Philippe et Barbara Grignon

Mur d'honneur de Sobey

Colonne
24

Rangée
10

First Line Inscription

Philippe and Barbara Grignon

1 juillet 2002

Cette histoire vraie est dédiée à notre petite-fille Jennifer qui m’a encouragé à écrire, ainsi qu’à son Osmondo qui m’a offert en cadeau le stylo que j’ai utilisé pour en écrire la version originale.

Je m’appelle Philippe Paul Grignon. Je suis né le 20 janvier 1920 dans le village québécois de Ste Agathe-des-Monts.

En 1941, j’ai rejoint les Forces aériennes canadiennes (RCA). Après le dépôt des effectifs à la ville de Québec, l’école de télétransmission à Montréal et la formation en artillerie à Mont-Joli, j’ai reçu mon badge W.A.G. (Wireless operator and Air gunner – opérateur de télétransmission et artilleur aérien). Je suis arrivé à Halifax en Nouvelle-Écosse en mars 1942.

Quand nous avons mis les voiles pour l’Angleterre, il y avait encore de la neige et le paysage semblait fatigué et morne. Nous faisions partie d’un grand convoi et nous avons mis douze jours pour la traversée, en évitant les sous-marins allemands. Le navire polonais M/S Batory dans lequel se trouvait notre groupe a été détruit par la suite.

Nous avons débarqué sous une pluie battante à Greenoch en Écosse et sommes montés à bord d’un train. Notre avant-goût de l’Angleterre en guerre a été un long voyage de nuit avec tous les rideaux fermés tel que dicté par les règles du couvre-feu. Pour toute nourriture, nous avons eu une tasse de « Cha et un Wad » (du thé et un petit pain en anglais canadien). On a marché jusqu’à Bournemouth, une petite ville balnéaire située dans le sud de l’Angleterre. Les haies et les jardins étaient en fleurs et je pensais être au paradis !

L’effet « paradis » s’est vite dissipé quelques jours plus tard quand un avion allemand M.E.109 a bombardé notre hôtel, la bombe nous a épargnés mais a tué un couple de personnes âgées assis dans le jardin d’à côté.

À la même période, l’hôtel où étaient logés nos officiers, a été littéralement coupé en deux et il y eu plusieurs victimes. Bienvenue à la guerre !

Mon premier vol opérationnel avec un équipage canadien a été un vol de sauvetage en mer au-dessus de la mer du Nord dans un avion Anson. Une fois, nous avons dû localiser un petit bateau dans lequel il y avait des Norvégiens qui essayaient de fuir l’invasion nazie de leur pays. Nous les avons retrouvés et étions tellement contents que nous en avons oublié de passer au réservoir auxiliaire et les avons presque rejoints dans l’eau. Nous nous en sommes sortis juste quelques pieds au-dessus de l’eau, avons transmis leur position par radio, ils ont reçu l’aide d’une escorte et s’en sont sortis sains et saufs.

Ma promotion au rang d’officier est arrivée et j’ai été envoyé à l’Ile Thorney dans un appareil Liberator reconverti à quatre moteurs qui servait avec le Royal Air Force Coastal Command (Commandement de la Royal Air Force chargé de la protection des côtes du Royaume-Uni).

Au moment où l’équipage se préparait pour son premier vol « opérationnel », j’ai été convoqué au bureau de l’adjudant. Il m’a informé que j’étais transféré sur le champ auprès de l’équipage du commandant d’aviation Bulloch à St Eval en Cornouailles. J’ai protesté mais on m’a précisé que le commandant d’aviation Bulloch avait besoin d’un bon opérateur radar et comme j’avais réussi haut la main les examens de cette catégorie, j’ai été choisi.

Comme je l’ai découvert plus tard, le commandant d’aviation Bulloch était un As de l’aviation militaire lors de la Bataille de l’Atlantique et l’expression était « ce que Bulloch veut, Bulloch l’obtient ». Deux semaines plus tard, je suis retourné à mon ancienne base pour chercher des effets personnels que j’avais laissés derrière moi lors de mon départ précipité. On m’a alors informé que tous les membres de mon ancien équipage avaient été tués dans un accident d’avion lors duquel toutes les grenades anti sous-marine avaient explosé. Ainsi vont les destins pendant la guerre.

Je suis honoré d’avoir été au service de ce destroyer, décoré maintes fois pour sa chasse aux U-Boote. Après que j’ai rejoint l’équipage, nous avons connu une longue période de calme, ce qui était frustrant pour nous tous. Ça m’amusait de croire que la raison était que la marine allemande avait préféré annuler ses opérations dans notre secteur quand elle avait entendu dire que Phil Grignon était au radar !

Pendant l’automne 1944, la R.C.A.F. (Royal Canadian Air Force – Aviation royale canadienne ARC) m’a informé que mon « tour » était fini. Je suis devenu un instructeur de radar de vol en Irlande. D’une certaine façon, voler avec de jeunes équipages formés sous le soleil du Texas ou des plates Prairies était plus pénible que les opérations durant la guerre. J’ai survécu à un écrasement mineur et j’ai développé une bronchite bien commode. Lors du vol suivant de cet équipage, le pilote a fait décrocher l’avion à environ 60 pieds hors de la piste et a envoyé trois personnes à l’hôpital. Il a été retiré de l’entrainement au vol.

En 1942, alors que j’étais en permission à Londres, j’ai rencontré une jeune fille du Yorkshire, Barbara Tomlinson, nulle part ailleurs que dans une salle de jeux. C’était un penny bien dépensé. Nous nous sommes mariés à l’église de St John à Wembley le 29 mai 1944.

J’ai été rapatrié en février 1945 et pour une fois, nous étions avec des femmes et des enfants à bord du même navire. Les hommes étaient dans une zone, les femmes et les enfants dans une autre. On avait l’autorisation de prendre nos repas ensemble, pour ceux qui n’étaient pas trop malades pour manger ! La traversée a été très agitée. On était sur le Aquitania, le dernier des paquebots à quatre cheminées. Il y avait des pamplemousses et du pain blanc, ce qu’on n’avait pas vu depuis des années.

Puis ce fut le tour des différents voyages en train vers divers endroits. Aller-retour, nous sommes passés par le Quai 21 à Halifax. C’est aujourd’hui un musée en l’honneur des milliers de personnel militaire et d’immigrants qui y sont passés.

Nous aimerions y aller en personne cette année, si la santé et les finances le permettent.

Phillippe et Barbara Grignon

PS : nous nous sommes installés à Toronto en Ontario. Nous avons aujourd’hui deux enfants, sept petits-enfants et un arrière petit-enfant. Nous espérons qu’ils apprécieront tous de lire cette histoire.