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Mon histoire - Hilda MacDonald
Je m’appelle Hilda MacDonald. Je suis née en 1925 à Beilen, dans la province de Drenthe, au nord-est de la Hollande, aujourd’hui appelée les Pays-Bas. Mes parents, Roelof Bolding et Aafje Bolding (née Meinen), m’ont donné le nom de Hillegonda Albertha Bolding. Je suis également leur fille aînée et la sœur de Diny et d’Arnold. Nous vivions dans une petite ferme rurale en périphérie d’Assen, la capitale de la Drenthe.
Je suis une fière épouse de guerre néerlandaise venue au Canada en passant par le Quai 21, à Halifax. Je suis partie de South Hampton, en Angleterre, à bord de l’Aquitania. Je suis arrivée le 22 juillet 1946 après un voyage de cinq jours en mer.
Voici mon histoire.
Le 10 mai 1940, la Seconde Guerre mondiale a cogné à notre porte lorsque les forces allemandes ont envahi ma ville et ensuite rapidement écrasé les forces néerlandaises. J’avais 14 ans quand l’occupation allemande de la Hollande a commencé. Cette situation a perduré pendant 5 ans. Ce fut une expérience effrayante, surtout au début. Nous avons dû respecter des couvre-feux et, parmi de nombreuses nouvelles réglementations, nous avions l’ordre strict de garder la maison dans l’obscurité. Nous devions avoir nos passeports en tout temps. Les soldats allemands étaient une menace constante. Ma vie sociale, ainsi que celle de nombreux autres enfants et adolescents, est donc devenue très limitée. À cette époque, survivre était plus important que tout.
Par chance, je m’intéressais à l’art, tout particulièrement au dessin. C’était pour moi une distraction agréable des activités du temps de la guerre auxquelles nous étions tous confrontés. J’ai conservé certaines de mes premières esquisses et je les ai apportées au Canada. Elles faisaient partie de mes quelques objets de valeur. Plus tard, au cours de ma vie, je me suis beaucoup intéressée au jardinage, à la couture, au tricot et à la dentelle à l’aiguille. Je suis certaine que certaines de ces créations se retrouvent dans les maisons de mes enfants et d’autres personnes, d’un océan à l’autre.
Comme nous vivions dans une ferme, nous avions la chance d’avoir accès à de la nourriture et à d’autres produits de première nécessité. Ces produits se sont cependant rapidement faits rares, car l’armée allemande a commencé à prendre notre bétail pour son propre effort de guerre. De plus, mon père est mort jeune, à l’âge de 49 ans. Il est décédé d’une pneumonie en raison d’un manque de soins médicaux et du fait qu’il n’était pas possible d’obtenir d’antibiotiques à cause des Allemands. Le peuple néerlandais était affamé, tout particulièrement pendant le rude hiver de 1944-1945, connu sous le nom de « l’hiver de la faim ». J’ai également été témoin de la détresse des juifs de notre communauté, qui ont tout simplement disparu du jour au lendemain. Nous vivions chaque jour dans une peur constante.
Le 13 avril 1945, les forces armées canadiennes sont cependant entrées dans notre pays et dans notre ville dans le cadre de la réponse alliée. C’est ce qui a conduit à la reddition des forces allemandes le 5 mai 1945. Peu après notre libération, j’ai rencontré mon futur mari, le soldat canadien Bruce MacDonald, qui servait dans le Corps royal de l’intendance de l’Armée canadienne. Nous nous sommes rencontrés lors de l’une des nombreuses célébrations données en l’honneur des soldats canadiens. En fait, nous nous sommes rencontrés le jour même de notre libération et nous nous sommes mariés en décembre 1945. Entre temps, j’ai travaillé sur place dans un environnement d’affaires, puisque je détenais une formation officielle en secrétariat.
Vers la fin du mois de décembre 1945, peu après notre mariage, mon nouveau mari, Bruce, est reparti avec sa troupe vers le Canada. J’ai dû attendre jusqu’au 19 juillet 1946 pour quitter la Hollande. Je n’oublierai jamais l’état du pays quand je l’ai quitté. Les terres étaient épuisées, les bâtiments aplatis et les ravages de la guerre se voyaient un peu partout. C’était très triste. J’avais très hâte d’arriver dans mon nouveau chez-moi, au Canada, un endroit plein de vie, d’espoir et d’opportunités.
J’ai d’abord pris le traversier pour me rendre jusqu’à Harwich Port, en Angleterre, puis je suis restée à Londres pendant trois jours. D’autres épouses de guerre provenant de la Belgique, de la Hollande et de l’Angleterre commençaient à se rassembler en prévision de leur départ pour le Canada.
Les autres épouses de guerre et moi-même sommes parties de South Hampton, en Angleterre, le 22 juillet 1946. C’était le début de notre traversée de l’Atlantique. Nous étions dans la partie supérieure du navire et certains soldats canadiens qui rentraient chez eux étaient relégués au pont inférieur.
Le navire a pris cinq jours pour traverser l’Atlantique et est arrivé au Quai 21 d’Halifax le 27 juillet 1946. Bruce est venu m’accueillir au Quai 21 et, comme la guerre m’avait laissée avec presque rien, nous sommes immédiatement allés m’acheter des vêtements.
Finalement, nous avons pris le train pour nous rendre d’Halifax à Point Tupper. Comme il n’y avait pas encore de pont-jetée reliant la Nouvelle-Écosse continentale à l’île du Cap-Breton, nous avons pris le transbordeur ferroviaire Scotia II pour traverser le détroit et nous rendre jusqu’à Point Tupper. Nous avons ensuite roulé un court moment jusqu’à Port Hawkesbury, qui allait devenir mon nouveau chez-moi.
Bruce était issu d’une famille nombreuse de Port Hawkesbury et un emploi aux Chemins de fer nationaux du Canada (le CN) l’attendait à son retour de la guerre. Nous habitions avec la mère de Bruce, alors veuve, Mary Florence MacDonald (née Jamieson). Elle avait été mariée à Duncan Andrew MacDonald, originaire d’Arisaig, dans le comté d’Antigonish, en N.-É. Nous avons par la suite construit notre propre grande maison à deux étages afin d’y accueillir notre famille grandissante. Je vis toujours dans cette maison, bien que mon mari soit décédé en 1993.
Nous avons eu dix enfants, sept filles (Dini, Winnie, Veronica, Annette, Marina, Heather et Corinne) et trois garçons (Bruce, Arnold et Ken), et nous sommes restés à Port Hawkesbury toute notre vie. J’ai fait de nombreux sacrifices en quittant ma famille et mon pays d’origine, mais j’ai également profité de nombreuses opportunités ici, au Canada. J’ai été entourée d’une famille nombreuse et aimante. J’ai eu beaucoup de chance.
J’ai toujours fermement cru à l’indépendance et à l’autonomie. Je suis certaine que ce que j’ai vécu pendant la guerre a influencé ma vision des choses en la matière. Ma plus grande fierté est que tous mes enfants ont fait des études postsecondaires et sont devenus des professionnels à part entière, indépendants et forts. Mes enfants ont adopté mes valeurs et celles de leur père. On peut le voir en regardant les belles familles qu’ils ont tous et toutes élevées, et dont je suis extrêmement fière. À ce jour, j’ai 19 petits-enfants et 28 arrière-petits-enfants, et cet été, je fêterai mon 95e anniversaire. Malheureusement, au moment où j’écris cette note, le monde est au milieu d’une pandémie connue sous le nom de COVID-19. J’espérais que ma famille viendrait me visiter en août 2020 pour célébrer mon anniversaire, mais les restrictions imposées par le gouvernement, visant à assurer la sécurité de tous feront en sorte que cette réunion n’aura pas lieu. D’une certaine manière, ces restrictions me rappellent celles que nous avons connues pendant la guerre... Heureusement, nous avons encore la liberté et j’en suis à jamais reconnaissante.
Enfin, j’espère que mon histoire saura informer d’autres personnes en dehors de ma propre famille. J’ai fait partie des personnes chanceuses qui ont survécu à la guerre et qui sont passées à une vie meilleure. Je pense qu’il est important que mon histoire et d’autres histoires du genre soient racontées. Je suis aussi heureuse de savoir qu’elle sera partagée au Quai 21 pour les générations à venir.