Trois journées d’Halloween avec l'inoubliable Kay Collicott

Un vieux portrait montrant un jeune homme en uniforme. Il se penche en direction d'une jeune femme qui porte un bel habit et qui a une fleur à sa boutonnière.
Ralph et Kay (McAndrew) Collicott

Joanne Collicott Mc Guigan est née du militaire canadien Ralph Benjamin Collicott et de son épouse de guerre Kay, une nuit d'Halloween. La lune était pleine pendant que des bombes tombaient autour de l'hôpital Hammersmith démolissant un demi-pâté de maisons, de l’autre côté de la rue. Après la guerre, son père est retourné au Canada alors qu'elle et sa mère retournaient dans la ville natale de Kay, Kiltane, comté de Mayo, en République d'Irlande pour attendre l’avis de leur traversée au Canada. Joanne écrit : « Une fois que mon père avait quitté pour le Canada, ma mère est rapidement retombée dans la vie qu'elle avait avant d'aller en Angleterre. Elle montait son vélo, avec moi assise dans un porte-bébé derrière elle, à parcourir la campagne irlandaise, belle à couper le souffle. Comme nous avions visité amis et parents, loin des horreurs de la guerre, ma mère a dit que c’était bon d’être à la maison, à Kiltane. C’était vraiment une terre magique, cette Irlande, là où les nuages descendaient et touchaient les collines de Mayo. Comme une enfant, ma mère croyait que les farfadets vivaient dans ces collines. Si jamais vous en attrapiez un, tous vos souhaits se réaliseraient. »

Kay était réticente à quitter sa famille et son Irlande bien-aimée, mais elle était brave et elle a amené Joanne sur la dernière traversée destinée aux épouses de guerre organisée par les militaires canadiens. Joanne rappelle ici son enfance à Canterbury, au Nouveau-Brunswick. « Je me souviens des nombreuses soirées lorsqu’elle nous enseignait, à mon cousin Bobby et à moi, une danse appelée le fox-trot. D'autres fois, elle nous enseignait la valse traditionnelle. Ma mère riait beaucoup et aimait nous jouer des tours. Elle aimait jouer aux cartes et jouer pour de l'argent! Je me souviens d’avoir joué à un jeu appelé 45, pour vingt-cinq sous par jeu. Mère avait appris à tricoter de sa Mamie et elle avait appris à beaucoup d’autres femmes de la communauté qui venaient la visiter l'après-midi. En 1960, je me souviens d'un magnifique pull avec des patineurs sur le devant qu'elle avait tricoté pour moi. Bien sûr, je n’étais pas la seule. Tout l'hiver, elle tricotait quelque chose, pour une personne ou une autre. Ma mère ne lisait pas, mais elle aimait regarder son équipe de hockey favorite, les Maple Leafs de Toronto, sur la petite télévision en noir et blanc, que nous avions acquise au début de 1960. »

Une autre femme inoubliable dans la jeune vie de Joanne était sa grand-mère paternelle. Elle se rappelle, « Mamie vivait à environ ½ mile de notre maison. Son fils célibataire Sam et son petit-fils Bobby vivaient avec elle. L'enterrement de Mamie est encore très vif à mon esprit. À l'église Primitive Baptiste de Canterbury, le cercueil de Mamie était ouvert et après le service tous ont défilé devant le cercueil pour voir son corps sans vie. J’avais onze ans à l'époque et je ne pouvais pas croire que j'avais perdu Mamie pour toujours. Mon père n'a jamais été le même après la mort de Mamie. Il m’a semblé qu'il n’était jamais plus le père heureux, drôle et aimant de mon enfance. Mamie avait été la matriarche de la famille Collicott et elle avait gardé ses fils tranquilles, probablement sans même le savoir.

Mamie est décédée chez sa fille, Pauline, à Houlton, dans le Maine, le 10 février 1956. Chacun dans la famille avait eu un pressentiment de sa mort. Mon père était allé travailler loin dans un camp de bûcherons et il a dit qu'il y avait eu 3 coups frappés à la porte ce soir-là. Il est allé à la porte, mais il n'y avait personne. C’était en février et la neige fraîche était tombée mais il n'y avait pas de traces dans la neige. Encore deux fois les trois coups se sont fait entendre, mais il n'y avait personne. Mon père savait que sa mère était morte. Cette même nuit, ma mère et moi dormions dans des chambres séparées à la maison de Canterbury où nous avons toutes deux été réveillées au son du hurlement d'un hibou. Le hibou semblait être à la fenêtre de la chambre où ma mère dormait. En quelques minutes, le téléphone a sonné et c’était Pauline qui nous disait que Mamie était décédée. À cette époque, en plus de moi, ma mère avait deux garçons, Shaun, 5 ans et Kevin, seulement six mois. Ma mère m'a laissé avec les garçons qui dormaient, et elle a couru vers la maison de Mamie pour annoncer à l'oncle Sam que Mamie était morte, puisqu’il n’y avait pas de téléphone. Ma mère a rencontré oncle Sam qui venait en sa direction sur la route.

« Je sais », a-t-il dit, mais il ne racontera jamais à personne pendant des années que Mamie lui était apparue cette nuit-là.

Kay Collicott est morte le jour de l'anniversaire de Joanne en 1987. Elle était âgée de 67 ans. Elle avait été mariée 44 ans et avait donné vie à cinq enfants. Depuis son arrivée au Canada, elle avait traversé deux grandes chirurgies cardiaques et l'expérience crève-cœur de la perte d'un enfant. Joanne écrit qu'elle n'a jamais perdu son accent chantant irlandais et qu’elle se fâchait quand les gens ne pouvaient pas comprendre ce qu'elle disait. Elle ne s’est jamais habituée à nos hivers froids et s’est ennuyée beaucoup de sa famille de retour en Irlande, mais malgré tout ça, elle était heureuse d'être venue au Canada et elle a pensé que c’était une grande opportunité pour ses enfants. Joanne conclut son histoire avec deux photographies et ces mots : « Le 1er novembre 2002, alors que mon père était descendu avec moi à Whitby, en Ontario, j’ai pris ces photos de citrouilles d'Halloween à l'avant de ma maison. Si vous regardez de près, à la gauche sous la fenêtre en saillie, vous verrez une petite lumière blanche. Puis dans l'image suivante, vous verrez que la lumière (ou l'esprit orbe) s’est a élargie et s’est déplacée sur la marche supérieure. Aussi la lumière solaire qui était à côté de la petite lumière blanche (ou orbe) est revenue sur l'orbe agrandie et est apparue sur la plus haute marche. La même chose est arrivée avec la lumière solaire sur le sol en face de l'orbe élargie. Il semblerait que l'esprit utilise l'énergie dans les rayons solaires pour se faire connaître.

Une maison au crépuscule. La photo a été prise au bout de l'entrée et on peut y voir de curieux orbes de lumière.
Vue rapprochée d'une maison. Des citrouilles sont installées sur les marches de ciment et on peut y voir un curieux orbe de lumière.

Les esprits orbes se sont fait connaitre comme une façon pour les anges d’apparaitre. On dit que les plus grands sont cueilleurs d’âme et peuvent aider à nous guider vers la maison une fois que nous avons quitté le corps physique.

J’aime à penser qu’après quinze ans, Kay de Kiltane attendait d’amener son soldat canadien en toute sécurité à la maison.

Mon père est mort à 86 ans, le 21 décembre 2002 (moins de 2 mois après que ces photos ont été prises). »

Author(s)

Carrie-Ann Smith

Carrie-Ann Smith est la Vice-présidente, responsable de la mobilisation du public du Musée canadien de l’immigration du Quai 21. Elle a joint la Société du Quai 21 durant l’été 1998 et a vu l’organisation se développer à partir d’une idée pour devenir d’abord un centre d’interprétation puis, un musée national. Bien qu’elle ait occupé plusieurs postes au Musée, la collecte et le partage d’histoires ont toujours été ce qu’elle aime le plus. Et c’est toujours vrai !