L’année où près de 100 000 Irlandais ont navigué vers le Canada

32 paires de chaussures d’enfants, coulées en bronze, jalonnent un sentier de 165 km en Irlande, connu sous le nom de National Famine Way (le Chemin national de la famine). Traversant six comtés, il marque le chemin emprunté par Daniel Tighe, 12 ans, et 1 489 autres personnes, dont deux tiers étaient des enfants. Souffrant de la famine et en conflit avec leur propriétaire anglais, ils avaient été expulsés de leurs maisons. Accompagnés d’un huissier, ils marchaient vers Dublin et sont embarqués sur des bateaux bondés à destination du Québec. C’était en 1847.

Des statues en bronze de marcheurs émaciés sur un large trottoir de la ville, un personnage porte un corps sur ses épaules.
Famine, une sculpture de Rowan Gillespie située dans le centre-ville de Dublin, représente des personnes marchant vers le port pour être emportées par les bateaux.
Crédit : Utilisateur AlanMc sur en.wikipedia, Domaine public, par Wikimedia Commons

Un sombre anniversaire

Cette année marque le 175e anniversaire de l’arrivée de l’un des plus grands groupes de migrants de l’histoire du Canada. Un champignon avait ruiné la récolte de pommes de terre irlandaises. Pour échapper à la famine et à la maladie, 97 492 personnes se sont embarquées pour l’Amérique du Nord britannique en 1847.

Ces gens ont navigué sur des navires-cercueils

La situation désespérée à la maison a été remplacée par une situation encore plus désespérée à bord. Les navires, connus sous le nom de « navires-cercueils », étaient surpeuplés et insalubres, propices aux maladies, notamment au typhus. On estime qu’au moins un voyageur sur cinq est mort, soit à bord, soit de maladie après l’arrivée.

Les seuls survivants

La mère veuve de Daniel, trois de ses frères et sœurs et son oncle sont tous morts pendant le voyage. Daniel et sa sœur Catherine étaient seuls de leur famille à avoir survécu au voyage. En haute mer, les corps étaient inhumés en mer.

Des milliers de personnes dans les cimetières

Plus près du port, des cadavres sont restés à bord. Sur Grosse-Île, une île située à 46 km en aval du port de Québec et servant de station de quarantaine, un total de 2 200 cadavres ont été déchargés des navires pour être enterrés. Environ 3 200 autres personnes sont mortes sur l’île, principalement du typhus ou de malnutrition, et y ont été enterrées. 6 000 autres personnes sont mortes après leur arrivée à Montréal.

Une aquarelle avec un bâtiment blanc à droite, des canons et des bancs au premier plan, et des voiliers à trois mâts à l’arrière-plan.
Tableau montrant la vue depuis les quartiers des officiers à Grosse-Île, par Lord Henry Hugh Manvers Percy, vers 1839.
Crédit : Bibliothèque et Archives Canada, 1939-399-54

La population de Toronto a presque doublé

Les immigrants irlandais sont également arrivés dans d’autres régions du Canada. 18 000 Irlandais ont débarqué à Toronto. Bien que tous n’y soient pas restés, cela aurait temporairement presque doublé la population de la ville de 20 000 habitants.

Tension et hostilités

De nombreux immigrants se sont heurtés à l’hostilité, car le typhus a fait son apparition dans les villes canadiennes, la concurrence pour l’emploi a suscité le ressentiment des ouvriers locaux et les tensions protestantes-catholiques ont parfois éclaté au sein des communautés irlandaises, notamment à Saint John, au Nouveau-Brunswick, qui a connu plusieurs émeutes violentes.

L’influence irlandaise durable

Au Québec, comme beaucoup d’autres orphelins, Daniel et Catherine ont été adoptés par une famille québécoise. Leurs descendants vivent toujours au Québec.

Le recensement le plus récent indique que les Irlandais constituent le quatrième groupe ethnique du pays. Avec près de 4,6 millions de personnes revendiquant des origines irlandaises, la culture irlandaise a eu une grande influence sur les Québécois et sur la société canadienne.