Alois Wilhelm Escher

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Alois Wilhelm Escher

Une aventure passionnante dans un nouveau pays

C’est l’histoire d’un homme têtu et ambitieux qui a réussi contre toute attente. Un homme qui avait un rêve, un homme qui pouvait voir une nouvelle vie, le bonheur et un lieu de respect en l’Amérique dont son frère aîné Theodor lui avait parlé et qui l’avait précédé en immigrant aux États-Unis. C’est l’histoire de Aloys (anglicisé Alois) Wilhelm Escher, né le 13 mars 1906 au 26 Kampstrasse, Gladbeck, Westfallen en Allemagne. Cette maison existe toujours : ma sœur et moi y sommes allées et nous l’avons vue.

Al, c’est ainsi qu’il se faisait appelé plus tard aux États-Unis, a travaillé dès l’âge de 12 ans pour aider sa famille. Il conduisait un chariot de livraison en bois pour le lait, tiré par un cheval aveugle. Il a contribué à la restauration du château Wittringen, il aidait les fermiers locaux pendant la moisson et était aussi mineur. Avec son maigre salaire, il réussissait même à acheter de la gomme à mâcher et des cigarettes pour les prisonniers de la Première Guerre Mondiale internés dans un camp de prisonniers de guerre où il passait chaque jour quand il allait travailler à la mine. Des années plus tard, Al a raconté à sa famille en Amérique que le camp de prisonniers de guerre était sa première rencontre avec des citoyens des États-Unis et même s’il ne pouvait ni parler ni comprendre l’anglais, il était intrigué par ces hommes et leur sourires reconnaissants. Les poignées de mains à travers le grillage du camp ont attisé un goût de l’aventure dans son jeune esprit.

Petit à petit avec l’âge, Al a réussi à économiser assez d’argent pour payer son ultime voyage pour les États-Unis. D’ailleurs, le voyage en train de Gladbeck à Bremen (le port) et le coût du voyage jusqu’en Amérique était de 115.00 $ pour les passagers en troisième classe, 10.00 $ pour son visa, 8.00 $ d’impôt de capitation américain et 30.70 $ pour le trajet de New York (Ellis Island) à Chicago, Illinois, ce qui faisait un total de 163.70 $, une somme considérable pour l’époque.

Il était capital de trouver un parrainage aux États-Unis. Comme le frère d’Al, Theodor, n’était pas encore devenu citoyen de son nouveau pays d’adoption et que, par conséquent, il ne pouvait pas le parrainer, un cousin, Herman (Babe) Weinauer, a accepté cette responsabilité. Ce cousin habitait près de Chicago. Alors, la veille de son départ pour l’Amérique, les membres de la famille d’Al l’ont accompagné à la gare de Gladbeck et ils se sont fait leurs adieux, POUR TOUJOURS en fait, puisque toute la famille qui est restée en Allemagne ne le reverrait jamais.

Une sœur, Friedel Franz et son mari, Hans ainsi qu’une nièce ont finalement réussi à venir aux États-Unis en janvier 1976, mais malheureusement quelques mois après le décès de M. Escher en août 1975.

Papa (c’est ainsi que j’appellerai le sujet de cette histoire) est monté à bord du train qui l’emmènerait au port de Bremen avant de partir pour les E-U à bord du navire USS President Harding sous le commandement du Capitaine Van Beek. Le départ du navire était prévu pour le 26 janvier 1927 et Papa n’avait alors que 20 ans. Il est arrivé à Bremen la veille de sa traversée en bateau. En attendant le navire, d’autres passagers masculins et lui ont décidé d’organiser une petite fête “de départ” avant de quitter leur patrie. Les gens étaient tellement ivres que, lorsque le Harding est arrivé, Papa et sa grande malle en bois qui contenait tous ses biens précieux ont été chargés dans une brouette par ses nouveaux compagnons de voyage et ont été tout simplement poussés à bord du navire et largués sur un tas d’ivrognes sur le pont.

Papa était enfant de chœur dans sa ville natale et il s’était déjà « un peu » familiarisé avec le vin de messe (ou c’est ce qu’il prétendait quand, des années plus tard, il a raconté cette histoire vraie) alors ses nouveaux « amis » et lui ont fini par bien connaître la balustrade du navire avant même d’atteindre Queenstown, en Irlande, la dernière escale avant d’arriver en Amérique.

Mon père n’a jamais revu l’Allemagne, son pays natal. Mais Ann et Barbara (deux de ses filles), oui, et Barbara possède encore la malle de voyage que Papa a utilisée et qui a plus de 70 ans maintenant. Elle est égratignée à quelques endroits, grise et patinée par le temps. Mis à part son âge, elle est encore en bon état et elle restera un tendre souvenir qui sera transmis à un des rejetons de Papa qui aura bien de la chance.

Date : 28 janvier 1927, après avoir pris plus de passagers en Irlande, selon le manifeste du navire un total de 551 personnes était à bord, dont 199 inscrits en 1ère classe. En ce mois de janvier de 1927, les mers étaient très houleuses et froides et il y avait beaucoup de tempêtes dans une zone qui a dû être contournée rallongeant ainsi le voyage. Avec ces jours supplémentaires à cause des tempêtes, les rations étaient très maigres. Les tempêtes avaient aussi endommagé les réservoirs de fuel du Harding et avaient fait bouger les lests dans la quille du navire, l’inclinant dangereusement. On avait besoin des pompes à eau de ballast pour pomper l’eau du moteur inférieur du navire afin de le maintenir à flot. Comme il n’y avait pas assez de fuel dans les fournaises pour chauffer les cabines et fournir de l’énergie pour les moteurs ET les pompes à eau de ballast, le Cne Van Beek a donné l’ordre de brûler TOUT ce qui était en bois pour garder la même puissance. Et voilà qu’on lance dans les fournaises les meubles, les portes des cabines, les balustrades du navire et les écoutilles. La main d’œuvre était fournie par l’équipage et les passagers, hommes, qui étaient bien contents d’offrir leurs services pour rester à flot et en vie et pour arriver au port sains et saufs.

Le 31 janvier, le Président Harding était encore à 2105 miles à l’est de Ambrose Light à cause des tempêtes rencontrées. Il traînait à dix nœuds jusqu’à ce qu’il atteigne Jeddore près de Egg Island où il a échoué sur un banc de sable. Pour combler le tout, pendant la nuit une autre tempête a éclaté et elle a levé le navire du banc de sable et l’a ramené dans la mer, où il penchait et réussissait à peine à rester à flot. A ce moment-là, le Capitaine Van Beek a donné l’ordre d’ABANDONNER LE NAVIRE puisqu’il restait à peine de la nourriture, uniquement des oranges pour les femmes et les enfants et qu’une tempête féroce faisait rage. A ce moment-là, tout le monde pensait que le naufrage du Harding était imminent. Sur ordre du capitaine, on a distribué les fusils de l’arsenal du navire à l’équipage et à quelques passagers auxquels on pouvait faire confiance (Papa était l’un deux).

Ceux qui avaient des armes devaient aider les femmes et les enfants à monter dans les canots de sauvetage et suivre l’ordre suivant : « Si un homme tente de monter à bord d’un canot de sauvetage, faites feu! » Juste au moment où on faisait descendre les canots, on a aperçu le navire du Gouvernement canadien Lady Laurier qui venait pour nous porter secours. Des acclamations, des larmes et des cris de joie ont jailli chez tous les membres de l’équipage et les passagers à bord du Harding. Il en aura fallu des efforts, comme l’a expliqué le Halifax Chronicle et d’autres journaux, mais le sauvetage et le remorquage du USS President Harding jusqu’au port de Halifax en Nouvelle-Écosse par le navire Lady Laurier ont réussi. Il semble qu’un opérateur de radioamateur avait détecté le signal radio S.O.S et avait transmis le message au chantier naval canadien à Halifax où le Lady Laurier et d’autres navires étaient à quai. On a alors donné l’ordre à plusieurs navires de partir en mission de sauvetage.

On peut lire plusieurs récits de cette histoire dans les journaux de Halifax en date des 7, 8 et 9 février 1927. De plus, selon le communiqué du Chronicle, quand le Cne Van Beek a été interviewé au sujet du voyage, il a été bref – si ce n’est éloquent – et a déclaré : « C’était un sacré voyage! » On a entendu un autre célèbre passager, le Prince Don Louis de Bourbon, fils de feu le Roi Alphonse XII d’Espagne, saluer les qualités de marin du capitaine quand il a déclaré : « Il a fait un travail incroyable ! ».

Il faut préciser que quelques jours avant le sauvetage, il n’y avait eu aucun mot, aucun message radio ou signe de vie du Harding. Les journaux en Europe, en Irlande et aux États-Unis avaient imaginé le pire et avaient annoncé à tort : NAUFRAGE DU USS PRESIDENT HARDING, AUCUN SURVIVANT. Non seulement les agents maritimes, Pickford et Black, ne voulaient faire aucune déclaration concernant le Harding mais ils ne voulaient pas non plus admettre qu’ils étaient venus à Halifax dans le cadre de la perte possible du navire. Au port de Halifax, le Harding a été réparé, réarmé de provisions et quelques 3000 barils de fuel ont été chargés. Le navire a été mis en quarantaine en attendant les réparations. Aucune autre activité à bord n’a été documentée alors qu’il était à quai. Le navire a alors repris son voyage jusqu’à New York et Alois Wilhelm Escher est arrivé en Amérique la deuxième semaine de février 1927. Il faut dire que, comme on a dit à la famille de M. Escher qu’il n’était jamais passé par Ellis Island, ce qui était la procédure habituelle, et que le passeport de Papa ne montre aucun timbre ou même sceau du gouvernement, à ce jour on ne peut ni prouver ni réfuter cette affirmation.

En fait, en arrivant sur le sol américain, Mr. Escher est monté à bord d’un train à destination de Chicago où il a rencontré son parrain, et comme on dit, la suite tout le monde la connaît. Par la suite, Papa a trouvé un travail, il a rencontré et épousé Veronica Virginia Fox et ils ont élevé six filles, trois nées dans l’Illinois et trois dans l’Indiana. (Voir la liste des noms ci-dessous.) L’un des jours dont Papa était le plus fier était celui où il a reçu ses papiers de citoyenneté américaine. À l’époque il habitait à Kingsbury dans l’Indiana. La cérémonie a eu lieu à la cour de justice de LaPorte, comté de l’État de l’Indiana. Malheureusement, nos parents sont maintenant décédés tous les deux. Notre mère bien-aimée est décédée en 1996. Sans le goût de l’aventure, la volonté de fer, le courage de mon père et les efforts vaillants des marins du « Bluenose » de Nouvelle-Écosse, cette histoire ne pourrait ou n’aurait pas pu être écrite.

Tous nos remerciements et notre reconnaissance à la ville de Halifax, son navire « sauveur » et les citoyens de la ville sans qui nous n’aurions pas pu retrouver tous les documents nécessaires à ce récit. Barbara et moi revenons tout juste d’une visite de cette belle ville et voulons aussi vous remercier pour votre accueil si chaleureux. Nous sommes partis de l’Allemagne, nous sommes passés par l’Irlande pour ensuite arriver en Nouvelle-Écosse et personne ne nous a traités aussi chaleureusement que vos citoyens, toujours prêts à nous aider dans notre effort personnel à capturer les faits concernant l’aventure de notre père il y a bien des années.

QUE DIEU VOUS BENISSE TOUS ET CONTINUEZ.

Cette histoire a été racontée par Ann C. McGuire