Mur d'honneur de Sobey
Colonne
43
Rangée
18
Treur Case, Wilma, Sid C.
Le voyage jusqu’au Pays de Cocagne
Souvenirs de Simon (Sid) C. Treur
Je suis arrivé au Canada à l’âge de 8 ans et 9 mois avec mes parents après qu’on est partis de La Hague aux Pays-Bas. Mes parents s’appelaient Cornelis (CASE) S. Treur, 34 ans et ma mère Myntje (WILMA) W. Treur-Salij, 35 ans.
Nous sommes partis de Hoek van Holland jusqu’à Londres en traversier le 1er mars 1951. Quand nous sommes arrivés à Londres, nous sommes restés une nuit dans un hôtel londonien. Là, mes parents ont regardé la télévision pour la première fois dans le hall de l’hôtel avec une vraie émission sur l’écran. Ils étaient émerveillés quand ils m’ont raconté ça. Le lendemain, nous sommes partis en train pour aller à Liverpool en direction de notre nouveau pays. Un grand et vaste pays qui nous était représenté par le biais d’affiches et d’images aux Pays-Bas. Le Canada : le pays d’opportunités et de défis.
Nous sommes arrivés à Liverpool et nous sommes montés à bord du navire R. M. S. FRANCONIA, à destination du Canada et du port de Halifax en Nouvelle-Écosse. Mes parents m’ont dit que le montant total des fonds canadiens qu’on avait le droit d’apporter de Hollande était de 164.00 $. Nos affaires personnelles venaient en caisses de Hollande et étaient envoyées séparément dans un cargo, dans une grande boîte en bois jusqu’à notre destination finale au Canada. Le premier arrêt de ce voyage était à Cobh, en Irlande. Cet arrêt était pour prendre des passagers supplémentaires à bord du navire par appel d’offres. Le port ne pouvait pas accueillir un amarrage régulier pour le mouillage. Nous avons ensuite commencé à traverser l’océan Atlantique, ce vaste corps de mer pour arriver à Halifax le 11 mars 1951.
Notre traversée était mouvementée car nous avons rencontré d’autres immigrants hollandais ainsi que des immigrants anglais, écossais et irlandais et des passagers de croisière réguliers. Ce navire n’était pas un navire qui transportait des immigrants comme beaucoup le faisaient à l’époque, il était doté de logements qui ressemblaient à des casernes. Ma maîtrise de l’anglais était pratiquement nulle et mes parents avaient pris des leçons d’anglais quelques mois avant notre départ. Cela leur a permis de se lancer et de se faire comprendre. Ils avaient recours à des moyens visuels présentant des bribes de traduction ou des traductions littérales du hollandais à l’anglais. Cette méthode changeait parfois la signification et je donnerais, comme exemple, le fait de demander un tuyau d’arrosage pour laver un camion. Le mot « hose » (tuyau d’arrosage) a été traduit par « serpent » et nous avons demandé un « serpent » à notre parrain pour laver le camion à la main.
À bord du navire, nous avons eu quelques jours de mauvais temps et les divers remèdes contre le mal de mer visaient à guérir le mal des transports. Nous avions des divertissements à bord car c’était un paquebot de croisière improvisé et non pas un cargo pour les troupes qui aurait été transformé pour transporter des immigrants. Mon père a immigré avec son frère et sa famille William (Willem) Treur, son épouse Mary (Rie) et leur fille Margaret (Greetje). Nous étions tous passionnés de musique, surtout William. Il jouait de plusieurs instruments et je jouais un peu d’accordéon avec ma cousine Margaret. Quelques fois, nous avons diverti tout le monde à bord et oncle William, lui, tard la nuit. Les passagers passaient avec un chapeau, ramassaient de l’argent et lui donnaient la somme amassée.
Nous sommes enfin arrivés à Halifax, notre pays et notre avenir, surtout pour nous les enfants. Mes parents n’avaient pas la moindre idée de ce qui les attendait. Nous nous sommes officiellement enregistrés au Quai 21 et des tampons ont été ajoutés sur le passeport de ma mère. C’est bien dommage que ce passeport n’ait pas été conservé ou qu’il ait dû être renvoyé pour être renouvelé. Maintenant pour obtenir une preuve d’entrée, je dois retourner pour que ce soit confirmé dans les registres d’Immigration Canada afin d’obtenir ma Pension de la Sécurité de la Vieillesse avant mes 65 ans. On nous a ensuite dirigés vers un train qui devait nous emmener à notre destination finale et à notre parrain. Notre destination était la ville de Toronto en Ontario et notre parrain était La pépinière Robert Lantz, située au 3000, rue Bathurst. La pépinière parrainait les deux familles.
Mes parents ont rempli leurs obligations vis-à-vis du parrainage mais bientôt, afin d’arrondir leurs fins de mois, ils faisaient, la nuit, des travaux à temps partiel : tondre les pelouses et autres emplois divers et variés. À la pépinière, le salaire était de 30.00 $ par semaine. Ma mère faisait des tâches ménagères et nettoyait les bureaux en plus des tâches domestiques quotidiennes qu’elle faisait pour la famille. Le premier appartement que nous avons loué était à l’est, en face du 3000, rue Bathurst. Il se trouvait au-dessus d’un magasin occupé par la compagnie B. J. Bielesch & Company, spécialisée en plomberie, chauffage, et équipement de chauffage, appareils électriques, radios. J’ai tiré cette information d’une photographie, que j’ai pu lire à l’aide d’une loupe. Peu de temps après, mes parents ont déménagé et ils ont loué le dernier étage d’une nouvelle maison située sur Covington Ave., près de Lawrence Ave. et de la rue Bathurst. Après ça, ils ont loué toute une maison sur Fairholme Ave.
D’après mes souvenirs, notre maison sur Fairholme était un lieu d’accueil de nombreux immigrants au Canada. Je me souviens que les premières nouvelles arrivées étaient de cousins et neveux des familles de mes parents, des enfants d’oncles et de tantes de mon père. Ils sont devenus notre famille étendue puisque plus de familles et d’amis d’amis ont immigré pendant tout le début des années 50. Beaucoup sont restés comme pensionnaires et ont commencé à faire n’importe quel travail, histoire de s’installer et de s’établir un revenu. Tous les nouveaux arrivants voulaient s’installer et partir à la recherche d’un avenir prometteur. La plupart ont réussi. La plupart ont travaillé dans les domaines du jardinage et des pépinières. Mon père a fait en sorte de créer ces postes car il était maintenant employé des Pépinières Sheridan Nurseries Ltd. en paysagerie. Beaucoup de nouveaux immigrants étaient recrutés de nombreuses contrées, mais principalement des Pays-Bas. Certains venaient d’Estonie et étaient maçons spécialisés en revêtement, en dalles de murs et allées dans l’aménagement paysager de bien des maisons et de bâtiments commerciaux. L’un des projets de mon père était d’aménager l’usine de la compagnie Ford Motor le long de l’autoroute Queen Elizabeth ; un autre était le Eaton Estate dans la région de Caledonia Hills au nord ouest de Toronto.
Les hivers rudes ont eu un impact négatif sur ceux qui travaillaient en plein air et beaucoup d’employés ont été licenciés pendant les hivers. Ils ont décroché des emplois dans des usines et certains conduisaient et livraient du fuel pour le chauffage dans la région de Toronto et en banlieue.
Ma mère avait quatre sœurs et deux frères. L’une de ses sœurs, Corrie VanDolder-Salij, a immigré au Canada en 1952 et un de ses frères, Joop (John) Salij en 1956. Les parents de mon père ont aussi immigré en 1952 mais n’ont pas réussi à s’habituer à l’environnement et surtout à la langue. Ils sont repartis aux Pays-Bas après avoir passé un an seulement au Canada.
À notre arrivée à Toronto, j’ai été inscrit dans le système scolaire public local et placé en première année car je ne parlais pas la langue. On n’enseignait pas l’anglais langue seconde à l’époque. Aux Pays-Bas, j’étais en troisième année, alors c’était un choc pour moi de m’asseoir en classe avec des enfants de 5 ou 6 ans. J’ai assimilé la langue assez vite pour faire des activités que font les élèves de troisième année. Pour les bases comme l’arithmétique, j’étais en avance. L’année suivante, j’avais atteint le niveau de mon âge. J’ai été très chanceux d’aller à l’école et après, à l’école secondaire de Bathurst Heights, j’ai étudié le traitement de données électroniques, qui était une nouvelle technologie. À l’époque, c’était les tabulatrices et d’énormes systèmes informatiques qui prenaient beaucoup de place au mètre carré. Il n’y a pas de comparaison à faire entre l’équipement d’aujourd’hui, tel que les ordinateurs personnels et de bureau, et l’équipement de l’époque. L’équipement à vitesse astronomique et les systèmes de stockage en milliards de bites. Il est difficile de comprendre comment les matériels et les logiciels créés ces 50 dernières années pouvaient être sophistiqués comparés à maintenant. Je me sens aujourd’hui comme un dinosaure. J’ai passé un certain nombre d’années aux États-Unis car à l’époque les opportunités de carrière se limitaient à quelques grandes organisations. Après avoir acquis assez d’expérience, je suis retourné au Canada, plus précisément sur la côte ouest de la Colombie-Britannique. J’ai été employé quelque temps. Peu après en 1970, j’ai créé ma propre compagnie. Je travaille toujours aujourd’hui et j’habite à Vancouver. La compagnie offre des services reliés au traitement de données et à la communication mercatique. Nous utilisons divers ordinateurs, imprimantes laser, des machines à encre et autres équipements pour maintenir les différents services offerts.
Mon père est décédé en 1999. Ma mère, Wilma est morte paisiblement pendant sa sieste le 27 juin 2007.