Avril 1955
Notre voyage n’a jamais manqué de piment : nous avons quitté notre ville natale de Sambiasc Clabria à la fin mars, car nous devions voyager vers le Canada sur le Vulcania, le 1er avril 1955, en partance du port de Naples. Eh bien, notre enthousiasme a commencé avant même de nous embarquer car j’étais malade et peu importe combien mon père essayait de convaincre le commandant de bord, il était hors de question de nous laisser monter à bord. On nous a dit que le prochain navire à faire la traversée était le Saturnia, prévu pour le lendemain.
Je suppose que j’avais pris du mieux car le lendemain, on s’embarquait pour un voyage de 12 jours qui nous mènerait à Halifax. Les six membres de la famille Vescio, ainsi que 537 autres passagers, avons donc quitté le Port de Naples pour entreprendre le périple qui comportait ces escales : notre premier arrêt fut Palerme, puis Gênes, Cannes, Barcelone, Gibraltar, Casablanca, Lisbonne et finalement Halifax, avant la destination finale qui était New York.
Chaque escale dans ces villes était de courte durée. Les seuls endroits où nous sommes restés plus longtemps furent Barcelone et Lisbonne. Alors que nous étions à Lisbonne, nous avons eu assez de temps pour tenter de voir le prince d’Italie qui y avait déménagé après la guerre. Mon père avait rencontré le Prince Umberto de Savoie au cours de la Deuxième Guerre mondiale, et il devait lui avoir dit de lui rendre visite s’il passait dans la ville. Nous étions bien en ville, mais le prince, lui, n’y était pas. Le roi Umberto de Savoie est mort en 1983.
Comme vous pouvez l’imaginer, aucun de nous n’avait jamais été sur un paquebot aussi luxueux. Mon père avait été en mer, mais je ne pense pas qu’on pourrait qualifier les navires de guerre de luxueux. À l'époque, le voyage a coûté à mes parents un total de 600 000 lires pour les six d’entre nous. Mes parents avaient alors quatre enfants. Nous occupions deux cabines sur le troisième ou le quatrième niveau du navire. Le navire était énorme avec trois piscines, des salles de cinéma, etc. Les repas étaient servis trois fois par jour et franchement, ils étaient plus copieux que nécessaire. Ma mère n’avait jamais vu de raisins durant les mois d’hiver et pourtant, il y en avait sur les tables de la salle à manger à chaque repas. À cette époque, on n’importait pas de produits, dans la partie sud de l’Italie.
Le voyage sur la mer Méditerranée et la Tyrrhénienne fut calme, mais une fois le détroit de Gibraltar traversé et dans l’océan Atlantique, le voyage a été plus difficile et presque tout le monde à bord avait des maux de tête et était malade. Cela a duré deux jours.
Nous sommes arrivés à Halifax le 14 avril 1953 . Nous sommes descendus et avons attendu pendant quelques heures avant de remplir nos papiers et que l’on nous dirige vers le train pour Montréal. Ça c’est du courage : se retrouver dans un pays étranger avec une femme enceinte et quatre jeunes enfants, sans pouvoir parler d’autre langue à bord d’un train vers Montréal et ne sachant pas si quelqu’un y serait pour nous accueillir. Eh bien, nous avons pris ce train le 14 avril 1953 à 10 h et sommes arrivés à Montréal à 23 h 30. Ensuite, nous avons pris l’autobus et le tramway vers notre destination finale qui était la ville de Lachine. Mes parents y sont encore aujourd’hui, pas dans la même maison, mais dans la même ville.
Je vous disais plus tôt que nos vies avaient été remplies de surprises. Eh bien, j’ai suivi vos conseils et écrit à Citoyenneté et Immigration Canada pour obtenir nos papiers d’immigration à notre arrivée au Quai. On a alors découvert que ma sœur aînée avait été enregistrée en tant qu’un garçon nommé Angelo, plutôt qu’une jeune fille nommée Angela. Sa date de naissance a été enregistrée comme étant le 5 novembre 1940, au lieu du 6 novembre de la même année. J’ai essayé de faire corriger tout cela et le ministère m’a répondu que je devais produire le passeport original, qui est maintenant vieux de 47 ans et Dieu seul sait où il se trouve !
En tout cas, j’ai eu du plaisir à faire ces recherches et je suggère fortement aux immigrants de ne pas attendre pour en faire autant.