Décider de partir – faire ses adieux
« Le 1er mai 1948, mon épouse, notre fille de 11 ans et moi sommes arrivés à Québec, au Canada. Nous avions décidé de quitter notre terre natale, les Pays-Bas, pour connaître une vie meilleure au Canada. Le travail était rare à cette époque, mais nous sommes néanmoins parvenus à économiser assez d’argent pour payer le voyage. On disait qu’émigrer équivalait à « s’enterrer vivant » car on croyait alors que vos amis et votre famille ne vous reverraient jamais. Bien que ce fût difficile, nous avons décidé de le faire en espérant une vie meilleure. » (Simon Grin, 1948)
« Même si à l’époque, je n’avais que quatre ans, je me rappelle clairement la caisse trônant dans la boîte d’un camion stationné devant notre maison, à Britsum, en Frise. Cette grosse caisse de bois fut rapidement remplie à ras bord de tous les articles domestiques possibles. On y trouvait notamment du mobilier de salon, une table, des fauteuils et un vaisselier; un lit; les bicyclettes de papa et maman; la porcelaine d’apparat de ma mère, le tout soigneusement emballé pour le transport; la plupart des outils de charpentier de mon père; ainsi qu’un curieux assortiment de bassines et d’outils de jardin, ces derniers ayant été désinfectés afin d’éviter toute contamination de maladies présentes dans le sol à partir du vieux pays vers le nouveau. » (Kenneth Robert Vandenberg, 1953)
« Vivre en Hollande après la Deuxième Guerre mondiale n’offrait pas des perspectives très reluisantes et beaucoup de gens commençaient à envisager d’émigrer. Plus tôt, dans les années 50, la sœur, et plus tard le frère d’un de mes amis avaient décidé de partir au Canada et se trouvaient maintenant au Manitoba. Puis, en 1954, mon ami décidait de partir lui aussi. Dans l’intervalle, en 1952, j’avais fait la connaissance d’Anny Rensen qui avait 15 ans à l’époque. J’en avais alors dix-huit. Après l’école secondaire en 1950, j’avais travaillé dans les bureaux d’une entreprise où l’on fabriquait des ustensiles de boulangerie et je ne pouvais envisager d’y passer mon avenir. Ainsi, après le départ de mon ami, je décidai de l’imiter. » (Frank Niesink, 1955)
« Je n’avais personnellement aucune idée de l’endroit où nous allions. J’avais fait mes adieux à mes amis et compagnons de classe et nous savions que nous partions pour toujours vers le Canada. Je ne savais rien du Canada. Mon père était le seul à pouvoir parler anglais. Il parlait aussi allemand et français… À ce moment là, je ne ressentais ni craintes, ni tremblements. Papa nous amenait au Canada et il devait avoir d’excellentes raisons pour cela. Il ne m’a jamais dit quelles étaient ses raisons. » (La famille Lindeijer, 1956)
« Après la guerre, beaucoup de gens commencèrent à quitter la Hollande pour diverses raisons. Les impôts étaient élevés, particulièrement pour les petites entreprises. Beaucoup de petits entrepreneurs commencèrent à partir parce qu’ils ne parvenaient pas à joindre les deux bouts. Il fallut un certain temps avant que nous commencions à en parler. Le frère d’Eppo, Auke, et sa femme, ainsi que Henk et Remmy Knol étaient partis au Canada. La Hollande ne semblait offrir aucune possibilité pour les enfants. L’emploi et l’éducation étaient très limités. Nous avons donc parlé de quitter la Hollande. Nous envisagions deux destinations : le Canada et l’Australie. Mon père était inquiet d’être très différent. Il avait rencontré beaucoup de Canadiens dans l’armée de libération et se sentait à l’aise avec eux. Il voulait aussi connaître la situation des églises; il n’aurait pas voulu nous expédier dans un désert de croyances. » (Eppo et Epke Eekes, 1952)
« Contrairement à beaucoup d’immigrants, mes parents ont décidé de venir au Canada non pour des raisons économiques, mais parce que mon père voulait être fermier, mais étant propriétaire d’une épicerie à Laren, en Gueldre, il n’aurait pu y réaliser son rêve. Il rêvait d’immigrer depuis la fin de la guerre, il désirait beaucoup aller aux États-Unis puisque plusieurs de ses parents d’une génération précédente s’étaient rendus dans la région de Denver en partant d’Ellis Island, mais il n’avait pas de parrain aux É. U. Il pensait aussi à la Nouvelle Zélande et à l’Australie, mais ma mère tenait mordicus à ne pas aller aussi loin, et le Canada semblait un bon compromis. Il fallut beaucoup de temps pour la persuader, elle qui était une personne urbaine qui avait travaillé toute sa vie dans le commerce et répugnait à l’idée de vivre sur une ferme. Mon père avait une sœur qui avait immigré environ deux années plus tôt dans le sud de l’Ontario, ainsi la destination choisie fut St.Thomas. » (Ina van der Veen, 1953)
« En raison d’une crise des liquidités, le gouvernement ne permettait pas d’acheter des devises étrangères (des dollars canadiens ou américains) pour les emporter hors du pays. On autorisait seulement 100 dollars par personne. On recommandait plutôt de convertir notre argent hollandais en biens durables à emporter avec nous, ce qui stimulerait l’économie locale. À cause de ce décret, la plupart des premiers immigrants emportaient avec eux ces énormes caisses remplies à éclater de toutes sortes de choses, certaines très utiles et d’autres peu adaptées à l’environnement canadien. Certains peu scrupuleux, conscients de cette réalité, harcelaient mes parents pour qu’ils achètent davantage de leurs produits et je ne serais pas surpris que l’un d’entre eux, un type qui débutait tout juste en affaires, ait été choisi comme fournisseur principal par mes parents ! Sept nouvelles bicyclettes flambant neuves, des vestes de cuir, des meubles et des tonnes de vêtements, tout ce que vous voulez, furent enfournés dans l’énorme caisse de 14 mètres cubes lorsque vinrent les déménageurs. On y trouvait aussi mon accordéon à 120 touches et son boîtier de bois fait sur mesure, ainsi que ma propre petite caissette de bois soigneusement rembourrée, abritant tous mes « trésors » personnels. » (Hugh Timmerman, 1950)
« Mes parents avaient 55 ans lorsqu’ils décidèrent de partir avec sept de leurs enfants, Sebastian, 22 ans, John, 21 ans, Ben, 19 ans, Jerry, 18 ans, Cathy (moi-même), 13 ans, Robert, 11 ans, et Greta, 9 ans, pour le Canada. Jean, 20 ans, demeurait en Hollande, elle nous rejoindrait un an plus tard, avec son nouveau copain. Une des premières choses que nous devions faire était de passer des examens physiques et psychologiques, de nous faire vacciner et de subir des rayons X. Ces formalités étaient accomplies par des médecins canadiens, à l’aide d’un interprète, car nous ne savions pas un mot d’anglais. Notre départ approchant, nous fîmes emballer nos meubles dans un vaste conteneur par des déménageurs. Et puis, ce fût le moment de faire mes adieux à mes amis et professeurs à l’école, à nos cousins et aux voisins. Ma vie était heureuse et j’avais beaucoup d’amis. J’étais une joyeuse jeune fille de 13 ans. Je trouvais bien difficile de laisser tout cela derrière moi pour partir vers un pays étranger. J’ai versé bien des larmes ce jour là. » (Cathy Bos, 1953)