« Je ne me considère pas comme un fabricant de paniers. »
Entretien avec l’artiste en résidence Virick Francis sur la création artistique, la recherche de solutions et ce que cela signifie, être accueilli par les Mi’kmaq.
Quand avez-vous commencé à faire de la vannerie?
Au début de mon adolescence, je faisais de grands paniers avec ma mère. Je n’ai jamais fait de paniers par moi-même avant d’avoir 17 ou 18 ans, quand je vivais dans le Maine. Les revenus étaient vraiment limités là-bas. Les seules options étaient de travailler pour les fermiers ou de faire des paniers, car le frêne noir est abondant partout dans le Maine.
L’année dernière, j’ai essayé de ramener du frêne à travers la frontière. Les restrictions sont particulièrement importantes à la frontière en raison de la présence de l’altise du frêne. Je leur ai dit que cet insecte ne sait pas où se trouve la frontière. J’adorerais qu’on puisse transporter ce bois du Maine jusqu’ici, parce qu’il fait partie de notre territoire naturel.
Pouvez-vous me parler de la tradition de la vannerie dans la culture mi’kmaq?
D’aussi loin que je me souvienne, dans les réserves ou dans les communautés mi’kmaq voisines, il y avait des gens qui fabriquaient des paniers pour ajouter à leurs revenus. La pauvreté était très répandue à cette époque. Alors les gens fabriquaient des paniers et allaient les vendre.
Quand j’étais enfant, ma grand-mère et ma mère prenaient une boîte de paniers et allaient les vendre à Margaree, à Arichat et dans tout le Cap-Breton.
En quoi votre travail est-il différent?
Je me disais que n’importe qui peut faire un grand panier. Alors j’ai commencé à en faire des petits. J’ai commencé à m’efforcer de les rendre de plus en plus petits. Je disais aux enfants que je passais les gros au four à micro-ondes pour les faire rétrécir.
Le plus petit que j’aie jamais fabriqué tient dans la tête de la reine Élisabeth sur une pièce de dix cents. Je peux faire un service de thé miniature de 2 pouces par 1 pouce. Un plateau avec des tasses et des soucoupes. En moyenne, je fais les petits paniers plus rapidement et plus facilement que les grands.
Aujourd’hui, je ne me considère pas comme un fabricant de paniers. C’est plutôt en tant qu’artiste que je penche pour cette solution. J’aimerais faire plus d’œuvres d’art ou quelque chose de différent chaque fois.
Pendant votre résidence, vous tisserez le cycle de vie du saumon. Pourquoi avez-vous choisi ce sujet et comment l’abordez-vous?
Le saumon est très important pour les Mi’kmaq. Je prévois de commencer par les œufs, puis les différents composants. L’œuf grandit, le poisson grandit, le smolt, à tous les niveaux, pour finir avec le saumon adulte.
Je veux peindre un côté et laisser l’autre côté naturel, tout en frêne. Je souhaite également incorporer de la gomme d’épicéa pour que tout soit naturel. Je veux incorporer une rivière et je pourrais même inclure d’autres espèces de poissons. Je pensais fabriquer des anguilles et des truites qui feraient partie du tout.
Travaillerez-vous à petite échelle?
Ce sera grandeur nature. Le saumon adulte mesurera entre deux et trois mètres.
Qu’allez-vous aussi faire lors de votre résidence?
Je vais donner des cours au Musée. Je me suis entretenu avec l’UINR (Unama’ki Institute of Natural Resources) au Cap-Breton. Nous réfléchissons à l’intégration d’une présentation visuelle avec un écran de télévision sur l’histoire des Mi’kmaq, le saumon, et à l’intégration d’lnuita’simk et de la vision à deux yeux.
Chez les Mi’kmaq, l’expression lnuita’simk signifie penser d’une manière différente : il y a plus d’une réponse à toute question. C’est ainsi que j’enseigne la vannerie et que je fabrique. Lorsque les gens me demandent si je peux faire des dessins, je leur réponds que je peux faire n’importe quoi, qu’il suffit d’y réfléchir et de trouver une solution.
C’est ainsi que j’aborde la vannerie, l’enseignement et tout le reste : il y a toujours une solution.
Votre résidence s’étend sur la période où les Jeux autochtones d’Amérique du Nord se déroulent ici à Kjipuktuk (Halifax), mais aussi dans d’autres lieux de Mi’kmaki. Quel sens en retirez-vous?
Le comité m’a demandé de fournir des paniers en guise de cadeaux; j’essaie donc de les terminer en ce moment. Je pense que plus de cent mille personnes visiteront Halifax pendant l’été. Ce sera le moment idéal pour faire connaître les Mi’kmaq, qui nous sommes et ce que nous défendons en termes de conservation, plutôt que de simples gains monétaires. C’est une source de nourriture pour nous. Et dans le cadre du traité de 1752, le droit de chasser, de faire du commerce et de pêcher nous est également accordé comme source de revenus.
Le thème des jeux, « Pjila’si », se traduit généralement par « Bienvenue ». Mais que signifie ce mot pour vous?
Quand j’étais enfant, quand quelqu’un venait nous rendre visite, ma grand-mère disait toujours : « Pjila’si. » Nous, les enfants, devions sortir de la pièce et faire de la place pour que cette personne puisse entrer et s’asseoir. À l’époque, les visiteurs étaient rois. C’était la personne est la plus importante chez nous à ce moment-là. Si vous saluez quelqu’un par « pjila’si », c’est comme lui dire : « Tu es sur le piédestal. »
Alors c’est une façon de décrire le traitement des invités?
Ils doivent être traités avec le plus grand respect et la plus grande hospitalité. Tous leurs besoins doivent être satisfaits, afin de montrer ce que l’on ressent lorsqu’on est accueilli par des Mi’kmaq.
Y a-t-il autre chose dont vous aimeriez parler?
Je suis vraiment reconnaissant et heureux d’avoir été choisi; ce sera l’occasion de montrer mon travail et de le partager. Je ferai beaucoup d’essais et d’erreurs. Je veux m’assurer que la pièce sera parfaite.
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