Mur d'honneur de Sobey
Colonne
12
Rangée
12
William Stoffer-Eilkes Family
Notre voyage vers le Canada a commencé par un rêve d’opportunités et de grands espaces pour élever une famille nombreuse. L’idée d’émigrer vers un nouveau pays était à la fois enthousiasmante et effrayante ; elle a aussi engendré beaucoup de travail.
Nous avions à l’époque six enfants qui ont tous été hébergés chez des membres de notre famille pendant les deux mois qui étaient nécessaires à la préparation de notre émigration. Nous avons emballé nos meubles dans une grande caisse en bois sous la surveillance des agents de l’immigration. Il fallait que la caisse soit pleine pour que son contenu ne bouge pas, et les agents ont coupé notre canapé en deux pour pouvoir bien serrer le paquetage! Avant de partir, nous avons tous dû faire un voyage à La Haye pour des visites médicales et des vaccins.
Nous avons passé notre dernière semaine aux Pays-Bas dans la maison de mes parents, et tous les enfants ont dormi par terre. Le matin du 21 septembre 1956, un bus est venu nous chercher. Tous les voisins sont sortis dans la rue pour nous dire au revoir. Alors que nous partions vers notre nouvelle vie, ils agitaient leurs mouchoirs et versaient des larmes.
Nous sommes arrivés à Rotterdam dans un bus rempli de personnes décidées à émigrer. Avant de nous autoriser à embarquer, on nous a fait faire la queue. Des médecins nous ont rapidement examinés et nos semelles ont été frottées avec un produit désinfectant. L’objectif était de prévenir la propagation vers l’étranger d’une épidémie d’une terrible maladie qui touchait les vaches.
Une fois à bord, certains des migrants ont été placés dans de grandes salles communes pour dormir. Nous avons eu la chance d’avoir une cabine avec trois lits superposés et un lit pour bébé. Notre premier repas sur le navire a été merveilleux, mais nous avons presque tous eu le mal de mer pendant la nuit. Seul l’aîné et le cadet des enfants ont été épargnés.
La traversée a été parsemée d’incidents, comme on peut l’imaginer avec six enfants. Par exemple, nous avions des jumeaux de quatre ans qui se sont coincés dans les barrières du navire. Après quelques incidents effrayants, une crèche a finalement été ouverte. Nous avons évidemment aussi été confrontés à des maladies. Une de nos filles a dû être envoyée à l’infirmerie du navire tandis qu’une autre a dû prendre des médicaments. Nous avons aussi subi des tempêtes. Une nuit, je dormais sur le lit du haut et je me suis réveillée trempée d’eau de mer. Il y avait une fuite sur le hublot. Nous devions faire des exercices d’évacuation, mettre nos gilets de sauvetage et regrouper toute la famille en un point donné. Il n’était pas non plus facile d’avoir un bébé de six mois. J’avais emporté quarante couches toutes neuves qui ont toutes été perdues par le service de laverie et remplacées par de vieux chiffons. À bord, comme activités, il y avait les messes dominicales, les films, les jeux, les séances de sport et la lecture d’histoires. La traversée a duré cinq jours.
Lorsque nous avons vu pour la première fois la terre et les lumières de la ville, un sentiment d’enthousiasme a parcouru tous les voyageurs et les a guéris du mal de mer. Nous sommes restés deux heures au port avant de pouvoir débarquer. Nous avons touché terre sur le Quai 21 à Halifax. Nous sommes ensuite entrés dans une grande salle où nous avons été accueillis par des volontaires de la Croix-Rouge, des fonctionnaires canadiens et des représentants des Pays-Bas. Nous avons reçu des échantillons de produits divers comme du café et du thé. Des jouets ont été donnés aux enfants tandis que les bébés ont reçu du Pablum et ont ensuite été pesés et examinés. Chaque famille a eu droit à cinquante dollars et les hommes ont tous été emmenés vers des épiceries pour acheter à manger. Nous étions alors prêts pour démarrer l’étape suivante de notre voyage.
Nous avons fait le reste du voyage en train. À Halifax, les autorités nous ont escortés vers un train à quai qui allait nous emmener jusqu’à Montréal. Ce train était très vieux et avait des bancs en bois, ce qui n’a plu à personne. Cependant, le train suivant était plus moderne et le reste de notre voyage à travers le Canada a été magnifique. Nous avons eu l’occasion de voir à quel point notre nouveau pays était grand. Le seul inconvénient était que pour dormir, nous n’avions que des couvertures étalées sur des valises posées entre les sièges. Le train avait beaucoup d’arrêts dans de petites villes où nous pouvions acheter de la nourriture. Le 1er octobre 1956, après cinq jours de voyage en train, nous avons fini par arriver à Vancouver.
Nous avons été accueillis à Vancouver par des membres de l’Église protestante Bethel. Notre famille comportait en tout six personnes. Nous avons tous été emmenés vers une Maison de l’immigration située sur Water Street, dans laquelle un appartement a été attribué à chaque famille. M. Laninga, le représentant néerlandais, a accompagné tous les hommes qui partaient chercher un travail. Tous les enfants ont été admis dans une école néerlandaise privée pour y apprendre l’anglais. Une semaine après notre arrivée à Vancouver, nous étions installés dans notre premier foyer dans un quartier de New Westminster appelé Mailardville.
De 1956 jusqu’à aujourd’hui, il fait bon vivre au Canada. Nous avons élevé huit enfants. Mon mari a travaillé dans un bureau de poste et j’ai quant à moi été infirmière. Nous avons également ouvert un foyer de groupe et pendant vingt ans, nous avons hébergé des enfants placés en famille d’accueil. Nos enfants sont tous devenus des citoyens adultes heureux, sains et respectables. L’un d’entre eux est entré au Parlement, un autre tient un foyer de groupe, l’aîné est sur le point de prendre sa retraite après avoir travaillé dans l’industrie, et ainsi de suite. Nous avons maintenant vingt-deux petits-enfants et huit arrière-petits-enfants... La vie est belle ! Il faudrait un livre entier pour raconter notre vie au Canada, mais j’espère que c’est un bon début.