Un collier fabriqué par amour avec des débris de guerre

Un pendentif en verre en forme de cœur, un peu plus grand qu’une pièce de 25 ¢, comportant une petite feuille d’érable en laiton. La chaîne du collier est en or.

Le soldat canadien Frank Englehart a façonné ce bijou pour sa femme Marjorie en 1944 ou 1945. [A2024.9.1 Collection du Musée canadien de l'immigration du Quai 21]
 

Un cœur de verre

Cet artéfact unique a été ajouté à la collection du Musée l’année dernière et est exposé dans la section sur les épouses de guerre de l’exposition sur l’Histoire du Quai 21.

Le pendentif en verre en forme de cœur avec une petite feuille d’érable en laiton a été offert à Marjorie Englehart (née Lewis), née en Angleterre, par son mari Frank Englehart, un soldat canadien qui servait à l’étranger pendant la Seconde Guerre mondiale.

Lorsqu’un avion allemand a été abattu près de sa position, Frank a récupéré un fragment de pare-brise dans les débris. Il l’a soigneusement taillé pour en faire un pendentif en forme de cœur destiné à sa nouvelle épouse. Pour ajouter un détail particulier, il a pris une feuille d’érable en laiton de son uniforme et l’a décoré.

Une famille déchirée par la guerre

Marjorie est née en Angleterre et n’avait que 15 ans lorsque la guerre a éclaté en 1939. La guerre était concrète pour elle. Son frère aîné, Evan, s’était engagé dans la marine marchande. Evan était déjà en mer lorsque leur père s’est lui aussi engagé dans l’armée et a été envoyé au Moyen-Orient. Il a supposé qu’il ne reverrait jamais son fils avant la fin de la guerre, s’ils avaient même la chance de survivre, tous les deux.

Alors qu’il voyageait au sein d’un convoi vers le Moyen-Orient, son père a été convoqué dans une salle. À son arrivée, Evan a surgi de sous une table. Il faisait partie du même convoi et avait demandé à monter à bord du navire de son père pour lui faire une surprise.

À la maison, Marjorie, elle, était confrontée à de nouvelles réalités quotidiennes troublantes. Tout le monde recevait des masques à gaz à garder sur leur personne, en cas d’attaque au gaz. À la maison, la famille disposait d’un abri Morrison, une sorte de cage en acier lourd dans laquelle les membres restants de la famille pouvaient s’entasser en cas de raid aérien.

Tomber amoureuse d’un soldat canadien

En mars 1944, elle a été invitée à un rendez-vous à l’aveuglette. La mère de son amie Eve hébergeait un jeune soldat canadien pendant sa permission. Dans A War Bride's Story, ses mémoires publiés à compte d’auteur, Marjorie déclare : « Ce jour a changé ma vie à jamais. »

Frank a demandé à la revoir la fin de semaine suivante. Il espérait qu’elle ressentait le même coup de foudre que lui, et craignait que ce n’était pas mutuel. Ils s’étaient donné rendez-vous à la gare Victoria de Londres, mais Frank est arrivé en avance et s’est caché. Il l’a regardée marcher de long en large, cherchant à savoir de quel train il allait descendre, lisant son langage corporel pour voir si elle s’intéressait vraiment à lui. Comme elle le raconte, « lorsqu’il s’est dit que j’avais assez “souffert”, il est sorti de sa cachette. J’étais ravie de le voir. »

Frank et Marjorie se sont fiancés peu de temps après. Frank a demandé à l’Armée canadienne la permission de se marier, mais ils ont dû attendre deux mois avant de la recevoir. Ils se sont mariés en juillet 1944. Peu après, Marjorie était enceinte de son premier enfant, Michael. Elle a accouché le jour de la Victoire en Europe, le 8 mai 1945.

Photo en noir et blanc de Marjorie et de Frank Englehart dans leur jeunesse, colorisée pour rendre la robe de la femme bleu clair et ses lèvres roses. Elle porte des lunettes et une croix sur son collier. Il porte la moustache et un uniforme militaire dont les premiers boutons sont défaits.

Frank et Marjorie Englehart le jour de leur mariage, en 1944. [DI2024.9.2 Collection du Musée canadien de l'immigration du Quai 21]

Le voyage vers le Canada

Son déménagement au Canada, pour sa part, a pris du temps. En septembre de la même année, Frank a été renvoyé au Canada pour sa libération. Marjorie est restée au pays et vivait avec sa famille. Elle ne recevrait la permission d’aller au Canada qu’au début de 1946, arrivant avec le bébé Michael après un voyage de dix jours, le 3 février. Le soir même, ils ont quitté le Quai 21 à bord d’un train à destination de Campbellton, la ville natale de Frank, au Nouveau-Brunswick. « Chaque fois que le train s’arrêtait ou traversait une gare, écrit-elle, des foules nous saluaient et nous souhaitaient le meilleur en chemin. »

Entre avril 1942 et mars 1948, 43 464 épouses de guerre et leurs 20 995 enfants sont arrivés au Canada, s’installant dans les villes, les villages et les fermes de tout le pays. Il s’agit d’un impact secondaire imprévu mais d’une grande importance dans l’histoire de ce conflit.

Marjorie n’a jamais porté le collier, le gardant plutôt dans sa boîte à bijoux, mais ses enfants en ont toujours connu l’histoire.

Le legs de Marjorie

Lorsqu’elle est décédée en janvier 2018 à l’âge de 94 ans, elle avait neuf enfants, 28 petits-enfants, 37 arrière-petits-enfants et six arrière-arrière-petits-enfants.

Ce bijou unique a été offert au Musée en 2024 par sa fille, Carol Firlotte.