Mars 1956
Ma mère Angela Stagliano, mes soeurs Lina et Vincenza et moi avons quitté Naples le 8 mars par une journée ensoleillée au ciel dégagé. Le voyage s'est déroulé sans incident jusqu'à ce que, au milieu de notre voyage, l'océan devienne turbulent et que les vagues se mettent à déborder sur le navire. Sur les ordres du capitaine, les tables, les meubles et les armoires ont été fixés à l’aide de cordes. Notre cabine se trouvait en bas et je dormais sur la couchette supérieure d'un lit superposé. Tout à coup, il y a eu un craquement comme si le navire avait heurté quelque chose. Je suis tombé sur le sol et j’ai voulu fuir la cabine, mais mes sœurs et ma mère m’en ont empêché. Nous avions peut-être heurté un bout d'iceberg. On nous disait de rester calmes, que le navire n’avait subi aucun dommage majeur. C'était un horrible voyage avec des eaux turbulentes la plupart du temps. À notre arrivée, le capitaine remercia Dieu que nous fûmes tous sains et saufs. Notre cargaison avait cependant été quelque peu endommagée. Même notre malle qui contenait tous nos biens était plutôt en mauvais état.
On nous emmena dans la grande salle (les douanes), je ne comprenais rien. Je voyais seulement une foule de personnes sans rien comprendre au processus. Il y avait beaucoup d'attente et ma sœur me tenait la main sans jamais la lâcher. Enfin, on nous conduisit jusqu’à un train et on nous donna des tranches de pain blanc. Je n'avais jamais goûté quelque chose de semblable. C’était très mou et ça avait un goût étrange. Le voyage de train était long et, comme les sièges étaient en bois, c’était plutôt inconfortable. Il nous a fallu deux jours pour arriver à Toronto. Nous y avons rejoint mon père qui était déjà au Canada depuis 1951. Il m’a serré dans ses bras et m’a porté à sa poitrine pour me demander si je savais qui il était. Je lui ai répondu que oui. Nous nous sommes ensuite rendus à Cabbage Town où mon père avait loué deux chambres dans une maison de trois étages. Tout me semblait si étrange. Je crois que ma plus grande surprise a été de voir des tricycles et des patins à roulettes, ainsi que des jouets éparpillés sur les pelouses devant lesquelles nous passions pour nous rendre à notre nouvelle maison. Je n'avais jamais eu de jouets et tout cela était nouveau pour moi. J'avais peur de l'inconnu et je voulais rentrer à la maison.
Il y a quatre ans, ma femme et moi avons visité le Quai 21 et ça m’a vraiment donné une bonne idée de la façon dont les choses étaient faites ici à l’époque. J’ai marché dans la grande salle et j’ai vu le quai sous tous ses angles, m’imaginant y arriver alors que je n’étais qu’un petit garçon. Le Quai 21 est magnifique et j'apprécie vraiment la façon dont il est préservé. Ma dernière visite m'a fait réaliser tout le dur travail exécuté par les employés canadiens, la Croix-Rouge, les responsables portuaires, les interprètes et les douaniers pour s’occuper de tous ces immigrants. Cela a rendu notre voyage à Halifax très intéressant et hautement significatif. Nous reviendrons visiter le Quai 21. Nous en sommes très fiers.