La Pensée historique (3) : Utiliser des sources primaires

par Jan Raska PhD, Historien
(Mise à jour le 1er octobre 2020)

Introduction

Quels types de sources les historiens consultent-ils au moment d'effectuer leurs recherches et de rédiger leurs articles sur l'histoire ? Ils auront pour ce faire recours à des sources primaires et secondaires. Dans cet article, nous allons aborder le deuxième concept présenté dans Le projet de la pensée historique (http://histoirereperes.ca/)— utiliser des sources primaires.[1]

Qu’est-ce qu’une source primaire ?

Tout historien se doit de bien connaître les sources primaires et secondaires disponibles dans son domaine d'expertise. La contribution qu'il apportera aux connaissances dans un domaine donné sera proportionnelle à sa capacité à trouver, analyser et interpréter des documents de source primaire. Voici de simples définitions avec exemples qui vous aideront à mieux saisir ce qui différencie les sources primaires des sources secondaires Les sources primaires sont des documents ou des objets physiques qui ont été créés durant la période à l'étude. Par conséquent, ces sources nous fournissent une vue de première main ou de l'intérieur de l'événement en question.

Exemples de sources primaires :

  • Cartes
  • Journaux personnels
  • Lettres
  • Discours
  • Histoires orales
  • Autobiographies
  • Documents du gouvernement
  • Artéfacts
  • Œuvres artistiques

Qu’est-ce qu’une source secondaire ?

Les sources secondaires diffèrent des sources primaires en ce qu'elles analysent et interprètent les sources primaires. Ces sources sont souvent produites après qu'une longue période de temps se soit écoulée depuis l'événement à l'étude.

Exemples de sources secondaires :

  • Manuels scolaires
  • Encyclopédies
  • Magazines et revues
  • Articles de journaux
  • Livres (traitant d'un événement passé)
  • Critiques de livres
  • Commentaires

Utilisation des sources primaires pendant la recherche afin de soutenir le développement d’expositions

À l'origine, l'exposition estivale du Musée intitulée Façonner le Canada : l’exploration de nos paysages culturels (exposition temporaire 2012) devait comprendre les travailleurs étrangers temporaires à titre d'exemple de communauté récente d'immigrants venus au Canada en quête d'opportunités économiques et de vies meilleures. Une majorité de ces travailleurs sont retournés dans leur pays d'origine, notamment au Mexique, au Guatemala et au Salvador, une fois leurs contrats de travail expirés. Dans certains cas, leurs contrats comprenaient une clause les obligeant à renoncer à leur droit de résidence permanente. En cherchant à représenter les travailleurs étrangers temporaires dans l'exposition, nous avons d'abord discuté du fait de traiter des membres de la communauté salvadorienne se trouvant à Brandon, au Manitoba, ayant été embauchés par les Maple Leaf Foods à leur usine locale de transformation de viande. Comme plusieurs de ces individus étaient des immigrants saisonniers, les sources primaires traitant de leurs expériences au Canada étaient plutôt rares. Dans ce contexte, les histoires orales et les coupures de journaux auraient pu constituer des sources primaires utiles.

Un autre groupe que nous avons décidé d'inclure à l'exposition été est la communauté libanaise d‘Halifax, Nouvelle-Écosse. En effectuant des recherches sur l'histoire de la communauté dans la ville, nous avons rapidement découvert qu'une quantité plutôt limitée de connaissances était disponible à leur sujet. J'ai donc consulté les archives publiques de la Nouvelle-Écosse à la recherche de documents de source primaire. J'ai pu y mettre la main sur les procès-verbaux de réunions tenues au cours des années 1970 et 1980 par la, dont le rôle principal était de réinstaller les immigrants libanais à Halifax au cours du XXe siècle. Cette source primaire a été reproduite sur microfilm et conservée aux archives publiques.

Une fois la bobine de microfilm contenant les documents de source primaire entre les mains, j'ai pu me mettre à réfléchir tel un historien digne de ce nom. Cela signifie qu'en évaluant cette source d'archives, je savais qu'il était important de considérer le document à l'étude à sa valeur nominale en le contextualisant dans la période durant laquelle il a été rédigé, en évitant donc de l'analyser simplement avec un regard contemporain.

Conclusion

Aussi, je crois que le public devrait être informé du fait que des sources primaires sont incluses ou absentes dans toute exposition muséale. L'utilisation de sources primaires dans l'histoire publique constitue une composante importante du bassin de ressources à la disposition de l'historien à partir desquelles il peut émettre une analyse critique du passé. Que ce soit par choix ou en raison d'un manque de sources historiques, l'inclusion ou l'absence de documents de sources primaires en dit long sur le projet à l'étude.

La prochaine fois que vous visiterez une exposition, assurez-vous de réfléchir vous aussi tel un historien et de demeurer critique devant ce qui vous est présenté !


  1. Le projet de la pensée historique, « Concepts », consulté le 20 novembre 2012, http://histoirereperes.ca/les-six-concepts.
Author(s)

Jan Raska, PhD

Un homme se tient devant des étagères de livres allant du sol au plafond.

Dr. Jan Raska est un historien au Musée canadien de l’immigration du Quai 21. Il est titulaire d’un doctorat en histoire canadienne de l’Université de Waterloo. Il est le conservateur d’anciennes expositions temporaires du Musée, dont Safe Haven : Le Canada et les réfugiés hongrois de 1956 et 1968 : le Canada et les réfugiés du printemps de Prague. Il est l’auteur de Czech Refugees in Cold War Canada: 1945-1989 (Presses de l’Université du Manitoba, 2018) et co-auteur de Quai 21 : Une histoire (Presses de l’Université d’Ottawa, 2020).