Lieux et expériences de vie : Expériences d’immigration à Sault-Ste-Marie

Introduction : Le projet de recherche

Je m’appelle Jay Patel. Je suis étudiant à l’Université York spécialisé en histoire et, en 2022, j’ai effectué un stage par l’expérience au Musée canadien de l’immigration. Le stage s’est déroulé dans le cadre du programme d’histoire orale du MCI, sous la supervision de Mme Emily Burton, Ph.D., et j’y ai travaillé sur un projet de recherche sur l’immigration à Sault-Ste-Marie, en Ontario.

Le projet s’est concentré sur 13 entrevues menées à Sault-Ste-Marie (« le Sault ») en 2017, présentant des personnes arrivées au Canada en tant qu’immigrants ou réfugiés.[1] Certaines de ces personnes ont habité au Sault dès leur arrivée au Canada, tandis que d’autres y sont arrivées d’ailleurs en Ontario. Dans ces entrevues, les gens racontent comment ils ont quitté leur lieu d’origine, sont venus au Canada et y ont vécu. Le projet de recherche s’est déroulé en trois phases : le visionnement des entrevues, le codage et l’interprétation des entrevues, et la rédaction d’un rapport de recherche lié aux résultats. Le blogue se concentre sur le processus de codage, offrant des exemples de codes liés au travail et aux réflexions, en tant que moyen d’interpréter les expériences que ces immigrants ont vécues à Sault-Ste-Marie et comme moyen d’en apprendre plus à ce sujet.

Vue d’ensemble : Observer les expériences de vie à partir des entrevues

La première phase du projet consistait à regarder les entrevues, avec leurs transcriptions à titre de ressource supplémentaire. Il était important de regarder ces entrevues avant de commencer le codage et l’analyse. Lorsqu’on travaille sur des histoires orales, le codage est un outil précieux, mais peut rater comment les expériences vécues des gens sont reliées. Ce premier contact avec les personnes interrogées par l’entremise de la caméra m’a permis d’en apprendre davantage sur leurs vies et leurs voyages jusqu’au Sault, ce qui m’a aidé à créer les liens nécessaires au niveau du codage.

Regardons de plus près : codage des entrevues

J’ai mis en évidence le contenu de chaque entrevue à l’aide d’une série de codes et de MAXQDA, une application d’analyse de données qualitative et de méthodes mixtes. Pour commencer le projet, six codes ont été présélectionnés : famille, travail, organismes d’établissement, raisons du déménagement au Sault, communauté et idées et réflexions générales. J’ai regardé les entrevues et lu les transcriptions, puis j’ai décidé de diviser les « idées et réflexions générales » en deux codes distincts afin de me concentrer sur les réflexions que les personnes interrogées ont exprimées concernant leurs parcours d’immigration, indépendamment des idées générales concernant ce qu’elles ont vécu au Sault. J’ai également ajouté l’éducation et la religion aux codes, car de nombreuses personnes interrogées ont parlé de ces deux sujets comme étant des parties essentielles de leur vie et, dans certains cas, la raison pour laquelle elles ont déménagé au Sault.

Les neuf codes utilisés afin d’analyser et d’interpréter les entrevues sont examinés plus en détail dans le rapport de recherche final du projet. Les personnes qui ont participé aux entrevues sont arrivées au Sault en provenance de nombreux pays, notamment de l’Angola, de l’Argentine, des Caraïbes, du Kenya, du Mexique, du Nigeria, du Pakistan, de l’Écosse, du Soudan et de la Syrie. Toutes ces personnes partagent l’expérience d’avoir vécu au Sault. Le rapport explore la relation qu’elles ont avec le lieu dans le contexte du changement d’anciens modèles d’immigration au Sault, qui étaient auparavant principalement en provenance d’Italie, vers une présence mondiale plus diversifiée pour cette ville du nord de l’Ontario.

Le codage m’a aidé à trouver des liens entre les 13 entrevues. L’une des façons de procéder était de voir combien de fois les codes individuels s’appliquaient aux 13 entretiens. Les codes les plus fréquemment utilisés sont la famille et l’éducation (respectivement 95 et 90 extraits). Viennent ensuite les réflexions (61), le travail (57), la communauté (53), les raisons du déménagement (28), les programmes d’établissement (26), la religion (20) et les idées générales (5). Je voudrais souligner des exemples tirés des entrevues pour les codes « travail » et « réflexions ».

Travail : « ...un grand honneur pour l’équipe. »

Un exemple de segment codé sous « travail » est tiré de l’entrevue de Sunny Naqvi. Il est originaire du nord du Pakistan et a également vécu en Arabie saoudite lorsqu’il était enfant. Il s’est rendu en Angleterre pour étudier la gestion hôtelière, puis a travaillé à Oman et aux Émirats arabes unis avant de s’installer au Canada. Dans cet extrait, il parle de son travail en Oman et de l’impact positif que ce travail a eu sur ce qu’il a vécu dans le secteur de l’hôtellerie de Sault-Sainte-Marie :

Il m’a donc fallu un certain temps pour m’habituer. Pendant la première année, j’étais un peu nerveux, car je voulais me prouver que je pouvais le faire. Je veux dire, j’ai vu beaucoup de directeurs généraux au cours de ma vie, alors je me suis appuyé sur l’expérience de toutes les réunions auxquelles j’ai participé avec des directeurs généraux, non seulement au Canada, mais aussi au Moyen-Orient, en Oman. C’est là que, selon moi, j’ai eu beaucoup de chance... c’est-à-dire d’avoir travaillé dans l’un des meilleurs hôtels d’Oman, et avec l’un des meilleurs directeurs généraux qui s’y trouvaient. Nous sommes très bien formés, ce qui m’a vraiment aidé, et... j’ai une équipe fantastique. Je pense que je suis la personne la plus chanceuse du monde. Cette équipe, c’est la meilleure du monde. Nous nous entendons tous très bien, car l’hôtel n’est pas très grand, sans être trop petit... Nous sommes le premier et le seul hôtel du nord de l’Ontario à avoir remporté le prix Platinum, pour faire partie des hôtels Choice Hotels... C’était un grand moment pour nous, et un grand honneur pour l’équipe.[2]

Cet extrait d’entrevue aide à illustrer comment les expériences de travail provenant de l’extérieur du Canada peuvent aider les gens à exceller dans les postes offerts au Sault. MAXQDA regroupe automatiquement cet extrait avec les 56 autres extraits liés au travail, offrant ainsi un aperçu des descriptions et des réflexions liées au travail provenant des 13 entrevues.

Réflexions : « J’ai besoin d’un colocataire... »

Les réflexions sont un code important. Elles capturent des expériences et des thèmes différents, qui ne sont pas inclus ailleurs. On y trouve les réflexions des personnes participantes par rapport à leurs expériences en cours d’entrevue. Par exemple, l’ajustement culturel et l’adaptation n’ont pas été codés séparément, mais sont un thème omniprésent dans toutes les entrevues et ont fait ressortir les différences entre ce que les gens ont vécu dans leurs lieux d’origine et à Sault-Sainte-Marie. Bassel Alkosani a grandi en Syrie et est venu au Canada en provenance du Liban, en tant que réfugié parrainé par l’EUMC pour étudier à l’Université d’Algoma. Il parle de l’ajustement et à l’adaptation qu’il a dû faire pour ce qui est de vivre avec une colocataire de l’autre sexe.

C’est ta vie. Je me souviens de la fois où mon conseiller international m’a demandé si je me sentais à l’aise de vivre sur le campus avec une fille. J’ai répondu : « Non, absolument pas. Je ne vivrais jamais avec une fille. » Parce que je n’ai pas― je n’ai jamais vécu avec une fille... Puis, après un an, je vis avec une fille en ce moment, dans mon appartement, parce que j’ai besoin de quelqu’un, j’ai besoin d’un colocataire, et j’ai besoin de trouver quelqu’un. J’ai dit : « Oh, une fille. Bon. D’accord, pas de problème. » Je vis avec une fille en ce moment dans mon appartement, un an plus tard.[3]

Bassel est originaire d’un pays conservateur où les règles sont strictes en ce qui concerne les relations entre hommes et femmes, et il n’était pas sûr à l’idée de vivre avec une personne du sexe opposé. Cependant, une fois arrivé au Canada, il a compris les changements culturels liés au fait de cohabiter avec des personnes d’autres genres, et comment cela pouvait l’aider à trouver un colocataire.

Conclusion : Récits d’immigration partagés

J’ai été honoré d’entendre ces histoires et de participer aux 13 entrevues d’histoire orale. Étant moi-même l’enfant d’immigrants, j’ai compris bon nombre des luttes et des défis auxquels les personnes interrogées ont été confrontées en arrivant au Canada. L’entrevue qui m’a le plus marqué, au niveau du travail de la personne, de son parcours et de l’adaptation qu’elle a dû faire au Sault, est celle de Sajjad (Sunny) Naqvi. Il a excellé en hôtellerie et a occupé de nombreux emplois dans ce domaine. Son éducation internationale et le temps qu’il a passé en Oman afin d’entrer dans le secteur de l’hôtellerie m’ont inspiré.

J’ai pu voir l’histoire d’immigration de ma famille par les yeux de Sunny Naqvi. Mes parents ont également quitté l’Asie du Sud pour s’installer au Canada et ont été confrontés à des défis similaires. Ils ont tous deux dû s’ajuster et s’adapter au niveau culturel. Ils sont repartis à zéro dans un autre pays et ont été confrontés à la solitude, au fait d’être loin de leur famille. Le lien entre le Sault et l’industrie de l’hôtellerie me touche également, car ma famille y possède actuellement une entreprise dans ce domaine. Les entrevues d’histoire orale nous offrent l’occasion de découvrir les expériences d’immigration d’autres personnes et, ce faisant, de se pencher sur les nôtres.


  1. Recherchez « Sault-Sainte-Marie 17 » dans les Collections pour obtenir les entrées liées aux entrevues. Argus : La Collection | Musée canadien de l’immigration du Quai 21 (sydneyplus.com)
  2. Histoire orale avec Sunny Naqvi, interviewé par Emily Burton, Sault-Ste-Marie, Ontario (ci-après SSM)
  3. Histoire orale de Bassel Alkosani, entrevue par Emily Burton, SSM, 20 mai 2017, Collection du MCI. (17.05.20BA)