangeaient leurs délicatesses (gâteaux - pan di Spagna) avec leurs peignes. Comme elle avait un intense mal de mer pendant le voyage, on l'a transférée vers une couchette de première classe sur le Saturnia.
Elle est arrivée à Halifax le 21 février 1953 au milieu de l'hiver et au cœur de la nuit. Je me rappelle qu'elle m'a dit qu'il faisait froid et sombre. Je crois qu'on l'a placée dans le train (avec sa compagne de voyage) et elle est arrivée à Toronto, où mon père l'attendait.
Ma mère a travaillé dans des ateliers clandestins à Spadina et dans une fabrique de pops où l'acide lui a ruiné les mains. Puis elle est tombée enceinte et je suis né le 22 mai 1954. Elle n'a plus retravaillé par la suite.
Mes parents habitaient au 534 Adelaide St. W. près de Bathurst St. jusqu'à ce que j'aie trois ou quatre ans. La maison n'existe plus. Il y a eu un feu quand j'avais deux ans et demi, d'ailleurs je m'en rappelle.
Mon frère est né le 22 juin 1955.
Après le feu, nous avons déménagé au 39 Humbert St. dans le quartier de Ossington et Queen. Cette maison existe toujours aujourd'hui.
Mes parents sont maintenant décédés et j'ai beaucoup de respect pour la valeur de leur dur travail et pour les sacrifices qu'ils ont volontairement consentis. Ils me rendent fier quand je vais à Gubbio ou à Toronto, quand les Paesani parlent avec affection de la grande beauté de ma mère et de l'amour qu'elle avait pour sa famille. Mon père a fait preuve d'une détermination admirable et a eu le courage de travailler à l'étranger, en France, au Luxembourg et en Allemagne, en particulier pendant la guerre.
Je lègue ce témoignage de courage et de sacrifices à mon fils et aux futures générations.
Fin
Vanda Orsini (fille)