Le 4 août 1956, la famille Alessandroni est débarquée au Quai 21, à Halifax. C’est à cet endroit qu’a commencé leur nouvelle aventure, à cet endroit que la famille a écrit un tout nouveau chapitre rempli d’amour, de foi et d’espoir.
Mais, contrairement à la plupart des immigrants, ma famille n’avait pas quitté son pays pour s’installer dans un pays d’abondance. Au contraire, ils ont quitté leur pays afin de venir s’établir dans un endroit où l’amour pourrait s’épanouir librement.
Ma mère, Gabriela, était la fille d’un propriétaire foncier bien nanti. À l’époque de la guerre, en Italie, ma mère est demeurée le joyau de son père, sa raison de vivre. La seule chose que mon grand-père lui avait refusée était d’épouser un pauvre, mais vaillant gentilhomme du nom de Giulio Alessandroni. Mon grand-père a nié cette relation, mais le couple s’est tout de même marié.
Au printemps de l’année 1954, ma sœur aînée a vu le jour. Le jeune couple l’a prénommée Anna Teresa, en l’honneur de l’unique sœur de mon père, qui était décédée subitement à l’âge de 21 ans. Puis, deux ans après la naissance de ma sœur, la famille Alessandroni s’est embarquée pour un nouveau pays et un nouveau monde. La famille a emprunté de l’argent pour ce voyage qui allait les mener au Canada, puis au Quai 21.
Giulio Alessandroni, deuxième d’une famille de sept enfants, avait perdu un œil de façon tragique à l’âge de 12 ans, suite à un accident d’enfance. En raison de l’effort de guerre, les médecins n’avaient pas suffisamment de fournitures et, pour cette raison, il dut vivre le reste de sa vie avec un canal lacrymal endommagé, l’empêchant ainsi d’avoir un œil de verre. Portant une coquille de fortune faite de coton, et maintenue en place par des lunettes, mon père ne s’est jamais plaint de sa situation et a vécu sa vie dans la gentillesse, l’amabilité et la joie.
Ne connaissant pas la langue du pays, mais n’étant pas étranger au dur labeur, Giulio a rapidement commencé à effectuer divers travaux, jusqu’à ce qu’il se trouve un emploi de boulanger, puis de pâtissier. En 1959, un fils naissait.
Au Canada, c’est ma mère qui tenait les rênes et qui prenait en charge notre petite cellule familiale. Leurs connaissances, leurs efforts combinés et leur ambition ont permis à mes parents d’ouvrir les portes de leur propre boulangerie, qui connut un franc succès. Toutefois, en 1985, quelques semaines avant son 58e anniversaire de naissance, mon père a perdu son combat contre le cancer. Sa si brève vie a laissé dans le deuil son grand amour, Gabriela, et deux grands enfants, en plus d’un héritage d’amour, du sens de l’honneur et du sens de la famille.
Fiers d’être Italo-Canadiens, nos racines demeurent toutefois italiennes. Par contre, notre plus grande richesse est d’être venus nous établir au Canada.
Nous sommes ce que nous sommes grâce à mon père, grâce à ce superbe pays et grâce à notre aventure qui a pris son envol au Quai 21.
- Henry Alessandroni