Le gouvernement introduisit de nouvelles règles d’immigration restrictives en 1919 en réponse à l’agitation sociale et économique de la période qui suivit immédiatement la guerre. Après la Première Guerre Mondiale, l’économie canadienne entra en récession, le chômage augmenta rapidement et la Révolution bolchévique russe de 1917 répandit une crainte généralisée du communisme ainsi que la méfiance envers les immigrants en provenance des pays ennemis.
La Grève générale de Winnipeg en 1919 exacerba le sentiment xénophobe, car plusieurs travailleurs européens furent impliqués dans cet arrêt de travail. Ce qui commença par une dispute entre les gestionnaires et les travailleurs de la construction et de la métallurgie à propos des salaires et de la convention collective dégénéra rapidement en une grève générale à laquelle participèrent quelque 30 000 travailleurs.[1] Le blâme pour cette agitation au sein des travailleurs fut jeté sur les éléments radicaux étrangers et interprété comme une révolution bolchévique latente, en dépit du fait que presque tous les instigateurs de la grève étaient britanniques de naissance et d’éducation.[2]
Les événements de 1919 convainquirent le gouvernement d’ajouter de nouvelles règles encore plus restrictives à sa politique d’immigration dans un effort visant à protéger le pays contre les idéologies dangereuses et les activités subversives.[3] Les immigrants originaires de pays ayant combattu contre le Canada pendant la guerre étaient spécifiquement refusés. Les catégories de dissidents politiques furent étendues afin d’y inclure toute personne qui ne croyait pas ou s’opposait à un gouvernement organisé, qui militait en faveur de l’assassinat de personnages publics, qui défendait ou enseignait la destruction illégale des biens et les personnes reconnues coupables d’espionnage et de trahison. Les autres immigrants inadmissibles étaient les illettrés, les personnes « d’infériorité psychopathique chronique », les alcooliques chroniques, les tuberculeux et toute personne reconnue handicapée mentale ou physique.
Un amendement aux dispositions concernant la résidence augmenta les exigences de résidence permanente de trois à cinq ans et permettait au gouverneur en conseil (soit le cabinet fédéral) de déporter les immigrants à tout moment pendant cette période s’ils devenaient membre d’une catégorie inadmissible. Cette révision permettait au gouverneur en conseil d’augmenter ses efforts de déportation, en ciblant spécifiquement les personnes accusées de prendre part à des actions antigouvernementales et celles qui se trouvaient à la charge du public.[4]
D’autres amendements autorisèrent le gouverneur en conseil à interdire l’immigration de toute nationalité, race, occupation et classe jugées inadaptées aux « conditions ou exigences climatiques, industrielles, sociales et éducatives, de travail ou autres du Canada » en raison de leurs « coutumes, habitudes, modes de vie et méthodes de propriété étranges et de leur incapacité probable à s’assimiler rapidement. » Cette révision servit à empêcher les Doukhobors, les Mennonites et les Huttérites de s’établir au Canada in 1919.[5]
La Loi de l’Immigration de 1919 démontra l’importance croissante des considérations ethniques, culturelles et politiques dans le développement de la politique d’immigration. Les facteurs économiques qui avaient été prépondérants dans le développement des politiques avant la Première Guerre Mondiale perdaient de leur importance en raison du climat social et économique incertain de l’après-guerre.[6]
Bibliothèque et Archives Canada. Statuts du Canada. Loi modifiant la Loi de l’Immigration, 1919. Ottawa: SC 9-10 George V, Chapitre 25
- Valerie Knowles, Strangers at Our Gates: Canadian Immigration and Immigration Policy, 1540-1997 (« Étrangers à nos portes : Immigration et politiques d’immigration au Canada de 1540 à 1997 ») (Toronto: Dundurn Press, 1997), 104.↩
- Ninette Kelley et Michael Trebilcock, The Making of the Mosaic: A History of Canadian Immigration Policy (« La création de la mosaïque : une histoire des politiques canadiennes d’immigration »), (Toronto: University of Toronto Press, 1998), 180.↩
- Donald Avery, ‘Dangerous Foreigners:’ European Immigrant Workers and Labour Radicalism in Canada (« Les étrangers dangereux : Les travailleurs immigrants européens et le radicalisme du travail au Canada »), 1896-1932 (Toronto: McClelland and Stewart Limited, 1979), 88; “Immigration Act (Canada) (1919),” (« Loi de l’immigration (Canada)(1919) ») dernière modification 16 février 2011, http://northamericanimmigration.org/142-immigration-act-canada-1919.html↩
- Kelley et Trebilcock, 181, 207-208.↩
- Knowles, 106.↩
- Avery, 88-90; Knowles, 106.↩